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08/04/2025 | FRANCE | N°24BX01858

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 08 avril 2025, 24BX01858


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement rejeté sa demande du 9 février 2023 tendant à la délivrance d'un titre de séjour et d'autre part l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé

le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement rejeté sa demande du 9 février 2023 tendant à la délivrance d'un titre de séjour et d'autre part l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2306026, 2401109 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2024, M. C..., représenté par Me Maraud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mai 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une présence en France de plus de six ans, qu'il a été pris en charge par un ressortissant français qui l'a adopté et avec lequel il vit, qu'il est intégré en France ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale pour être fondée sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour elle-même illégale.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale pour être fondée sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et sur une obligation de quitter le territoire français elles-mêmes illégales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Normand a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen né en 1998, est entré en France le 16 juillet 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité le bénéfice de l'asile, qui lui a été refusé par décision de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 septembre 2019. Par un arrêté du 14 décembre 2020, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2021 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 novembre 2021. Le 13 février 2023, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... relève appel du jugement du 21 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions du 1° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision portant refus de séjour contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde en ce qu'elle vise notamment les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retrace le parcours de M. C... en France et rappelle ses conditions de séjour sur le territoire français et sa situation privée et familiale. Par suite, et dès lors que le préfet de la Gironde n'était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle de M. C... dont il avait connaissance mais seulement des faits qu'il a jugé pertinents pour justifier le sens de sa décision, cette décision de refus de titre de séjour contestée est suffisamment motivée en droit et en fait. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation doit être également écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. C... résidait en France depuis cinq années, chez M. B..., ressortissant français, qui l'a adopté dans le cadre d'une procédure d'adoption simple. Son père est, selon ses déclarations, décédé en 2003 et il ressort d'un certificat médical que sa mère est décédée en 2022. Toutefois, M. C... est célibataire, sans enfant et ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, notamment des attestations relatives à ses engagements associatifs et sa participation à des cours de français, une demande d'ouverture d'un livret A, et quelques justificatifs de présence en France depuis 2017, de son insertion sociale et professionnelle. La circonstance que M. C... soit suivi dans le cadre de la mission locale depuis le 28 mars 2018 ne suffit pas davantage à établir qu'il a, en France, des liens d'une intensité ou d'une ancienneté particulières. Par ailleurs, M. C... ne dispose d'aucune autre attache familiale ou personnelle sur le territoire français ni d'aucune ressource et a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de dix-huit ans. S'il fait encore valoir que son état de santé nécessite des soins psychiatriques, notamment médicamenteux, il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne pourrait pas en disposer en Guinée. Par suite, le refus de titre de séjour attaqué ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formé par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

7. Eu égard aux éléments de la situation personnelle et familiale du requérant précédemment énoncés au point 5 du présent arrêt, en ne procédant pas à, titre exceptionnel à la régularisation de la situation de M. C..., le préfet de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour contre l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'un durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

11. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

12. Dans les circonstances rappelées aux points précédents, M. C... ne justifie pas de l'intensité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français. En outre, si sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre. Les éléments qui précèdent sont de nature à justifier légalement, dans son principe et sa durée, l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée à son encontre par le préfet de la Gironde.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Zuccarello, présidente,

M. Normand, président assesseur,

Mme Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

Le rapporteur,

N. Normand

La présidente,

F. Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24BX01858 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01858
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : MARAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24bx01858 ?
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