Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 14 février 2023 par lesquelles le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302624 du 4 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Foucard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302624 du tribunal administratif de Bordeaux du 4 octobre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 14 février 2023 par lesquelles le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été rendu au terme d'une délibération collégiale, et l'authenticité des signatures électroniques n'est pas établie ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'absence de traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2025, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/009528 du 20 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante congolaise, est entrée sur le territoire français le 22 mars 2018. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 25 février 2020. Le 13 janvier 2022, un titre de séjour en qualité d'étranger malade lui a été délivré pour une période d'un an. Le 30 novembre 2022, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Après avoir saisi pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 14 février 2023, refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 4 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical (...) ".
4. D'une part, la requérante soutient qu'il n'est pas établi que l'avis émis le 1er février 2023 par le collège de médecins de l'OFII sur son état de santé ait été rendu à l'issue d'une délibération collégiale ni que les signatures électroniques garantissent l'authentification des signataires. Toutefois, les médecins signataires de l'avis requis par les dispositions précitées ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne pouvant être qu'affirmative ou négative. Par suite, même à supposer que ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Par ailleurs, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui renvoient au I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives, dès lors que l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, et que les signatures figurant sur l'avis du collège du 1er février 2023 ne sont en tout état de cause pas des signatures électroniques. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de séjour en litige serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, pris dans ses différentes branches, doit être écarté.
5. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a levé le secret médical, a été diagnostiquée porteuse du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) après son arrivée sur le territoire français et qu'elle suit un traitement médical par " ODEFSEY ", qui associe trois antirétroviraux (emtricitabine, rilpivirine et ténofovir alafenamide). Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de la Gironde s'est fondé sur l'avis du 1er février 2023 du collège des médecins de l'OFII selon lequel, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cette appréciation, Mme B... soutient que le système de santé est défaillant en République démocratique du Congo et n'est pas en mesure d'assurer la continuité des soins pour les patients souffrants d'affections chroniques et graves comme le VIH. Elle se prévaut notamment des indicateurs de l'ONUSIDA qu'elle a produits selon lesquels il n'existe pas de données disponibles quant au taux de suppression durable de la charge virale chez les personnes infectées par le VIH en République démocratique du Congo. Toutefois, la requérante ne peut utilement se prévaloir de considérations générales sur le défaut d'information quant à l'efficience des stratégies de traitement du VIH dans son pays d'origine alors qu'il appartenait seulement au collège des médecins de l'OFII et au préfet de s'assurer, eu égard à sa pathologie, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans son pays d'origine dans des conditions permettant d'y avoir accès. Or, ainsi que le relève la requérante elle-même, il ressort des données de l'ONUSIDA et du rapport de 2022 du Fonds mondial de lutte contre le sida produits au dossier que 82 % des personnes infectées au VIH sont sous traitement antirétroviral en République démocratique du Congo, ce qui est de nature à démontrer à la fois l'existence et la disponibilité d'un traitement approprié à sa pathologie dans ce pays. Si par ailleurs Mme B... produit une attestation d'un spécialiste en médecine interne selon lequel la trithérapie par laquelle elle est traitée n'est pas disponible dans son pays d'origine, cette attestation n'est pas de nature à elle seule à remettre en cause l'avis porté par le collège des médecines de l'OFII dès lors qu'elle n'indique pas que ce traitement ne serait pas substituable ou modifiable et que l'intéressée ne pourrait pas avoir accès à un substitut dans son pays d'origine. Dans ces conditions, par la décision attaquée, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de sorte que ce moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme B... se prévaut de son intégration dans la société française et de la présence de sa fille, scolarisée. Toutefois, entrée irrégulièrement en France le 22 mars 2018, le séjour de Mme B... sur le territoire français demeure récent. Si elle a entamé toutes les démarches pour favoriser son intégration, en suivant notamment des formations professionnelles qui lui ont permis d'obtenir un contrat à durée indéterminée en tant qu'aide à domicile le 18 mai 2022, elle ne justifie d'aucun lien personnel ancien et stable en France en dehors de sa fille âgée de 9 ans. Par ailleurs, il ne ressort des pièces du dossier aucun obstacle à ce que la cellule familiale puisse se transporter dans son pays d'origine, dans lequel la requérante a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans et où elle dispose d'attaches familiales. Enfin, si elle indique qu'elle doit " pouvoir se représenter en France pour faire valoir ses droits " en tant que victime d'abus sexuels commis par son ancien époux, elle n'apporte, sur ce point, aucun élément précis qui permettraient d'apprécier la nécessité pour elle de demeurer sur le territoire français durant l'engagement d'une éventuelle procédure juridictionnelle. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des effets de la décision contestée sur sa situation personnelle doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions du 14 février 2023 par lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
11. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve DupuyLe président-rapporteur,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX02496 2