Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 10 mai 2022 par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200939 du 30 septembre 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 janvier 2025, Mme A..., représentée par Me Marciguey, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2024 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'annuler la décision du 10 mai 2022 du préfet de la Guyane ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- il n'est pas établi que l'arrêté attaqué ait été pris par une autorité compétente ; Mme B... n'a pas réellement signé le document en méconnaissance des articles L. 212-1 et L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, dès lors que son dossier de demande de titre de séjour était complet et qu'à défaut il appartenait au préfet de solliciter les pièces manquantes ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été régulièrement été communiquée au préfet de la Guyane, qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2024.
Par une ordonnance du 27 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante haïtienne née en 1992, déclare être entrée en France le 11 juin 2014. Le 7 octobre 2021, elle a sollicité des services de la préfecture de la Guyane la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 10 mai 2022, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande. Mme A... relève appel du jugement du 30 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : / 1° Les décisions administratives qui sont notifiées au public par l'intermédiaire d'un téléservice conforme à l'article L. 112-9 et aux articles 9 à 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ainsi que les actes préparatoires à ces décisions ; / 2° Les décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations sous forme électronique dans le cadre de systèmes d'information relatifs à la gestion ou à la dématérialisation de processus de gestion des ressources humaines conforme aux articles 9, 11 et 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 précitée, quelles que soient les modalités de notification aux intéressés, y compris par l'intermédiaire d'un téléservice mentionné au 1° ; / 3° Quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés, les saisies administratives à tiers détenteur, adressées tant au tiers saisi qu'au redevable, les lettres de relance relatives à l'assiette ou au recouvrement, les avis de mise en recouvrement, les mises en demeure de souscrire une déclaration ou d'effectuer un paiement, les décisions d'admission totale ou partielle d'une réclamation et les demandes de documents et de renseignements pouvant être obtenus par la mise en œuvre du droit de communication prévu au chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales ; / 4° Les visas délivrés aux étrangers ". Aux termes de l'article L. 212-3 de ce code : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".
3. A l'appui du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, Mme A... soutient nouvellement en appel que la signature de Mme B..., signataire de la décision du 10 mai 2022, a été apposée sur l'arrêté en litige à l'aide d'un tampon encreur ou par reproduction numérique. Elle produit au soutien de cette affirmation d'autres arrêtés signés par Mme B... à la même période, dont la signature est strictement identique à celle de l'arrêté en cause et d'autres encore pour lesquels les signatures, bien que similaires, présentent de subtiles différences inhérentes à leur caractère manuel. Dans ces conditions, et alors que le préfet de la Guyane n'a pas produit de mémoire en défense devant la cour ni en première instance, Mme A... établit que la décision attaquée n'a pas été signée de la main de Mme B... mais par l'apposition de sa signature soit par un tampon encreur soit par reproduction numérique. Un tel procédé ne permet pas de garantir le lien entre la signature et la décision à laquelle elle s'attache. Dès lors que la décision en litige n'entre pas dans le champ des décisions dispensées de signature de leur auteur énoncées à l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration et que le procédé du tampon encreur ne peut être regardé comme une signature électronique sécurisée au sens de l'article L. 212-3 du même code, la décision contestée méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'incompétence.
4. Il résulte ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 10 mai 2022.
5. L'annulation de la décision contestée pour le motif retenu ci-dessus, seul fondé en l'état de l'instruction, implique nécessairement non pas que le préfet délivre un titre de séjour à Mme A... mais seulement qu'il réexamine la demande de titre de séjour de l'intéressée, au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti qui fait actuellement obstacle à ce que l'intéressée soit éloignée à destination de ce pays, conformément à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Guyane de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A... sera par ailleurs mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Me Marciguey, avocat de Mme A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'État.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200939 du 30 septembre 2024 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : La décision du 10 mai 2022 du préfet de la Guyane est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A... au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti, de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision.
Article 4 : L'État versera à Me Marciguey, avocat de Mme A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Guyane et à Me Céline Marciguey.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 25BX00008