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09/04/2025 | FRANCE | N°24BX02480

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2025, 24BX02480


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 29 février 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, prolongation d'un an de son interdiction de retour sur le territoire français et fixation du pays de renvoi.



Par un jugement n° 2400815 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 octobre 2024, M. A..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 29 février 2024 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, prolongation d'un an de son interdiction de retour sur le territoire français et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 2400815 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Arnaud Toulouse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2024 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai, et dans les deux cas de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est illégale en ce qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur des enfants nés et à naître, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- sa présence en France ne constitue pas une menace suffisamment grave à l'ordre public dès lors que les deux condamnations dont il a fait l'objet sont, ancienne pour l'une et sans gravité pour l'autre ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est illégale par voie de conséquence ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour, en l'absence de trouble à l'ordre public ;

- la décision portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence ;

- elle est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- elle est disproportionnée au regard de la durée de sa présence sur le territoire, de l'importance exceptionnelle de ses liens familiaux en France et de l'absence de trouble à l'ordre public ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit au regard de l'incohérence dans les durées d'interdiction de retour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2025, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Par une ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2025.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/002057 du 19 septembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant surinamien, est entré sur le territoire national le 27 septembre 2016 puis en France métropolitaine le 2 octobre 2016, muni d'un visa de court séjour valable jusqu'au 1er novembre 2016. Le 7 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 19 décembre 2017, le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 23 octobre 2018, le préfet du Lot-et-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur ce territoire pour une durée d'un an. M. A... a, le 25 août 2023, de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 29 février 2024, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prolongé son interdiction de retour d'une année et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 3 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2024 du préfet de la Haute-Vienne.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... que celui-ci, incarcéré à la maison d'arrêt d'Agen le 29 juin 2018, a été condamné à deux ans d'emprisonnement ainsi qu'à une interdiction de séjour de trois ans le 4 juillet 2019 par le tribunal correctionnel d'Auch pour des faits d'usage illicite, transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisée de stupéfiants, faits commis entre le 1er octobre 2017 et le 27 juin 2018. Il a de nouveau été condamné à deux mois d'emprisonnement le 23 janvier 2023 par le tribunal correctionnel de Poitiers pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement, faits commis en récidive entre le 1er novembre 2022 et le 8 novembre 2022. Le requérant soutient que ces condamnations pénales sont insusceptibles de caractériser une menace actuelle à l'ordre public étant donné le caractère ancien de la première, l'absence de gravité de la seconde, et le fait qu'il a pris conscience de la nécessité d'être exemplaire. Toutefois, eu égard à la réitération de délits, à leur nature, ainsi qu'au caractère récent de la seconde condamnation à la date de la décision attaquée, le préfet de la Haute-Vienne a pu légalement regarder la présence de M. A... sur le territoire comme constituant une menace à l'ordre public et, pour ce motif, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412 1 ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et l'éducation des enfants à proportion des ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, l'étranger qui se prévaut de cette qualité, doit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... est père de trois enfants français nés respectivement le 2 août 2015 d'une première relation, et les 11 juillet 2018 et 18 janvier 2022 de sa relation avec Mme C... B... ressortissante française. Le requérant n'allègue pas participer à l'entretien et à l'éducation de son premier enfant. Il fait en revanche valoir que la communauté de vie avec la mère de ses deux autres enfants est de nature à faire présumer de sa participation à leur éducation. Toutefois, les deux attestations de Mme B... qu'il produit, datées du 11 mai 2023 et du 6 mai 2024, par lesquelles elle affirme l'héberger à titre gratuit et évoque une " vie quotidienne familiale ", ne permettent pas d'établir l'existence d'une communauté de vie d'au moins deux ans à la date de la décision litigieuse. Les autres pièces produites attestent d'une adresse commune au plus tôt en mai 2022. Par ailleurs, si le requérant produit également des attestations de proches selon lesquels M. A... s'occupe de ses enfants au quotidien, les emmène à l'école, au parc ou à l'église, celles-ci, peu circonstanciées et qui ne comportent notamment aucune mention de dates ou de durées, sont insuffisantes pour établir que M. A... aurait contribué de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants dans les conditions prévues par les dispositions précitées. Il en est de même de la production de deux photographies le montrant avec ses enfants antérieurement à la décision attaquée et de l'attestation d'un médecin selon laquelle M. A... était présent lors de consultations de ses enfants les 21 décembre 2023 et 25 avril 2024. Enfin, si le requérant se prévaut d'avoir contribué financièrement à l'entretien de ses enfants même pendant sa période d'incarcération, les seules pièces produites à l'appui de ses dires, consistant en un ticket de caisse illisible et trois justificatifs de virements de 150 euros et 200 euros au bénéfice de sa compagne datés d'août et novembre 2022, sont insuffisantes pour permettre d'établir sa contribution effective à l'entretien de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Dans ces conditions, la décision du préfet de la Haute-Vienne ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / " . Aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

7. Si M. A... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, remontant au 27 septembre 2016, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est toutefois maintenu irrégulièrement sur le territoire en dépit de deux obligations de quitter le territoire français prononcées à son encontre par le préfet du Gers le 19 décembre 2017 puis par le préfet du Lot-et-Garonne le 23 octobre 2018. En tout état de cause, l'ancienneté de son séjour en France ne peut à elle seule suffire à lui conférer un droit au séjour. Si le requérant invoque également sa vie de couple avec Mme B..., qu'il fait remonter à décembre 2020, leurs deux enfants et la prochaine naissance d'un troisième enfant qu'il a reconnu par anticipation, les pièces qu'il produit, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne permettent d'établir ni l'existence d'une réelle communauté de vie à tout le moins antérieure à mai 2022, ni qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. M. A... se prévaut également de la présence en France de son frère titulaire d'une carte de résident de dix ans résidant à Rouen, mais il ne démontre pas entretenir des liens intenses avec celui-ci. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait dépourvu de tout lien dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Enfin, ainsi qu'il a été exposé précédemment, M. A..., après avoir fait l'objet d'une première condamnation à deux ans d'emprisonnement, a de nouveau été condamné à deux mois d'emprisonnement pour des faits commis en récidive. Son comportement manifeste ainsi un défaut d'insertion dans la société française. Dans ces conditions, en dépit de la durée de la présence en France de M. A... et de ses liens familiaux sur le territoire, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect à la vie privée et familiale, ni ne méconnaît par conséquent les stipulations conventionnelles ou les dispositions légales précitées.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435 ".

9. Le préfet n'est tenu, en application des articles L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que dans les cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Dès lors que M. A..., ainsi qu'il est indiqué aux points 5 et 7, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas fondé à soutenir que la commission précitée aurait dû être saisie avant l'intervention de la décision de refus du titre de séjour. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Pour contester la décision attaquée, M. A... fait valoir que cette dernière porte une atteinte grave à l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors qu'il contribue effectivement à leur entretien et leur éducation. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, dès lors que les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sont écartés, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...).

14. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la présence du requérant sur le territoire français doit être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français :

15. Aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; (...) Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu sur le territoire français en méconnaissance de deux précédentes obligations de quitter le territoire et, ainsi qu'il a été dit au point 3, sa présence en France est de nature à constituer une menace à l'ordre public. Toutefois le requérant, qui est le père de trois enfants français résidant sur le territoire national et dont la compagne attendait à la date de la décision attaquée un enfant qu'il avait reconnu par anticipation, est fondé à soutenir que la décision prolongeant d'un an son interdiction de retour sur le territoire est dans ces circonstances disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision, l'arrêté attaqué doit être annulé en tant qu'il porte prolongation d'un an de l'interdiction de retour sur le territoire français du requérant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. Dès lors que les moyens dirigés contre la décision d'obligation de quitter le territoire français sont écartés, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Le présent arrêt, qui se borne à annuler la décision prolongeant d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français de M. A..., implique seulement un examen de son droit à effacement du signalement aux fins de non-admission dont il fait l'objet dans le système d'information Schengen. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde, en application de l'article R. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de procéder à cet examen et, le cas échéant, de mettre en œuvre la procédure d'effacement dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

20. M. A... ne pouvant être regardé comme la partie principalement gagnante dans la présente instance, les conclusions qu'il a présentées titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français de M. A... est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne d'examiner le droit de M. A... à effacement du signalement aux fins de non-admission dont il fait l'objet dans le système d'information Schengen et, le cas échéant, de procéder à cet effacement, dans un délai d'un mois compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 2400815 du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Limoges est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy Le président-rapporteur,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24BX02480 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02480
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : CABINET AVOC'ARENES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;24bx02480 ?
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