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08/04/2025 | FRANCE | N°24BX02417

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 08 avril 2025, 24BX02417


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné à défaut de se conformer à cette mesure et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2403413 du

12 juillet 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné à défaut de se conformer à cette mesure et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2403413 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées le 9 octobre 2024, le 27 janvier et le 17 février 2025, M. B..., représenté par Me Duten, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2024 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai à compter de la décision, un récépissé avec autorisation de travailler sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- elles sont entachées d'un défaut de motivation dès lors qu'il n'est fait nulle mention de l'état de santé de son père ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

- la décision est illégale en ce que la décision portant de titre de séjour, qui la fonde, est elle-même entachée d'illégalité ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale en ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui la fonde, est elle-même entachée d'illégalité ;

- elle n'est pas suffisamment motivée dès lors qu'elle ne prend pas en compte l'ensemble des critères posés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui interdisant de retourner en France pendant une durée d'un an, alors que son père est gravement malade et qu'il ne pourra pas le voir ou lui venir en aide pendant un an ; elle est, à ce titre, disproportionnée.

La procédure a été communiquée au préfet de la Gironde qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 17 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- et les observations de Me Lavallie représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 4 septembre 2000, de nationalité arménienne, est entré en France le 24 juillet 2023. Il a déposé une demande d'asile le 21 août 2023, rejetée par une décision du 23 novembre 2023 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée. La Cour nationale du droit d'asile a également rejeté sa demande par une décision du 8 mars 2024. Par un arrêté du 13 mai 2024, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait légalement admissible et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 12 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 13 mai 2024.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 mai 2024 :

En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La circonstance que la présence du père de M. B... et son état de santé ne soient pas mentionnés ne suffit pas à établir une insuffisance de motivation alors qu'il n'est ni établi ni même allégué que M. B... se serait prévalu de ces éléments auprès de la préfecture et en aurait justifié à la date de l'arrêté attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B... soutient, être venu en France en juillet 2023 sur recommandation du corps médical en charge de son père, que l'état de santé de son père s'est dégradé, qu'il est présent à chaque rendez-vous médical et que son père a besoin de la présence d'un membre de sa famille à ses côtés pour l'aider dans tous les actes de la vie courante. M. B... produit trois certificats médicaux, postérieurs à l'arrêté attaqué, datés des 24 mai et 2 octobre 2024, attestant que son père est pris en charge en hémodialyse à la maison du rein depuis le 11 juin 2019 à raison de trois séances de dialyse par semaine et que le requérant serait l'aidant principal. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des certificats produits que la présence d'un membre de la famille serait indispensable pour le père du requérant, âgé de 48 ans, malgré le versement à son bénéfice d'une allocation aux adultes handicapés avec un taux d'incapacité supérieur à 80%, ni que le corps médical aurait, comme il le soutient, recommandé à la famille de venir auprès de lui. Au contraire, le dossier médical du père du requérant précise qu'il est autonome pour les actes essentiels de la vie quotidienne et qu'il est parfois assisté d'un interprète lors des examens médicaux. D'ailleurs, M. B... a demandé le bénéfice de l'asile en arrivant en France et n'a pas sollicité de titre de séjour en se prévalant de l'état de santé de son père et de la nécessité de sa présence à ses côtés. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le requérant serait présent aux rendez-vous médicaux de son père ou qu'il remplirait effectivement quotidiennement le rôle d'aidant principal. Par ailleurs, il est constant M. B... est entré récemment en France et y a séjourné uniquement le temps de la demande d'asile, qu'il a résidé en Arménie jusqu'à ses 23 ans et que les autres membres de sa famille y résident. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, ni n'ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale. Dès lors, le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité doit être écarté.

6. En second lieu, M. B... invoque l'existence d'un conflit interne en Arménie. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée, cet unique élément non développé ni circonstancié n'est pas de nature à démontrer une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par le préfet.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le père de M. B... réside en France et que son état de santé nécessite des soins médicaux. Dès lors que le prononcé de l'interdiction de retour sur le territoire français ferait obstacle à ce que le requérant puisse venir voir son père, cette décision est entachée d'erreur d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français, et que ses conclusions tendant à l'annulation des autres décisions doivent être rejetées. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 13 mai 2024 portant interdiction de retour sur le territoire français est annulée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,

M. Nicolas Normand, président assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La rapporteure,

Clémentine Voillemot

La présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°24BX02417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02417
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : DUTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24bx02417 ?
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