Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 27 janvier 2022 par laquelle la directrice de l'agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe a rejeté la demande d'autorisation d'ouverture d'une officine par voie de création présentée par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Karunor.
Par un jugement n° 2200346 du 14 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 avril 2023, Mme A... C..., représentée par Me Valere-Landais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 février 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'ARS de Guadeloupe de délivrer à la société Karunor l'autorisation d'ouverture d'une officine par voie de création sollicitée, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'ARS de la Guadeloupe la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L .761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 27 janvier 2022, qui se borne à reproduire les termes de l'article
L. 5125-3 du code de la santé publique sans procéder à une analyse " in concreto " de la situation, est entachée d'un défaut de motivation ; le tribunal a procédé de manière identique, de sorte qu'il a lui-même entaché son jugement d'un défaut de motivation sur ce point ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que l'implantation de l'officine à créer dans une zone franche urbaine - territoire entrepreneur, dans un quartier prioritaire de la ville, ou dans une zone de revitalisation rurale était requise par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ; il a ce faisant, comme l'administration avant lui, ajouté à ce texte une condition qui n'y figure pas ; seule une autorisation d'ouverture par transfert ou regroupement dans ces zones dans un délai de deux ans après le dernier recensement est de nature à justifier un refus, et l'administration n'en fait pas état en l'espèce ; l'interprétation retenue par le tribunal revient à poser une interdiction générale d'ouverture sur tout le territoire en dehors de ces zones ;
- la demande d'autorisation remplissait toutes les autres conditions fixées par l'arrêté du 20 juillet 2018, en particulier celle tenant à la démographie, ce qui justifie la demande d'injonction.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2023, l'ARS de la Guadeloupe demande à la cour de rejeter la requête de Mme C....
Elle soutient que :
- la décision contestée est suffisamment motivée ;
- l'article L. 5125-3 du code de la santé publique conditionne notamment l'ouverture d'une officine par voie de création à son implantation dans l'une des trois catégories de zones mentionnées (zones franches urbaines, quartiers prioritaires de la ville, zones de revitalisation rurale) ; les évolutions législatives intervenues depuis 2007, en dernier lieu l'ordonnance n°2018-3 du 3 janvier 2018, vont toutes dans le sens d'une restriction sensible des conditions permettant une telle ouverture ;
- l'interprétation de l'article L. 5125-3 retenue par la requérante reviendrait à permettre, par principe, la création d'une officine de pharmacie sur l'ensemble du territoire national et, par exception, dans les zones fragiles dans lesquelles une nouvelle officine ne pourrait s'implanter qu'en l'absence de transfert ou de regroupement préalable ;
- la Guadeloupe comporte trois zones franches urbaines - territoires entrepreneurs, toutes situées aux Abymes/Pointe-à-Pitre ; aucun quartier prioritaire de la politique de la ville n'existe au Lamentin selon le décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 modifié par le décret n° 2015-1138 du 14 septembre 2015 ; le territoire de la Guadeloupe ne comporte aucune commune classée en zone de revitalisation rurale ; ainsi, dès lors que l'implantation envisagée se situait hors d'une des zones visées par l'article L. 5125-3 du code de santé publique, il ne pouvait être fait droit à la demande de la requérante et ce, quand bien même la condition démographique était remplie et que l'ouverture d'une quatrième pharmacie était possible.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., en sa qualité d'associée fondatrice et future gérante de la SELARL Karunor, a présenté le 2 août 2021 auprès de l'ARS de la Guadeloupe un dossier de demande de création d'une officine de pharmacie dans un local situé dans la commune du Lamentin, lieu-dit " La Moisse ", sur la parcelle cadastrée section AB n° 118. Après avoir été invitée à compléter son dossier de demande et transmis de nouvelles pièces le 29 septembre 2021, son dossier a été enregistré comme complet et soumis pour avis au conseil central de la section E de l'ordre des pharmaciens, ainsi qu'au syndicat des pharmaciens de la Guadeloupe, qui ont chacun émis un avis défavorable. Par une décision du 27 janvier 2022, la directrice de l'ARS de la Guadeloupe a rejeté la demande d'autorisation. Mme C... relève appel du jugement n° 2200346 du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme C... soutient que le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 27 janvier 2022. Toutefois, les premiers juges ont énoncé au point 3 de leur jugement que cette décision comportait l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le jugement attaqué n'est ainsi entaché d'aucune irrégularité à ce titre et la critique du bien-fondé de la réponse apportée par les premiers juges est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'une des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. La décision du 27 juin 2022 vise l'article L. 5125-3 du code de la santé publique et indique que si, au regard des deux dernières publications annuelles du recensement de la population de la commune du Lamentin et du nombre d'officines déjà ouvertes, la condition démographique pour l'ouverture d'une officine par voie de création est remplie, le lieu d'implantation envisagé pour la pharmacie à créer ne correspond ni à une zone franche urbaine-territoire entrepreneur, ni à un quartier prioritaire de la politique de la ville, ni à une zone de revitalisation rurale. Cette décision satisfait aux exigences prévues par l'article L. 211-5 du code précité. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / (...) / 2° L'ouverture d'une officine par voie de création, si les conditions démographiques prévues à l'article L. 5125-4 sont remplies depuis deux ans à compter de la publication du dernier recensement mentionné au même article et si aucune décision autorisant cette ouverture par voie de transfert ou regroupement n'a été prise dans ce délai dans les zones suivantes : / a) Dans les zones franches urbaines - territoires entrepreneurs mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ; / b) Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville définis à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ; / c) Dans les zones de revitalisation rurale définies par l'article 1465 A du code général des impôts. ".
6. Il résulte des dispositions précitées, introduites par l'ordonnance n° 2018-3 du
3 janvier 2018, que l'ouverture d'une officine par voie de création ne peut être autorisée que si le lieu d'implantation se situe au sein d'une zone franche urbaine - territoire entrepreneur, d'un quartier prioritaire de la politique de la ville ou d'une zone de revitalisation rurale, et sous réserve, d'une part, que les conditions démographiques définies à l'article L. 5125-4 du code de la santé publique soient remplies depuis au moins deux ans à compter de la publication du dernier recensement mentionné par ce dernier article, d'autre part, qu'aucune décision autorisant une ouverture par voie de transfert ou de regroupement n'ait été prise dans ce même délai et, enfin, que cette ouverture assure une desserte optimale en médicaments au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation envisagé.
7. Pour rejeter la demande d'ouverture d'une officine par voie de création présentée par la société Karunor, la directrice de l'ARS de la Guadeloupe a relevé que si la condition démographique applicable à la commune du Lamentin, où trois pharmacies desservent plus de
16 000 habitants, était remplie, le lieu d'implantation envisagé, situé sur le territoire de cette commune, au lieu-dit La Moisse, ne se trouvait ni dans une zone franche urbaine - territoire entrepreneur, ni dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, ni dans une zone de revitalisation rurale, ce qui n'est pas contesté. En se fondant sur un tel motif qui, à lui seul, était de nature à justifier légalement le refus d'autorisation de création contesté, la directrice de l'ARS de la Guadeloupe n'a pas ajouté aux dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique une condition qu'elles ne prévoiraient pas. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Des copies en seront adressées pour information au directeur général de l'agence régionale de santé de Guadeloupe, au conseil central de la section E de l'ordre des pharmaciens, ainsi qu'au syndicat des pharmaciens de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Sabrina Ladoire, présidente-assesseure,
M. Antoine Rives premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
Le rapporteur,
Antoine B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX00935