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04/02/2025 | FRANCE | N°23BX02464

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 04 février 2025, 23BX02464


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Bien-Être Immo et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel la maire de Poitiers a refusé de leur délivrer un permis de construire pour la transformation d'un ancien local en logements collectifs sur un terrain situé au 56 boulevard Pont-Achard.



Par un jugement n° 2101231 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté de la maire de Poitiers et

a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande de la société Bien-Être Immo et de M. B....


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bien-Être Immo et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel la maire de Poitiers a refusé de leur délivrer un permis de construire pour la transformation d'un ancien local en logements collectifs sur un terrain situé au 56 boulevard Pont-Achard.

Par un jugement n° 2101231 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté de la maire de Poitiers et a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande de la société Bien-Être Immo et de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 septembre 2023 et 9 février 2024, la société Bien-Être Immo et M. A... B..., représentés par Me Ferracci, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Poitiers en ce qu'il a refusé d'accueillir le moyen tiré de l'illégalité du premier motif fondant l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel la maire de Poitiers leur a refusé la délivrance d'un permis de construire ;

2°) d'annuler " totalement " l'arrêté du 9 avril 2021 de la maire de Poitiers ;

3°) d'enjoindre à la maire de Poitiers de délivrer à la société Bien-Être Immo un permis de construire dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Poitiers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; le tribunal, qui n'a invalidé que trois des quatre motifs de refus de délivrance du permis de construire, aurait dû, soit invalider le quatrième motif et annuler l'arrêté, soit rejeter la demande de première instance ;

- contrairement à ce qu'ont estimé le premiers juges, le motif de refus tenant à l'incompatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement territorial (OAT) du centre-ville de Poitiers était illégal ; cette orientation est incompatible avec le programme local de l'habitat (PLH) qui préconise de veiller à une typologie de logements variée ; le terrain d'assiette du projet n'est pas inclus dans le périmètre de cette OAT ; cette OAT est illégale faute d'être délimitée dans le règlement graphique du plan local d'urbanisme ; elle est en outre insuffisamment précise pour être opposable.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2024, la commune de Poitiers, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué et à la mise à la charge de la société Bien-Être Immo et de M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui a annulé l'arrêté en litige après avoir écarté les moyens dirigés contre l'un des motifs fondant le refus de permis de construire, est irrégulier ;

- les autres moyens invoqués par les appelants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 mars 2024.

Par lettre en date du 17 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Poitiers.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., en sa qualité de représentant de la société Bien-Être Immo, a présenté le 15 décembre 2020 une demande de permis de construire portant sur la transformation d'un ancien local commercial en 11 logements, sur un terrain situé 56 boulevard Pont-Achard à Poitiers. Par un arrêté du 9 avril 2021, la maire de Poitiers a opposé un refus à cette demande. Par un jugement du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et a enjoint à la maire de Poitiers de réexaminer la demande de permis de construire. M. B... et la société Bien-Être Immo relèvent appel de ce jugement et demandent à la cour d'enjoindre à la maire de Poitiers de leur délivrer le permis de construire sollicité. La commune de Poitiers présente également des conclusions tendant à l'annulation du même jugement.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel :

En ce qui concerne les conclusions d'appel de M. B... et de la société Bien-Être Immo :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance.

3. En l'espèce, le tribunal a, à l'article 1er du jugement attaqué, annulé l'arrêté du 9 avril 2021 de la maire de Poitiers portant refus de délivrance du permis de construire et, à l'article 2 du même jugement, enjoint à cette autorité de procéder à un nouvel examen de la demande de permis de construire. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions d'appel de M. B... et de la société Bien-Être Immo dirigées contre l'article 1er du jugement, qui mettent en réalité en cause non pas le dispositif du jugement mais ses motifs, ne sont pas recevables et ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

4. En revanche, les appelants, qui avaient présenté devant le tribunal des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la maire de Poitiers de leur délivrer un permis de construire, sont recevables à faire appel dudit jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à cette demande, son article 2 se bornant à prescrire un réexamen de la demande d'autorisation. Il appartient au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.

En ce qui concerne les conclusions d'appel de la commune de Poitiers :

5. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ".

6. Dans son mémoire enregistré devant la cour le 9 janvier 2024, la commune de Poitiers conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 juillet 2023. Ces conclusions d'appel incident, qui ne soulèvent pas un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 2 du jugement attaqué, sont recevables.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : 1o Un rapport de présentation ; 2o Un projet d'aménagement et de développement durables ; 3o Des orientations d'aménagement et de programmation ; 4o Un règlement ; 5o Des annexes. Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique ". Aux termes de l'article L. 152-1 du même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols (...) sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ".

8. Par ailleurs, aux termes du II de l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le programme local de l'habitat définit, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer la performance énergétique de l'habitat et l'accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d'une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements ". Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : (...) 4o Les programmes locaux de l'habitat prévus à l'article L. 302-1du code de la construction et de l'habitation ".

9. Il ressort de la rédaction de l'arrêté en litige que la maire de Poitiers a initialement fondé son refus de permis de construire, notamment, sur l'incompatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement territoriale (OAT) du centre-ville de Poitiers contenue dans le plan local d'urbanisme du Grand Poitiers, préconisant d'" assurer une proportion suffisante de grands logements et limiter la prolifération des petits logements pour répondre aux ambitions du PLH 2019-2024 ". Or, il est constant que le terrain d'assiette du projet n'est pas compris dans le périmètre de cette OAT mais dans celui de l'OAT du quartier Sud de Poitiers.

10. Par la voie de la substitution de base légale, la commune de Poitiers fait toutefois valoir que le projet est tout autant incompatible avec l'OAT du quartier Sud de Poitiers, laquelle, dans un objectif de mixité sociale et urbaine, préconise également d'" assurer une proportion suffisante de grands logements et limiter la prolifération des petits logements pour répondre aux ambitions du PLH 2019-2024 ".

11. En premier lieu, le programme local de l'habitat (PLH) approuvé le 6 décembre 2019 par la communauté urbaine Grand Poitiers relève que " les logements familiaux en accession et en location ont tendance à se raréfier dans le cœur urbain où les petites typologies sont déjà très fortement représentées ", fixe notamment pour objectif de " veiller à une typologie variée dans la production des logements " en évitant " la monotypologie à l'échelle d'un bâtiment ou d'un secteur " et, s'agissant de la ville centre, préconise de favoriser la diversité de typologie des habitats et, au regard du besoin de logements permettant l'accueil des familles, de prendre garde à ne pas produire que des petits logements. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent M. B... et la société appelante, l'OAT litigieuse n'est pas incompatible avec les dispositions ci-dessus rappelées du PLH. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette OAT doit dès lors être écarté.

12. En deuxième lieu, l'OAT de Poitiers Sud, qui prévoit la création de grands logements en proportion suffisante et prohibe la prolifération des petits logements conformément au PLH, lequel précise que les petits logements correspondent à ceux de type T1 et T2, a pour effet d'orienter de manière suffisamment précise l'urbanisation et l'aménagement du secteur. M. B... et la société Bien-Être Immo ne sont dès lors pas fondés à soutenir que cette OAT ne serait pas, en raison de sa teneur même, opposable aux autorisations d'urbanisme.

13. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la création de 11 logements, dont deux T1 de 36 m² et 41 m2 et neuf T2 de superficies comprises entre 32 m² et 72 m². Un tel projet, qui ne comporte aucun grand logement et présente une quasi unicité dans la typologie des logements, est incompatible avec l'OAT du quartier Sud de Poitiers. Il y a ainsi lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale présentée par la commune de Poitiers, laquelle n'a pas pour effet de priver M. B... et la société Bien-Être Immo d'une garantie procédurale.

14. Le motif attaché à la base légale ainsi substituée tenant à l'incompatibilité du projet avec l'OAT du quartier Sud de Poitiers justifie, à lui seul, un refus de permis de construire. La commune de Poitiers est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté du 9 avril 2021.

15. Enfin, eu égard à ce qui vient d'être dit, l'appel de M. B... et de la société Bien-Être Immo dirigé contre le même jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la maire de Poitiers de leur délivrer un permis de construire ne peut qu'être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101231 du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... et la société Bien-Être Immo devant le tribunal administratif de Poitiers, ensemble leurs conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Bien-Être Immo et à la commune de Poitiers.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02464
Date de la décision : 04/02/2025

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;23bx02464 ?
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