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09/04/2025 | FRANCE | N°24BX02487

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2025, 24BX02487


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux arrêtés du 27 juillet 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire pour une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2304203 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :




Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Autef, demande à la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux arrêtés du 27 juillet 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2304203 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Autef, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 juillet 2023 du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale dès lors que sa famille était opposée à son départ en Israël et qu'il craint d'être victime de représailles en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.

Par une ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 25 février 1991, a été contrôlé par les autorités françaises le 21 juillet 2023 à l'aéroport de Roissy. Arrivant d'un vol en provenance de Tel Aviv, en transit à Paris et enregistré pour un vol à destination de Marrakech, il a refusé d'embarquer dans l'avion sur lequel il était enregistré. Dépourvu de visa, il a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée et a été placé en zone d'attente. Le 23 juillet 2023, puis le 26 juillet 2023, il a de nouveau refusé d'embarquer à destination de Marrakech. Le 27 juillet 2023, il a été placé en garde à vue. Par deux arrêtés du 27 juillet 2023, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, au soutien de ses moyens tiré du défaut de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation, M. C... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation en première instance, et ne critique pas utilement la réponse apportée à ces moyens par le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ceux-ci par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.

3. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié le 17 février 2022 à Casablanca avec Mme B... épouse A..., ressortissante marocaine. Il ressort également des pièces du dossier que celle-ci réside à Bergerac, en Dordogne, avec ses deux enfants nés d'une première union et qu'elle possède une carte de résidente en France de dix ans délivrée le 29 août 2013, qui a été renouvelée et qui est valable jusqu'au 28 août 2033. Si M. C... soutient qu'il participe aux frais et aux besoins de la famille, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait séjourné en France, alors qu'il ressort du procès-verbal de sa garde à vue du 27 juillet 2023 qu'il a déclaré être domicilié à Casablanca, qu'il a indiqué avoir quitté le Maroc le 1er juin 2022 pour se rendre en Israël avec un visa de tourisme valable trois mois et qu'il a vécu un an en Israël en exerçant la profession de cuisinier. Par ailleurs, si M. C... fait valoir qu'il est le père E..., née en France le 27 janvier 2023, ce dont atteste l'acte de naissance rectifié le 3 août 2023 postérieurement à la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait eu des contacts avec sa fille depuis la naissance de celle-ci. En outre, le transfert d'argent effectué depuis Israël le 19 juillet 2023 pour 606 euros et les deux attestations d'envois de colis Chronopost depuis Israël les 21 et 25 juillet 2023, à savoir un colis pour lequel la déclaration à la douane mentionne " cloth " d'une valeur douane de 201,41 euros et un colis " baskets " pour une valeur douane de 426,36 euros, ne sauraient suffire à établir la contribution de M. C... à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué à l'encontre de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...). ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) , qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

7. La décision attaquée refusant un délai de départ volontaire est fondée sur la non-satisfaction de la condition tenant à la présentation de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Il est toutefois constant que M. C... est entré en France sous couvert d'un passeport marocain en cours de validité.

8. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Dans son mémoire en défense produit devant le tribunal administratif de Bordeaux, le préfet de police a fait valoir que M. C... ne justifiait pas de la régularité de son entrée en France. Il s'ensuit que le requérant ne satisfaisait pas à la condition, prévue à l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de régularité du séjour. Ce motif justifiait, à lui seul, le refus d'un délai de départ volontaire. Il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif et que la substitution de motif demandée par le préfet ne prive pas M. C... d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le préfet de police. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 6.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, si M. C... allègue de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, il se borne à indiquer que sa famille au Maroc était opposée à son départ pour Israël mais il n'apporte aucun élément probant pour établir la réalité des risques auxquels il s'exposerait à ce titre en cas de retour. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant un délai de départ volontaire n'étant pas illégales, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, invoqué à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'a jamais séjourné France et ne justifie pas y avoir des liens stables et intenses. Dans ces conditions, et alors même que la présence de l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, qui n'est pas la durée maximale prévue par les dispositions précitées, ne procède pas d'une inexacte application de ces dispositions.

15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copies en seront adressées au préfet de police de Paris et au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02487
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : AUTEF

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;24bx02487 ?
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