Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le maire de la commune de Bergerac a prononcé à titre de sanction disciplinaire, sa révocation à compter du 1er avril 2022 et de condamner la commune de Bergerac à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts.
Par un jugement n° 2202515 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 juin 2023, 27 juin 2023 et 22 octobre 2024, la commune de Bergerac, représentée par le cabinet d'avocat HMS Atlantique, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande de M. C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la matérialité des faits reprochés à l'agent et qui fondent la sanction de la révocation, n'est pas établie ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux devant le tribunal et en ce que la contestation en appel du rejet des conclusions indemnitaires est tardive ;
- au titre de l'effet dévolutif, les autres moyens soulevés par M. C... doivent être écartés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Le Gall, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à ce que la commune de Bergerac soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Bergerac une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés et que compte tenu de ce qu'il n'a pas de ressources et a été particulièrement choqué par le motif de la révocation, ses prétentions indemnitaires sont fondées.
Par ordonnance du 28 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2024 à 12 heures.
Des pièces ont été produites pour la commune de Bergerac les 14 et 18 mars 2025, après la clôture de l'instruction.
Des pièces ont été produites pour M. C... le 1er avril 2025, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Jeanneau représentant la commune de Bergerac et de Me Le Gall représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., adjoint territorial d'animation au sein de la commune de Bergerac depuis 2017, exerçait ses missions au sein du centre social Germaine-Tilion. Le directeur général des services a rédigé un rapport disciplinaire le 21 décembre 2021, en raison d'une altercation qui aurait eu lieu le 17 décembre 2021, entre M. C... et une élue de la commune. Par un courrier du 31 décembre 2021, M. C... a été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. Le conseil de discipline s'est réuni le 4 février 2022 et a émis un avis favorable à la sanction de la révocation. Par un arrêté du 7 mars 2022, le maire de la commune de Bergerac a prononcé la révocation de M. C..., à titre de sanction disciplinaire, à compter du 1er avril 2022. La commune de Bergerac relève appel du jugement du 1er juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 7 mars 2022. Par la voie de l'appel incident, M. C... relève appel de ce même jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Bergerac à l'indemniser de ses préjudices.
En ce qui concerne l'appel incident :
2. Les conclusions de M. C... tendant à la condamnation de la commune de Bergerac à l'indemniser de ses préjudices constituent un litige distinct de celles de l'appelant principal tendant à l'annulation du jugement du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé l'arrêté de révocation du 7 mars 2022. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. C... sont irrecevables et il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée en ce sens par la commune de Bergerac.
En ce qui concerne l'appel principal :
3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Quatrième groupe : (...) la révocation ".
4. Aux termes de l'arrêté contesté, éclairé par un rapport disciplinaire du 21 décembre 2021, il est reproché à M. C..., d'une part, une agression verbale d'une élue de la collectivité, Mme B..., par " des propos vindicatifs et par une attitude visant à l'intimider ", le 17 décembre 2021 vers 19 heures au marché couvert de Bergerac, caractérisant " un manquement aux obligations statutaires et déontologiques, notamment aux devoirs d'obéissance hiérarchique et de respect de la hiérarchie ", et d'autre part, le caractère " réitéré et délibéré " du comportement de l'intéressé et " l'absence de prise de conscience de ses agissements ".
5. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté qu'un échange verbal entre M. C... et l'élue est effectivement intervenu le 17 décembre 2021 au lieu et à l'heure précités. Selon deux attestations des 5 janvier et 8 janvier 2022 produites par M. C..., celui-ci a interpelé l'élue pour lui demander d'arrêter de " parler dans son dos ", de " s'occuper de ses affaires ", " de le laisser tranquille ", " d'arrêter de citer son nom ". Ces mêmes témoins attestent de ce que l'intéressé n'a ni insulté ni menacé l'élue. L'un d'entre eux relève également que M. C... a invité Mme B... à ne pas se rendre dans le restaurant appartenant à sa fille si " les Benchaib te dérangent " et que l'intéressé a parlé à un moment en langue arabe en levant la tête et en fermant les yeux ce dont le témoin a déduit " qu'il invoquait le ciel ". Ces témoignages circonstanciés ne sont pas sérieusement infirmés par les attestations des 2 juin et 15 juin 2023 produites, pour la première fois en appel, par la commune et postérieures de 18 mois à l'arrêté attaqué, selon lesquelles M. C... criait fort contre l'élue et lui a interdit de rentrer dans le restaurant. Si les premières attestations précitées, contemporaines des faits de la cause, sont ainsi de nature à démontrer, au regard de leur teneur, l'existence d'un différend entre les deux intéressés, en revanche, elles ne traduisent pas une agression verbale vindicative contre une élue de la collectivité visant à l'intimider. En outre, s'il ressort du rapport disciplinaire que Mme B... a porté plainte le 18 décembre 2021 contre M. C..., la réalité de cette plainte n'est pas établie et aucune condamnation pénale n'est en tout cas intervenue à l'encontre de M. C..., et ce dernier a lui-même porté plainte pour " diffamation non publique " à l'encontre de Mme B.... La commune n'est pas davantage fondée à se prévaloir de témoignages de nature à révéler, selon elle, une attitude agressive de M. C... à l'encontre de Mme B... dans un centre de vaccination dès lors que ce grief ne fonde pas la décision attaquée. Enfin, en l'absence de matérialité des faits reprochés à l'intéressé et qui fondent la sanction de la révocation, la commune n'est pas fondée à exciper du caractère " réitéré et délibéré " de son comportement à l'origine de la sanction, en invoquant les précédentes sanctions d'exclusion temporaire de fonction de 5 jours en 2015, et d'exclusion de fonctions de trois mois en 2020, ainsi que de " l'absence de prise de conscience de ses agissements ". En tout état de cause, à supposer que les faits de la cause soient de nature à justifier une sanction disciplinaire, la sanction de révocation, sanction du quatrième groupe, présente un caractère disproportionné.
6. Il résulte de ce qui précède, que la commune de Bergerac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 mars 2022.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Bergerac au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bergerac une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Bergerac est rejetée.
Article 2 : La commune de Bergerac versera la somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à la commune de Bergerac.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur.
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2025.
Le rapporteur,
Nicolas A...
La présidente,
Fabienne ZuccarelloLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01573