Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du maire de la commune du Tampon rejetant implicitement sa demande de versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (B...).
Par une ordonnance n° 2101102 du 21 mars 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, M. A..., représenté par Me Grimaldi, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 21 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision du maire de la commune du Tampon rejetant implicitement sa demande de versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (B...) ;
3°) d'enjoindre à la commune de lui verser B... à compter du 4 septembre 2020, dans un délai de 10 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Tampon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa demande était entachée d'une irrecevabilité manifeste en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; le tribunal ne l'a pas invité à régulariser sa demande ; la communication du mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne peut dispenser le juge administratif de respecter cette obligation ; par un courrier recommandé du 19 mai 2021, il a sollicité de la commune le versement de B... ;
- si l'article 4 du décret n° 2017-829 du 5 mai 2017 portant création d'une indemnité temporaire de sujétion des services d'accueil a supprimé B..., cela ne signifie pas que cette indemnité ne peut plus être versée aux agents qui actuellement la perçoivent ; en l'absence de refonte de régime indemnitaire de la commune, B... est toujours applicable ;
- il remplit les conditions de la délibération du 27 décembre 2010 prévoyant le versement de B... aux agents de catégorie C.
Par un mémoire enregistré le 17 avril 2025, la commune du Tampon représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'à supposer que l'ordonnance n° 2101102 du 21 mars 2023 du tribunal administratif de La Réunion soit annulée par la cour, les conclusions en annulation ne sont pas fondées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Bekpoli, représentant la commune du Tampon.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique de la commune du Tampon, relève appel de l'ordonnance du 21 mars 2023 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Tampon rejetant implicitement sa demande de versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (B...).
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...)". Aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. Cet acte ou cette pièce doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagné d'une copie ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " (...) dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ".
3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sont celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte en cours d'instance, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré, et celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque, après que la requête a été mise à l'instruction, la juridiction s'est bornée à communiquer au requérant le mémoire par lequel une partie adverse a opposé à la requête une fin de non-recevoir tirée d'une irrecevabilité susceptible d'être encore régularisée, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre.
4. Pour rejeter la demande, le premier juge a relevé que M. A... ne justifiait pas, en se bornant à produire un courrier du 4 mai 2021 concernant l'indemnité d'administration et de technicité et un avis de réception postal mentionnant la date du 25 mai 2021 que la commune niait avoir reçu, avoir réellement adressé à son employeur, avant de saisir le tribunal, une demande explicite de versement de l'indemnité d'exercice des missions des préfectures et qu'ainsi, faute de justification de l'existence de la décision attaquée, la requête était entachée d'une irrecevabilité manifeste et devait être rejetée, en toutes ses conclusions, selon la procédure prévue à l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Alors que l'irrecevabilité retenue par la juridiction était susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction s'est toutefois bornée à communiquer au requérant le mémoire par lequel la partie adverse a opposé à la demande une fin de non-recevoir, sans inviter le demandeur selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article R. 612-1 du CJA, à régulariser sa demande, en produisant la décision mentionnée au deuxième alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ou, à défaut, la pièce justifiant de la date du dépôt de la réclamation formée devant l'administration, en application de l'article R. 412-1 du même code.
5. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté comme irrecevables les conclusions dont il était saisi. Cette ordonnance est ainsi irrégulière et doit par suite être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de La Réunion.
Sur la recevabilité de la demande :
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Me Grimaldi a adressé à la commune du Tampon une lettre recommandée dont celle-ci a accusé réception le 25 mai 2021. Le requérant produit, en outre, devant la cour, une lettre du 19 mai 2021, par laquelle Me Grimaldi demandait pour le compte de son client, le versement de B... à compter du 4 septembre 2020. En se bornant à indiquer que " le requérant ne produit pas la preuve de la réception par l'administration du courrier qu'il indique lui avoir adressé en date du 19 mai 2021 " et qu'elle n'a pas retrouvé ce courrier malgré les recherches effectuées, la commune n'établit pas que le pli qu'elle a reçu le 25 mai 2021 ne contenait pas la lettre du 19 mai 2021. Une décision implicite de rejet de cette demande est ainsi née le 25 juillet 2021 et a lié le contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la commune doit être écartée.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
8. La commune du Tampon soulève une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de la demande de versement de B... qu'elle aurait reçue le 25 mai 2021 dès lors que la décision de cesser d'accorder à M. A... le versement de B... à compter du 31 août 2020 lui a été révélée tant par la réception de son bulletin de salaire de septembre 2020 sur lequel ne figure pas le versement de cette indemnité que par la circonstance qu'il n'a pas été destinataire, contrairement aux périodes précédentes, d'un arrêté trimestriel l'informant du versement de cette prime. Toutefois, il ne peut être déduit de ces seules circonstances, l'existence d'une décision défavorable au versement de cette prime révélée à l'agent. Il suit de là que la fin de non-recevoir soulevée par la commune du Tampon doit être écartée.
9. En dernier lieu, si la commune fait valoir que la décision attaquée est une décision purement confirmative d'une précédente décision, révélée par le bulletin de salaire de M. A... du mois de septembre 2020, toutefois, ainsi qu'il a été indiqué, la suppression de cette prime à partir de septembre 2020 constitue une décision administrative défavorable qui ne résulte d'aucune demande de M. A... de sorte que la décision attaquée n'a pas la nature d'une décision purement confirmative.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Tampon refusant le versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures :
10. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents ". Aux termes de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...) L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire ". L'article 1er du décret du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice des missions de préfecture, alors en vigueur, prévoit que : " Une indemnité d'exercice est attribuée aux fonctionnaires des filières administrative (...) qui participent aux missions des préfectures dans lesquelles ils sont affectés ". L'article 2 de ce décret précise que : " Le montant de l'indemnité mentionnée à l'article 1er (...) est calculé par application à un montant de référence fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé de l'outre-mer et du ministre chargé du budget d'un coefficient multiplicateur d'ajustement compris entre 0,8 et 3 ".
11. Par délibération du 27 décembre 2010, le conseil municipal de la commune du Tampon, a rendu applicable à ses agents l'indemnité d'exercice des missions de préfecture prévue par les dispositions précitées, en prévoyant que son coefficient de modulation varie de 0 à 3 en fonction des responsabilités exercées et de la manière de servir.
12. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la commune, l'abrogation du décret du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures par le décret du 5 mai 2017 portant création d'une indemnité temporaire de sujétion des services d'accueil entré en vigueur le 7 mai suivant n'a pas eu pour effet d'abroger la délibération précitée qui s'est seulement inspirée, pour l'application de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, du décret du 26 décembre 1997 sans qu'il n'en constitue sa base légale.
13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un bulletin de salaire du mois d'août 2020 et des propres affirmations de la commune, que M. A... a perçu, à compter du 1er août 2018, une B... d'un montant mensuel de 28,58 euros dont le versement a été interrompu le 1er septembre 2020. Pour justifier cette décision, la commune fait valoir dans ses écritures que M. A... a changé de poste le 1er septembre 2020, que les évaluations des années 2018 et 2019 de M. A... font apparaître des points d'amélioration possibles dans sa manière de servir et que l'intéressé a été placé en arrêt de travail du 4 septembre 2020 au 5 mai 2022. Toutefois, il ressort des comptes-rendus d'entretiens professionnels des années 2018 et 2019 produits par M. A... qu'il est respectivement un " bon agent sérieux motivé et professionnel dans son domaine " et un " collaborateur sérieux motivé dans son domaine " et que s'il n'a pas été évalué pour l'année 2020 en raison d'un accident de travail survenu le 4 septembre 2020, cette circonstance est sans influence dès lors que d'une part, la délibération du 27 décembre 2010 prévoit explicitement que la prime sera versée dans les mêmes proportions que le traitement en cas d'accident de travail et d'autre part, l'accident dont a été victime M. A... a été reconnu imputable au service par un arrêté du 4 septembre 2020 du maire de la commune. Enfin, le maire de la commune n'explique pas en quoi l'exercice par M. A..., depuis 1er septembre 2020, de la fonction d'agent polyvalent au sein du service Espaces verts de la commune en lieu et place de celle de référent technique qu'il exécutait jusqu'alors, justifie à elle seule l'interruption du versement de l'indemnité. Par suite, le maire de la commune du Tampon a commis une erreur manifeste d'appréciation en cessant de verser à M. A... B....
14. En troisième lieu, M. A... fait valoir que l'égalité de traitement à laquelle ont droit les agents d'un même corps ou d'un même cadre d'emplois fait obstacle à l'établissement de règles d'avancement discriminatoires au détriment de certains d'entre eux. Ce moyen n'est toutefois pas assorti des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du maire de la commune du Tampon rejetant implicitement sa demande tendant au versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que la commune du Tampon verse à M. A... en fonction des responsabilités exercées et de la manière de servir, B... à compter du 4 septembre 2020, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme sollicitée par la commune du Tampon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge la commune du Tampon, la somme de 2000 euros à verser à M. A....
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 21 mars 2023 du tribunal administratif de La Réunion est annulée.
Article 2 : La décision du maire de la commune du Tampon rejetant implicitement la demande de M. A... tendant au versement de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la commune du Tampon de verser à M. A... en fonction de ses responsabilités et de sa manière de servir, l'indemnité d'exercice de missions des préfectures à compter du 4 septembre 2020, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : La commune du Tampon versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune du Tampon.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Carine Farault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.
Le rapporteur,
Nicolas C...
La présidente,
Fabienne ZuccarelloLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01313