La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2025 | FRANCE | N°24BX00761

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 04 février 2025, 24BX00761


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2304663 du 21 février 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


r> Par une requête enregistrée le 26 mars 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 27 décembre 2024 qui n'a pas été commun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2304663 du 21 février 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 27 décembre 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Blal-Zenasni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 février 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2023 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet n'a pas instruit sa demande d'autorisation de travail ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il pouvait bénéficier du pouvoir de régularisation du préfet.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2024, et un second mémoire enregistré le 18 décembre 2024 qui n'a pas été communiqué, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Par une ordonnance du 16 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- et les observations de Me Blal-Zenasni, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 23 novembre 1989 à Gabes, déclare être entré en France le 10 juin 2017. Le 8 mars 2022, il a sollicité des services de la préfecture de la Gironde la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle. Par un arrêté du 10 août 2023, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 21 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 de ce code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de titre de séjour daté du 10 février 2022, que M. B... a formulé une demande d'admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions de l'article L. 435-1 précité, en se prévalant de son activité professionnelle. Si l'arrêté litigieux relève que l'intéressé a fait état de sa qualité de chef d'équipe au sein de la société " JLM ", M. B... fait valoir à juste titre que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne mentionne en revanche ni la demande de production de documents complémentaires effectuée par le préfet de la Gironde le 18 juillet 2023, ni la transmission au préfet, le 26 juillet 2023, de nouvelles pièces et notamment d'une demande d'autorisation de travail présentée pour son compte par la société " Ya Transports " suite à la liquidation judiciaire de son précédent employeur. En ne prenant pas en considération ces éléments d'actualisation de sa situation professionnelle, le préfet de la Gironde a entaché sa décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour d'un défaut d'examen sérieux de la demande de M. B... et ce dernier est, dès lors, fondé à en solliciter l'annulation pour ce motif, ainsi que, par voie de conséquence des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le motif d'annulation de la décision litigieuse n'implique pas que le préfet de la Gironde délivre à M. B... le titre de séjour sollicité, mais seulement qu'il réexamine sa demande. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 2304663 du 21 février 2024 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 10 août 2023 du préfet de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00761
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : BLAL-ZENASNI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;24bx00761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award