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03/06/2025 | FRANCE | N°23BX02935

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 03 juin 2025, 23BX02935


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de la Martinique a déféré au tribunal administratif de la Martinique l'arrêté du 5 septembre 2022 par lequel le maire de la commune du Vauclin n'a pas fait opposition à la déclaration préalable de travaux déposée par la société à responsabilité limitée Les villas du Cap en vue de la réhabilitation d'une maison et de ses annexes implantées sur une parcelle située au lieudit Pointe Chaudière.



Par un jugement n° 2200619 du 23 novembre

2023, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cet arrêté du 5 septembre 2022.



Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Martinique a déféré au tribunal administratif de la Martinique l'arrêté du 5 septembre 2022 par lequel le maire de la commune du Vauclin n'a pas fait opposition à la déclaration préalable de travaux déposée par la société à responsabilité limitée Les villas du Cap en vue de la réhabilitation d'une maison et de ses annexes implantées sur une parcelle située au lieudit Pointe Chaudière.

Par un jugement n° 2200619 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de la Martinique a annulé cet arrêté du 5 septembre 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, la société Les villas du Cap, représentée par Me Ghaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 28 septembre 2023 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la Martinique ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le tribunal a omis d'examiner un moyen exposé en défense qui n'était pas inopérant ; il n'a pas tenu compte des pièces qu'elle a produites qui sont de nature à écarter les moyens retenus ;

- en considérant que les travaux ont consisté à reconstruire complètement la maison existante et ses annexes, alors que cela ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

- la note en délibéré du 20 septembre 2023, qui contenait des photographies obtenues du vendeur de la maison, qu'elle ne détenait pas auparavant et qui attestent que le projet a consisté à maintenir l'emprise au sol de la construction existante, devait conduire le tribunal à rouvrir l'instruction afin que ces pièces soient soumises au contradictoire ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- le tribunal a retenu à tort le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande dès lors qu'il comprenait l'intégralité des pièces exigées par les articles R. 431-35 et R. 431-36 du code de l'urbanisme dont la liste est limitative et au nombre desquelles ne figurent pas les photographies ; aucune intention de fraude ne peut être retenue dans la mesure où il s'est agi d'une décision de non-opposition à déclaration préalable délivrée en exécution d'une injonction prononcée par le tribunal dans une précédente décision ; le tribunal s'est, à tort, fondé sur le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme pour définir la consistance des travaux alors que la décision en litige a pour seul objet de régulariser les travaux de réhabilitation de la maison et ne porte pas sur la création d'une piscine, dont le projet a été abandonné, ni sur le déplacement du kiosque, qui a été remis à sa place initiale ;

- c'est également à tort que le tribunal a considéré que le projet de réhabilitation nécessitait un permis de construire en se fondant sur les éléments constatés dans le procès-verbal d'infraction du 3 décembre 2020 alors que la décision en litige porte seulement sur la régularisation qui a donné lieu au jugement du 7 juillet 2022 n° 2100632.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2024, le préfet de la Martinique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les travaux en cause, concernant une construction implantée sur le domaine public maritime, doivent au préalable faire l'objet d'une autorisation délivrée par son gestionnaire ;

- les travaux portent sur une construction permanente sur le domaine public alors que les articles L. 2122-1 et L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques ne permettent que les structures démontables et transportables ;

- les travaux comportent, outre la réhabilitation de la maison, des constructions nouvelles, une piscine et un local technique ainsi qu'un kiosque et une station d'épuration, de sorte que le projet devait être soumis à un permis de construire ;

- le pétitionnaire a déposé une déclaration préalable qui comporte des informations erronées en ce qui concernent notamment l'étendue des travaux et la superficie de surface de plancher créée ;

- les travaux portant sur une construction implantée sur le domaine public maritime, le pétitionnaire devait justifier de sa qualité pour déposer la déclaration préalable de travaux, soit être bénéficiaire d'une autorisation du gestionnaire de ce domaine ; d'ailleurs, la demande de cession effectuée par le précédent occupant a donné lieu à un avis défavorable de l'Agence des 50 pas géométriques.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Réaut,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- et les observations de Me Ghaye, représentant la société Les villas du Cap.

Une note en délibéré a été produite le 27 mai 2025 par la société Les Villas du Cap.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte notarié du 28 janvier 2020, la société Les villas du Cap a acquis la maison dite " rouge " et ses annexes implantées sur une parcelle située dans la zone des cinquante pas géométriques, au lieudit Pointe Chaudière de la commune du Vauclin, pour lieu de résidence principale de son représentant. Le 3 décembre 2020, les services de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) ont dressé un procès-verbal d'infraction aux règles de l'urbanisme. Par un arrêté du 12 février 2021, le maire du Vauclin s'est opposé à une déclaration préalable déposée le 19 janvier 2021 en vue de la régularisation des travaux effectués. Le 1er avril 2021, la société Les villas du Cap a déposé une seconde déclaration préalable de travaux en vue de la réhabilitation des constructions existantes, à laquelle s'est à nouveau opposé le maire du Vauclin par une décision du 22 avril 2021 dont le tribunal administratif de la Martinique a été saisi. Par un jugement n° 2100632 du 7 juillet 2022, ce tribunal a annulé la décision d'opposition à déclaration préalable de travaux et a prescrit au maire du Vauclin de délivrer à la société pétitionnaire l'autorisation d'urbanisme sollicitée. L'arrêté de non-opposition à déclaration préalable ainsi délivré le 5 septembre 2022 a été déféré au tribunal administratif de la Martinique par le préfet de la Martinique. Par un jugement n° 2200619 du 23 novembre 2023, le tribunal a annulé cet arrêté. Par la présente requête, la société Les villas du Cap relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la société Les villas du Cap soutient que le jugement serait irrégulier en raison d'une omission à statuer sans toutefois préciser sur quelle conclusion le tribunal n'aurait pas statué ou bien quel moyen il n'aurait pas examiné. Par suite, ce moyen d'irrégularité ne peut être qu'écarté.

3. En deuxième lieu, si le tribunal n'a pas fait état, aux points 8 et 11 du jugement attaqué, de l'ensemble des arguments développés en défense par la société Les villas du Cap en réponse au moyen relatif à l'irrégularité de l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable déféré, il n'en résulte aucune insuffisance de motivation dudit jugement dès lors que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments évoqués en défense, ont examiné les moyens soulevés en tenant compte de l'ensemble des pièces du dossier.

4. En dernier lieu, lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

5. La société Les villas du Cap soutient que la note en délibéré qu'elle a produite postérieurement à l'audience, enregistrée le 20 septembre 2023, contenait des photographies obtenues d'un tiers qu'elle ne détenait pas auparavant, justifiant ainsi que l'instruction soit rouverte afin de les soumettre au contradictoire. Toutefois, la note en délibéré, qui se bornait à répondre aux conclusions du rapporteur public, n'évoque aucunement l'impossibilité dans laquelle la société aurait été de produire antérieurement à la clôture d'instruction les photographies jointes à cette note ni ne fait état d'une circonstance de droit ou de fait nouvelle imposant la réouverture de l'instruction. Il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité en se bornant à viser la note en délibéré de la société Les villas du Cap.

Sur le bien-fondé des moyens d'annulation retenus par le tribunal :

6. Pour fonder sa décision d'annulation, le tribunal administratif de la Martinique a retenu deux des moyens soulevés par le préfet. Il a ainsi jugé que l'insuffisance et les incertitudes du dossier de la déclaration préalable déposé par la société pétitionnaire le 1er avril 2021 n'avaient pas permis au service instructeur d'apprécier l'ampleur et la nature des travaux déclarés, et que les travaux à régulariser, portant création d'une surface de plancher supérieure à 20 m², relevaient du régime du permis de construire et non de celui de la déclaration préalable en vertu du a de l'article R. 421-9 du même code.

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme, dans la version en vigueur à la date du dépôt de la déclaration préalable de travaux : " La déclaration préalable précise : / a) L'identité du ou des déclarants, qui comprend son numéro Siret lorsqu'il s'agit d'une personne morale en bénéficiant et sa date de naissance lorsqu'il s'agit d'une personne physique ; / b) La localisation et la superficie du ou des terrains ; : c) La nature des travaux ou du changement de destination ; / d) S'il y a lieu, la surface de plancher et la destination et la sous-destination des constructions projetées (...) ; / (...) / La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R*423-1 pour déposer une déclaration préalable. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". L'article R. 431-37 du même code ajoute que : " Le dossier joint à la déclaration comprend : / a) Un plan permettant de connaitre la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; : b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante ; / c) Une représentation de l'aspect extérieur de la construction faisant apparaitre les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci ; / (...) / Il est complété, s'il y a lieu, par les documents mentionnés aux a [Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur] et b [Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur] de l'article R. 431-10, à l'article R. 431-14, aux b et g de l'article R. 431-16 et aux articles R. 431-18, R. 431-18-1, R. 431-21, R. 431-23-2, R. 431-25, R. 431-31 à R. 431-33 et R. 431-34-1. / (...) / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ".

8. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation d'urbanisme ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

9. L'arrêté de non-opposition à déclaration préalable en litige, en date du 5 septembre 2022, a été pris en exécution du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2022 prescrivant sa délivrance et il se rapporte à la déclaration préalable déposée par la société Les villas du Cap le 1er avril 2021 en vue de régulariser les travaux exécutés sans autorisation sur les constructions existantes à la suite du procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé le 1er décembre 2020, hormis les travaux d'aménagement d'une piscine et de déplacement du kiosque, auxquels la société pétitionnaire a renoncé. Cette déclaration préalable porte sur la réhabilitation de la maison par le remplacement de la toiture et des menuiseries, le ravalement des façades et la rénovation des vérandas ainsi que sur la réhabilitation de ses annexes, la rénovation du bungalow - qualifié par erreur de kiosque - et des clôtures, et enfin, sur le remplacement du dispositif d'assainissement autonome par une microstation de traitement des eaux usées. Or, en méconnaissance du c) de l'article R. 431-37 du code de l'urbanisme, le dossier ne comportait pas une représentation de l'aspect extérieur des constructions faisant apparaitre les modifications projetées en ce qui concerne le bungalow et les annexes à la maison principale, qualifiées d'abris ou de buanderie et de garage. Cette insuffisance du dossier, qu'aucune autre pièce de la déclaration préalable ne compensait, était de nature, ainsi que l'a relevé le tribunal, à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable, en particulier le règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone N1 qui interdit toute nouvelle construction et autorise seulement la réhabilitation des constructions à destination d'habitat.

10. En second lieu, pour annuler la décision de non-opposition à déclaration préalable, les premiers juges ont également accueilli le moyen tiré de ce que les travaux considérés nécessiteraient la délivrance d'un permis de construire. Toutefois, l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation relevée ci-dessus ne permet pas de déterminer si ces travaux relèvent du régime de la déclaration préalable ou de celui du permis de construire. Par suite, ce moyen ne peut être retenu.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les villas du Cap n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté du 5 septembre 2022 par lequel le maire du Vauclin ne s'est pas opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société Les villas du Cap demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Les villas du Cap est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les villas du Cap, au préfet de la Martinique et au maire du Vauclin.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

La rapporteure,

Valérie RéautLe président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02935
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SELARL LAZARE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23bx02935 ?
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