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06/02/2025 | FRANCE | N°24BX02002

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 06 février 2025, 24BX02002


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq

jours.



Par un jugement n° 2401678 du 4 juillet 2024, le magistrat désigné par le prés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2401678 du 4 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2024 par laquelle la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que les conclusions accessoires à fin d'injonction qui s'y rattachent, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2024, M. B..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard - Masson, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 2401678 rendu le 4 juillet 2024 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

4°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles 35 et 37 de la loi du

10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros.

Il soutient que :

- les décisions du 23 avril 2024 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ont été prises par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen personnel et approfondi de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par courrier du 10 janvier 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 23 avril 2024 en tant qu'elle porte refus de titre de séjour dès lors que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers n'a pas statué sur ces conclusions dans le jugement dont il est fait appel.

Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au

19 novembre 2024 à 12 heures.

Par une décision n° 2024/002404 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 26 septembre 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Chamberland- Poulin, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant marocain né le 8 avril 1991 à Laayoune, déclare être entré en France le 12 novembre 2017. Par une décision du 31 mars 2020, notifiée le

2 septembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Par un courrier en date du 4 février 2021, M. B... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 16 juillet 2021, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 janvier 2022, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... a sollicité le 7 novembre 2023 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés en date du 23 avril 2024, la préfète des Deux-Sèvres, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler ces deux arrêtés. Par un jugement du 4 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du

23 avril 2024 par laquelle la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que les conclusions accessoires à fin d'injonction qui s'y rattachent, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 avril 2024 par lesquelles la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/002404 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du

26 septembre 2024. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a par conséquent pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :

3. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2024 de la préfète des Deux-Sèvres en tant qu'elle porte refus de titre de séjour. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de cette décision contenue dans l'arrêté du 23 avril 2024 de la préfète des

Deux-Sèvres, sur lesquelles ne statue pas le jugement dont il est fait appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la légalité des autres décisions contenues dans l'arrêté de la préfète des Deux-Sèvres :

En ce qui concerne l'ensemble des autres décisions en litige :

4. M. B... soutient que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ont été prises par une autorité incompétente. Toutefois, ainsi que l'a relevé le premier juge, par un arrêté n° 79-2023-12-11-00003 en date du 11 décembre 2023, publié le même jour au recueil des actes administratifs et consultable sur le site internet de la préfecture, la préfète des Deux-Sèvres a donné délégation à M. Patrick Vautier, secrétaire général de la préfecture des Deux-Sèvres, à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département des Deux Sèvres, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions en matière de police des étrangers. Contrairement à ce que soutient M. B... en appel, une telle délégation n'est ni trop générale ni trop imprécise. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté préfectoral du 23 avril 2024 attaqué.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article

L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté préfectoral du 23 avril 2024, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions des articles L. 423-23, L. 432-1-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il expose les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire national de M. B..., indique que la demande d'asile sollicitée par ce dernier a été rejetée par l'OFPRA le 31 mars 2020, qu'il s'est déjà vu opposer un refus de titre de séjour le

16 juillet 2021, lequel refus a été assorti d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, qu'il a fait l'objet de mesures d'assignation à résidence auxquelles il ne s'est pas conformé, et fait état de la situation administrative, professionnelle et personnelle de l'intéressé, et notamment, sur ce dernier point, de son mariage avec une ressortissante française le

12 juin 2021. Par suite, la décision comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent. Cette motivation révèle qu'il a été procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de

M. B....

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en

France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. D'une part, si M. B... déclare être entré en France le 12 novembre 2017, sa présence en France depuis cette date n'est pas suffisamment étayée par les pièces versées au dossier. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé le 12 juin 2021 une ressortissante française, cette dernière a toutefois attesté que la vie commune n'avait commencé qu'à compter du mois de janvier 2022, soit depuis un peu plus de deux ans à la date de la décision contestée. S'agissant de cette vie commune, il ressort du procès-verbal établi le 4 mai 2022 pour constater la carence de M. B... dans l'exécution de l'obligation de pointage dont il faisait l'objet, qu'il a, à compter du 2 mai 2022, quitté le domicile conjugal en emportant avec lui " toutes ses affaires personnelles ". En outre, M. B... ne fait état d'aucune relation intense, stable et ancienne avec d'autres personnes que son épouse sur le territoire français. Pour justifier de son intégration socio-professionnelle, il se borne à produire un contrat de travail à durée déterminée d'une durée de trois mois, exécuté à Tréveneuc, dans les Côtes-d'Armor, entre octobre et décembre 2023, ainsi qu'une attestation de la présidente de l'association " Anneau de l'Espoir " en date du 5 février 2018 mentionnant qu'à cette date, soit six ans avant l'édiction de l'arrêté attaqué, M. B... effectuait des missions de bénévolat pour le compte de l'association et suivait des cours de français dispensés dans cette structure. Par ailleurs, si M. B... se prévaut de problèmes de santé d'ordre psychiatrique nécessitant un suivi en France, il ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l'avis rendu le

1er juin 2021 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que si son état de santé nécessitait effectivement une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Enfin, M. B... ne démontre pas qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, le Maroc, où il a vécu la majorité de son existence, ni qu'il serait dans l'impossibilité d'y retourner afin de solliciter la délivrance d'un visa. Dans ces conditions, la préfète des Deux-Sèvres ne saurait être regardée comme ayant porté, au regard des buts poursuivis par la décision dont il est excipé de l'illégalité, une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

S'agissant des autres moyens :

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, en prenant le 23 avril 2024 une décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. B..., la préfète des Deux-Sèvres n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

12. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire, la préfète des Deux-Sèvres s'est notamment fondée sur la circonstance que M. B... s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 16 juillet 2021, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 janvier 2022. Par suite, en refusant d'assortir sa décision du 23 avril 2024 portant obligation de quitter le territoire d'un délai de départ volontaire, la préfète des Deux-Sèvres n'a pas méconnu les dispositions des articles

L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 23 avril 2024, en tant qu'il fixe le pays de renvoi, vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise la nationalité de M. B..., indique qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, et mentionne que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 31 mars 2020. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi comporte les motifs de droit et de fait sur lesquels elle est fondée. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. M. B..., dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 31 mars 2020 ne démontre pas la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L.612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

17. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

18. L'arrêté préfectoral du 23 avril 2024, en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français, vise les articles L. 612-6, et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. B... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire de nature à justifier qu'une interdiction de retour ne soit pas prise à son encontre, qu'il déclare être entré en France en 2017 sans toutefois en apporter la preuve, qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et fait état de sa situation personnelle et professionnelle sur le territoire français. Dans ces conditions, et alors que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'avait pas à préciser que M. B... ne constituait pas une menace pour l'ordre public, elle est suffisamment motivée. Le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit donc être écarté.

19. En second lieu, si M. B... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il s'est vu opposer une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, il ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle permettant qu'une interdiction de retour ne soit pas édictée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée pour le surplus.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,

Mme D... E..., première-conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.

Le président-assesseur,

Stéphane Gueguein

La présidente-rapporteure,

Karine A...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX02002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02002
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;24bx02002 ?
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