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04/02/2025 | FRANCE | N°23BX00671

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 04 février 2025, 23BX00671


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné la liquidation partielle de l'astreinte administrative concernant l'installation de stockage de véhicules hors d'usage et le centre de transit de déchets industriels banals qu'ils exploitent sur le territoire de la commune de Donnezac.



Par un jugement n° 2005908 du 12 janvier 2023, le

tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur requête.



Procédure devant la cour adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné la liquidation partielle de l'astreinte administrative concernant l'installation de stockage de véhicules hors d'usage et le centre de transit de déchets industriels banals qu'ils exploitent sur le territoire de la commune de Donnezac.

Par un jugement n° 2005908 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2023, M. A... et Mme A..., représentés par Me Bonnemason-Carrere, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2020 de la préfète de la Gironde ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer l'arrêté du 21 octobre 2020 et de porter la liquidation de l'astreinte à la somme à 180 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; les atteintes à l'environnement ne sont pas caractérisées et les risques pour l'environnement ne sont pas qualifiés ; le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit dès lors que l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration est applicable ;

- les opérations d'inspection menées en 2019, 2020 et 2021 sont irrégulières ; les inspecteurs des installations classées n'ont pas respecté les principes de loyauté et d'égalité des armes ; ils ne portaient pas de signe distinctif et d'uniforme permettant de les identifier en méconnaissance de l'article R. 131-34-1 du code de l'environnement ; ils ne se sont pas présentés auprès de Mme A... avant de pénétrer dans son domicile ; M. et Mme A... n'étaient pas présents lors des inspections ; ces irrégularités rendent les procès-verbaux de ces opérations des 17 mai 2019, 30 octobre 2019, 19 mai 2020 et 28 juin 2021 irrecevables et privent de fondement l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2020 ; le jugement de première instance est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que les inspecteurs n'avaient pas à respecter le " principe du contradictoire " ;

- les opérations menées par les inspecteurs des installations classées ont méconnu les principes d'inviolabilité du domicile et de protection de la vie privée et familiale dont bénéficie la parcelle inspectée, garantis par les stipulations de l'article 8-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 172-5 du code de l'environnement ; les procès-verbaux ne mentionnent pas l'heure de ces opérations, de sorte qu'il ne peut être vérifié qu'elles ont été réalisées durant les horaires autorisées par l'article L. 172-5 du code de l'environnement ; les inspecteurs des installations classées ont mené ces opérations sans l'assentiment de Mme A..., propriétaire de la parcelle visitée, et en l'absence de M. et Mme A... alors qu'ils ont réalisé des constats à l'intérieur du domicile de M. A... ; en l'absence d'assentiment de M. et Mme A..., un officier de police judiciaire aurait dû être présent ; le parquet n'a pas été informé préalablement aux visites des inspecteurs des installations classées au domicile des consorts A... ; les procès-verbaux des inspections des 17 mai 2019, 30 octobre 2019, 19 mai 2020 sont donc irréguliers ;

- la préfète de la Gironde a commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur manifeste d'appréciation des faits ; les véhicules entreposés sur la parcelle font l'objet d'un usage personnel, sont toujours en fonctionnement et utilisés occasionnellement ; ces véhicules n'ont fait l'objet d'aucun dessaisissement dès lors que les " cartes grises " sont au nom des consorts A..., qui ont l'usage et la propriété de ces véhicules et qui les conservent en tant que véhicules de collection ; ils ne peuvent être qualifiés de déchets, au sens de l'article R. 543-154 du code de l'environnement ni de véhicules hors d'usage au sens de l'article L. 541-1-1 du même code ; le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas relevé l'existence des " cartes grises " et n'a pas répondu à ce moyen en droit et en fait ;

- l'arrêté méconnaît le principe de sécurité juridique ; un délai de 9 ans s'est écoulé entre la mise en demeure du 9 novembre 2009 et la visite d'inspection du 17 mai 2019 ; l'article 9 du code de procédure pénale, qui a une portée générale, prévoit un délai de prescription d'un an pour engager des poursuites ; ce délai de 9 ans ne peut donc être considéré comme un délai raisonnable ; l'arrêté du 20 octobre 2020 ne pouvait pas se fonder sur le procès-verbal et l'arrêté de 2009, qui étaient caduques ; le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas statué sur ce moyen et a statué infra petita ;

- l'arrêté ne fait état d'aucun trouble causé à l'environnement ; la liquidation de l'astreinte à hauteur de 18 000 euros est manifestement disproportionnée ; leur situation financière a été fragilisée par l'épidémie de Covid-19, en raison de laquelle M. A... n'a pas pu exercer son activité commerciale pendant près de trois mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... et sa sœur, Mme C... A..., sont propriétaires d'un terrain situé au lieu-dit " Les Renardières " sur le territoire de la commune de Donnezac. A la suite d'un incendie accidentel survenu le 27 juillet 2008, la gendarmerie a constaté, par un procès-verbal du 15 octobre 2008, la présence de nombreuses carcasses d'automobiles et ferrailles diverses, de barils métalliques contenant de l'huile moteur usagée et de bidons ayant contenu des acides et autres produits dangereux. Par un arrêté du 9 novembre 2009, le préfet de la Gironde a mis en demeure M. A... et Mme A..., dans un délai de trois mois, de déposer un dossier de demande d'autorisation d'exploiter afin de régulariser la situation de l'installation de stockage de véhicules hors d'usage et de transit de déchets industriels banals et dangereux qu'ils exploitent, au regard de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Le 12 août 2010, un procès-verbal de synthèse établi par la gendarmerie a confirmé la présence du stockage de véhicules hors d'usage et du centre de transit de déchets industriels non autorisés. Le 17 mai 2019, le site a fait l'objet d'une visite inopinée par l'inspection des installations classées, laquelle a constaté, dans un rapport du 9 juillet 2019, le non-respect de l'arrêté de mise en demeure du 9 novembre 2009 et a proposé le prononcé d'une astreinte administrative. Par un arrêté du 30 juillet 2019, la préfète de la Gironde a rendu M. A... et Mme A... redevables d'une astreinte progressive d'un montant de 50 euros par jour les trois premiers mois et de 100 euros par jour à partir du quatrième mois jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. Le 30 octobre 2019, le site a de nouveau fait l'objet d'une visite d'inspection, à l'issue de laquelle l'inspection des installations classées a constaté, dans un rapport daté du 7 janvier 2020, que les dispositions de l'arrêté de mise en demeure n'étaient pas respectées. Par un arrêté du 7 février 2020, la préfète de la Gironde a liquidé partiellement l'astreinte pour la période du 2 août 2019 au 30 octobre 2019 pour un montant de 4 500 euros. Le 19 mai 2020, à l'issue d'une nouvelle visite, l'inspection des installations classées a constaté, dans un rapport daté du 9 septembre 2020, que les dispositions de l'arrêté de mise en demeure n'étaient toujours pas respectées. Par un arrêté du 21 octobre 2020, la préfète de la Gironde a liquidé partiellement l'astreinte pour la période du 30 octobre 2019 au 19 mai 2020 pour un montant de 18 000 euros. M. A... et Mme A... relèvent appel du jugement du 12 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérants ne peuvent donc utilement soutenir que le jugement de première instance serait irrégulier au motif que le tribunal administratif de Bordeaux aurait commis une erreur de droit en jugeant que l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration est inapplicable et que les inspecteurs des installations classées n'avaient pas à respecter " le principe du contradictoire ".

3. En deuxième lieu, le tribunal qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par les requérants, a répondu au point 14 du jugement à leur moyen tiré de ce que l'arrêté du 21 octobre 2020 méconnaît les articles R. 543-154 du code de l'environnement et L. 541-1-1 du même code. Par suite, quand bien même le tribunal n'a pas pris en compte, pour écarter ce moyen, l'argument des requérants tenant à l'existence de " cartes grises " à leur nom, il n'a pas omis d'examiner ce moyen. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point doit être écarté.

4. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas statué sur le moyen tiré du non-respect du principe de sécurité juridique, il ressort au contraire du jugement attaqué qu'il y a répondu au point 15 de ce jugement en estimant que ce moyen était inopérant. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité doit être écarté.

Sur le cadre applicable au litige :

5. Aux termes de l'article L. 171-11 du code de l'environnement : " Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".

6. Les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 du code de l'environnement, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente, et sur l'exécution par ces derniers des mesures dont ils ont été destinataires, au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 2° Infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. Le prononcé d'une astreinte journalière sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement constitue une sanction administrative, qui doit par suite être motivée en application du 2° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même de l'arrêté ordonnant la liquidation partielle d'une astreinte administrative en raison de la persistance des manquements et du retard des intéressés à exécuter leurs obligations. En l'espèce, l'arrêté du 21 octobre 2020 ordonnant la liquidation partielle d'une astreinte administrative vise l'article L. 171-8 du code de l'environnement ainsi que, l'arrêté du 9 novembre 2009 mettant en demeure M. A... et Mme A... de régulariser leur situation, l'arrêté du 30 juillet 2019 portant astreinte journalière progressive, l'arrêté du 7 février 2020 portant liquidation partielle de l'astreinte, la visite d'inspection du 19 mai 2020 et le rapport de l'inspecteur de l'environnement du 9 septembre 2020 établi après cette visite. L'arrêté relève qu'à la date du 19 mai 2020, M. A... et Mme A... n'avaient pas régularisé leur situation et ne respectaient pas les dispositions de l'arrêté de mise en demeure du 9 novembre 2009 et qu'il y avait lieu, en application de l'arrêté du 30 juillet 2019, de liquider partiellement le montant de l'astreinte administrative journalière. Dès lors, l'arrêté du 21 octobre 2020, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

9. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 170-1 du code de l'environnement : " Le présent titre définit les conditions dans lesquelles s'exercent les contrôles des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par le présent code ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement ou d'infraction aux prescriptions prévues par le présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 171-1 du même code : " I.- Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l'article L. 170-1 ont accès : 1° Aux locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du présent code, à l'exclusion des locaux à usage d'habitation. Ils peuvent pénétrer dans ces lieux entre 8 heures et 20 heures et, en dehors de ces heures, lorsqu'ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d'utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le présent code ; 2° Aux autres lieux, notamment aux enclos, à tout moment, où s'exercent ou sont susceptibles de s'exercer des activités soumises aux dispositions du présent code (...) II. ' Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d'habitation qu'en présence de l'occupant et avec son assentiment ". Aux termes de l'article L. 171-8 du même code : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine (...) II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure (...) l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative (...) et une astreinte journalière au plus égale à 4 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée (...) ". Aux termes de l'article L. 172-16 du même code : " Les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire ".

10. D'autre part, aux termes de l'article 8-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

11. De première part, il résulte de l'instruction que les visites d'inspection menées les 17 mai 2019, 30 octobre 2019 et 19 mai 2020 avaient pour objet de vérifier le respect des dispositions de l'arrêté de mise en demeure du 9 novembre 2009 et ont donné lieu au prononcé d'une astreinte journalière par la préfète de la Gironde, sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, ainsi qu'à sa liquidation partielle. A l'issue de ces visites, aucun autre procès-verbal d'infraction n'a été dressé. Dès lors, ces visites ont été menées dans le cadre des contrôles administratifs régis par les dispositions des articles L. 171-1 à L.171-12 du code de l'environnement. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des articles L. 172-1 et L. 172-5 du code de l'environnement qui régissent la recherche et la constatation des infractions.

12. De deuxième part, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaitrait les dispositions de l'article R. 131-34-1 du même code par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

13. De troisième part, le moyen tiré de ce que les inspecteurs des installations classées n'auraient pas respecté les principes de loyauté et d'égalité des armes n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

14. De dernière part, il ressort des procès-verbaux en cause, que les inspecteurs des installations classées ont pénétré, à l'exclusion des locaux à usage d'habitation s'y trouvant, sur des parcelles propriété de M. A... et Mme A..., sise lieu Les Renardières sur le territoire de la commune de Donnezac. Dès lors que de nombreux véhicules dépourvus de fenêtres, de pneus, de capots, de portières, de pare-brise et de plaque d'immatriculation, issus du site d'activité de contrôle technique de M. A..., étaient entreposés à ciel ouvert sur ces parcelles et que celles-ci ne constituent pas, en raison de cet usage, le domicile des requérants au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du II de l'article L. 171-1 précité du code de l'environnement, ces inspecteurs étaient autorisés à y accéder en application du I de l'article L. 171-1 précité du code de l'environnement, sans l'accord de M. A... ou de Mme A.... Il suit de là que le moyen, tiré de ce que les visites d'inspection et les procès-verbaux en découlant seraient entachées d'irrégularité, doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

15. En premier lieu, aux termes d'une part, de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire (...) Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets (...) ".

16. Un déchet au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l'intention de se défaire, sans qu'il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. Aux fins d'apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d'une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d'usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d'abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés comme des biens dont leur détenteur s'est effectivement défait et présentent dès lors le caractère de déchets au regard de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement, alors même qu'ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n'est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu'il n'avait pas l'intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet.

17. Aux termes d'autre part, de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement "Relèvent du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l'article L. 541-10 [...] 15° Les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, à compter du 1er janvier 2022, afin d'en assurer la reprise sur tout le territoire (...)". Aux termes de l'article R. 543-154 du même code : " Pour l'application du 15° de l'article L. 541-10-1 et au sens de la présente section, on entend par : (...) 2° "Véhicule hors d'usage (VHU)", tout véhicule mentionné au 1° qui constitue un déchet, au sens de l'article L. 541-1-1 (...)". Aux termes de l'article R. 543-155 du même code de l'environnement " I.- Un véhicule hors d'usage ne peut être remis par son détenteur, le cas échéant un collecteur, qu'auprès d'un centre VHU ou d'une installation de traitement de véhicules hors d'usage située dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers, dès lors que cette installation respecte des dispositions équivalentes à celles de la présente sous-section et celles de l'article R. 322-9 du code de la route (...)".

18. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports de l'inspection des installations classées et des planches photographiques annexées, que lors des visites d'inspection menées les 17 mai 2019, 30 octobre 2019, 19 mai 2020 et 6 mai 2021, l'inspecteur de l'environnement a constaté la présence d'environ 100 véhicules en attente de dépollution, dont certains véhicules partiellement ou totalement démontés, dépourvus de fenêtres, de pneus, de capots, de portières, de pare-brise et de plaque d'immatriculation, ou envahis par la végétation. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces véhicules ne peuvent plus être utilisés, même occasionnellement, comme moyen de locomotion ou de transport, conformément à leur usage initial. Dès lors, M. A... et Mme A... doivent être regardés comme s'étant défaits ou ayant l'intention de se défaire de ces véhicules. La circonstance que les requérants produisent les certificats d'immatriculation de six véhicules ne fait pas obstacle à leur qualification de véhicule hors d'usage. Par suite, les moyens tirés de ce que la préfète de la Gironde aurait commis une erreur de qualification juridique et une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 541-1-1 et R. 543-154 du code de l'environnement doivent être écartés.

19. En second lieu, les mesures énumérées à l'article L. 171-8 du code de l'environnement ont été instituées pour contraindre les exploitants à prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des intérêts visés à l'article L. 511-1 du même code. Aussi longtemps que subsiste l'un des dangers ou inconvénients mentionnés à cet article, le préfet peut mettre en œuvre les différentes mesures prévues par cet article.

20. D'une part, il résulte de l'instruction que lors de la visite du 17 mai 2019, l'inspecteur de l'environnement a constaté la présence d'environ 100 véhicules hors d'usage en attente de dépollution, sur une surface supérieure à 100 m2, le stockage de pneus usagés pour un volume supérieur à 100 m3 et le stockage de métaux sur une surface supérieure à 100 m2 sans que l'exploitant n'ait régularisé la situation au regard de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ou justifié de la cessation de son activité et de la prise en charge de ces véhicules par un centre agréé. Lors des visites réalisées les 30 octobre 2019, 19 mai 2020 et 6 mai 2021, l'inspecteur de l'environnement a de nouveau constaté le non-respect des dispositions de l'arrêté de mise en demeure du 9 novembre 2009. Dès lors, en l'absence de régularisation ou de cessation de ces activités conformément à l'arrêté de mise en demeure du 9 novembre 2009, ainsi qu'en raison des risques subsistant pour l'environnement en termes de pollution des sols et des eaux souterraines du milieu environnant et d'incendie, la préfète de la Gironde pouvait légalement prononcer une astreinte journalière et la liquider partiellement, sans que la circonstance qu'un délai de neuf ans se soit écoulé depuis le procès-verbal d'infraction n'y fasse obstacle.

21. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale, lequel est seulement applicable aux poursuites pénales en matière de contraventions.

Sur les conclusions tendant à la réformation du montant de liquidation de l'astreinte :

22. Il résulte de l'instruction que l'arrêté de liquidation partielle de l'astreinte du 21 octobre 2020, qui fait suite à la visite d'inspection du 19 mai 2020 à l'issue de laquelle l'inspecteur de l'environnement a constaté que les dispositions de l'arrêté de mise en demeure du 9 novembre 2009 n'étaient toujours pas satisfaites, correspond à la période du 30 octobre 2019 au 19 mai 2020, soit 180 jours à 100 euros par jour. Il résulte également de l'instruction qu'à la date de la dernière visite d'inspection, le 6 mai 2021, la quantité de véhicules hors d'usage encore présente sur le site ne permettait toujours pas de satisfaire à la mise en demeure du 9 novembre 2009. Compte tenu du défaut d'exécution de la mise en demeure pendant une période de plus de 10 ans, en dépit des contrôles itératifs de l'inspection des installations classées, il n'y a pas lieu de modérer le montant de la liquidation de l'astreinte.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C... A... et à la ministre de la transition de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Copie en sera adressé au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente.

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe.

Le rapporteur,

Nicolas B...

La présidente,

Fabienne Zuccarello La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00671
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : ACBC AVOCATS BAYONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;23bx00671 ?
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