Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible.
Par un jugement n° 2303363 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et le mettre en possession d'un récépissé d'autorisation de travailler dans cette attente ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas examiné sa demande en prenant en compte sa qualification, son expérience, et ses diplômes ainsi que les caractéristiques de l'emploi de maçon ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de cet absence d'examen ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire transmis en première instance.
Par une décision du 16 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité sierra-léonaise, né le 5 janvier 1991, déclare être entré en France en mai 2017, et a demandé son admission au séjour le 26 janvier 2023. Par un arrêté du 6 mars 2023, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible. M. B... relève appel du jugement du 9 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 6 mars 2023.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
4. Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Contrairement à ce que soutient M. B..., les premiers juges ont, au point 8 du jugement contesté, répondu au moyen tiré de l'absence d'examen de sa demande de titre de séjour au regard de sa qualification, de son expérience et de ses diplômes ainsi que des caractéristiques de l'emploi auquel il a postulé et n'ont ainsi pas entaché leur jugement d'une omission à statuer.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 mars 2023 :
En ce qui concerne la décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour :
6. D'une part, M. B... ne se prévaut d'aucun diplôme ni d'aucune qualification en maçonnerie mais seulement, selon ses écritures et le récit qu'il a relaté à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, de l'expérience qu'il aurait acquise dans son pays d'origine et au cours de son parcours migratoire sans produire aucune pièce susceptible de l'établir. D'autre part, M. B... se prévaut d'expériences professionnelles en qualité d'agent de propreté, d'agent agricole puis de viticulteur entre le mois de février et septembre 2020 et produit un contrat à durée déterminée et des bulletins de paye établissant qu'il a occupé des fonctions de manœuvre maçon auprès de l'entreprise Bregoli et Fils d'août à décembre 2020. Toutefois, il n'établit pas avoir poursuivi son activité au sein de cette entreprise après le mois de décembre 2020. Enfin, si M. B... produit une promesse d'embauche du 1er septembre 2021 de la société IOS Bati rénovation pour occuper un emploi de maçon et une demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger pour occuper des fonctions d'ouvrier, manœuvre polyvalent, signé le 8 novembre 2022 avec cette même société, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait exercé des fonctions de maçon pour cette entreprise. Dans ces circonstances, le tribunal a retenu, à bon droit, que pour le métier de maçon, dont il est exact qu'il figure sur la liste des métiers en tension, M. B... ne justifiait l'avoir exercé que pendant une durée inférieure à six mois, insuffisante pour caractériser une expérience en cette qualité et qu'ainsi il ne justifiait pas d'un motif d'admission exceptionnelle au séjour, au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif de Bordeaux, et au soutien desquels M. B... n'apporte aucun élément complémentaire en appel, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer que le requérant ne faisait état d'aucun motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. M. B... soutient avoir deux enfants, nés en 2011 et 2013 mais ne produit aucun élément de nature à établir qu'ils seraient présents sur le territoire français ni davantage qu'il contribuerait à leur entretien et à leur éducation. En outre, sa présence sur le territoire français, où il est entré irrégulièrement et s'est maintenu malgré une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 9 novembre 2020, son implication dans l'association Foot Five Academy et en qualité de bénévole au sein de la Banque alimentaire de Bordeaux et ses quelques expériences professionnelles ne permettent pas de justifier qu'il aurait créé en France des liens d'une particulière intensité ou qu'il y justifierait d'une insertion professionnelle à la date de la décision attaquée. Ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ni n'a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Lanne.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°24BX01768