Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Jacques demeurant ..., représentés par Me Alain Vamour, avocat ; M. et Mme Jacques demandent à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 98-2190 - 99-1015 du 6 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision en date du 14 décembre 1998 par laquelle le maire de la commune d'Etretat a autorisé M. Y à réaliser des travaux exemptés de permis de construire ;
2') d'annuler ladite autorisation ;
3°) de condamner la commune d'Etretat à leur verser une somme de 20 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Code C + Classement CNIJ : 68-03-01-02
Ils soutiennent que leur requête est recevable ; que la déclaration de travaux déposée par M. Jean-Jérôme Y méconnaît les dispositions de l'article R. 422-3 du code de l'urbanisme ; que la décision est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article UF 12-2 du plan d'occupation des sols relatives aux places de stationnement ; que les travaux en cause qui ont pour effet de changer la destination de la construction existante et qui emporteront création d'une surface hors oeuvre brute supérieure à 20 m² ne pouvaient être exemptés du permis de construire ; que la décision est intervenue au vu d'un avis rendu par l'architecte des Bâtiments de France qui est illégal ; qu'en application de l'article 5 du règlement du plan d'occupation des sols, le terrain dont la superficie est inférieure à 800 m² est inconstructible ; que le projet ne peut figurer au nombre des exceptions prévues par l'article 5 du règlement du plan d'occupation des sols ; que le dossier de déclaration a été présenté frauduleusement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2000, présenté pour M. et Mme Jean-Jérôme Y, par Me Rachet-Havel, avocat, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme à leur verser la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; ils soutiennent qu'ils ont demandé et obtenu l'autorisation de réaliser une extension mesurée de leur construction ; que leur déclaration de travaux n'est pas frauduleuse ; que les travaux ont été réalisés conformément à l'autorisation obtenue ; qu'ils justifiaient de leur qualité de propriétaire de l'immeuble pour procéder à la déclaration de travaux ; que la décision attaquée n'est intervenue en méconnaissance, ni des dispositions de l'article UF 12 du règlement du plan d'occupation des sols, ni de celles de l'article UF 2 ; que les travaux en cause n'ont pour effet, ni de créer une surface hors oeuvre brute supérieure à 20 m², ni de changer la destination de la construction ; que la législation protectrice des sites classés n'a pas été méconnue ;
Vu le mémoire en observations, enregistré le 31 août 2000, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, qui déclare que cette affaire n'appelle aucune observation de sa part ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2000, présenté pour la commune d'Etretat, représentée par son maire en exercice, par Me Bourget, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme à lui verser la somme de 15 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; elle soutient que M. Y avait qualité pour déposer la déclaration de travaux litigieuse ; que l'article UF 12-2 du plan d'occupation des sols n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; que les travaux en cause n'entrent pas dans le champ d'application du permis de construire ; que l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France dont les réserves ont été prises en compte n'est pas illégal ; que les travaux auront pour effet de rendre la construction existante plus conforme aux dispositions des articles UF 11.1, UF 11.2 et UF 11.3 du plan d'occupation des sols ; que les travaux qui portent la surface hors oeuvre brute totale existante de 133 à 141,9 m² constituent une extension mesurée du bâti existant qui a été admise sans que soient méconnues les dispositions de l'article UF 5 du plan d'occupation des sols ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 novembre 2000, présenté pour M. et Mme Jacques qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 26 décembre 2000, présenté pour la commune d'Etretat qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs et à la condamnation de M. et Mme à lui verser la somme de 20 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les mémoires complémentaires, enregistrés le 2 janvier 2001 et le 3 septembre 2002, présentés pour M. et Mme Jean-Jérôme Y qui concluent au rejet de la requête par les mêmes motifs et à la condamnation de M. et Mme à leur verser la somme de 1 525 euros sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 octobre 2002, présenté pour la commune d'Etretat qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 janvier 2003, présenté par M. et Mme Jacques ; ils concluent aux mêmes fins et à la condamnation de M. et Mme Y à leur verser la somme de 3 100 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent, en outre, que l'arrêté en date du 14 décembre 1998 n'est pas motivé ; que les travaux dont la réalisation est prévue dans un site classé portent atteinte aux lieux avoisinants et méconnaissent l'article 11 du plan d'occupation des sols ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 11 mars 2003, présenté pour la commune d'Etretat qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ; elle soutient, en outre, que le moyen tiré d'une prétendue inexactitude des plans et d'une prétendue fraude n'est pas établi ; que la décision attaquée est suffisamment motivée ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 14 mars 2003, présenté pour M. et Mme Jean-Jérôme Y qui concluent aux mêmes fins par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2003 où siégeaient M. Daël, président de la Cour, Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et MM. Quinette et Paganel, premiers conseillers :
- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,
- les observations de Me Rachet Havel, avocat, pour M. Jean-Jérôme Y et de Me Sabattier, avocat, membre de la SCP Bourget Rique Serezat, pour M. et Mme Jacques ,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme : Sont exemptés du permis de construire (...) m) Les constructions ou travaux non prévus aux a) à l) ci-dessus, n'ayant pas pour effet de changer la destination d'une construction existante et : - qui n'ont pas pour effet de créer une surface de plancher nouvelle ; - ou qui ont pour effet de créer, sur un terrain supportant déjà un bâtiment, une surface de plancher hors oeuvre brute inférieure ou égale à 20 mètres carrés ; qu'aux termes de l'article R. 112-2 dudit code : La surface de plancher hors oeuvre brute d'une construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de construction. La surface hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction : a) des surfaces de plancher hors oeuvre des combles et des sous-sols non aménageables pour l'habitation ou pour des activités à caractère professionnel, artisanal, industriel ou commercial ; b) des surfaces de plancher hors oeuvre des toitures-terrasses, des balcons, des loggias ainsi que des surfaces non closes situées au rez-de-chaussée ; c) des surfaces de plancher hors oeuvre des bâtiments ou des parties de bâtiments aménagées en vue du stationnement des véhicules (...) ;
Considérant que M. Jean-Jérôme Y a déposé le 19 octobre 1998 à la mairie d'Etretat, sur le fondement des articles L. 422-1 et R. 422-2 du code de l'urbanisme une déclaration de travaux en vue de la transformation d'une construction existante à usage d'habitation sise ... ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des plans joints à cette déclaration que ces travaux consistaient notamment en la création d'un local dit vide sanitaire couvert d'une dalle formant une terrasse sur laquelle deux places de stationnement pour véhicules automobiles étaient prévues ; que la surface de plancher hors oeuvre brute de la terrasse ainsi
créée excédait à elle seule celle de 20 mètres carrés prévue par les dispositions précitées de l'article R. 422-2 m) du code de l'urbanisme ; que les travaux projetés par M. Jean-Jérôme Y étaient de ce fait soumis à permis de construire ; que, dès lors, le maire d'Etretat était tenu de s'opposer aux travaux déclarés et d'inviter l'intéressé à présenter une demande de permis de construire ; que la décision en date du 14 décembre 1998 par laquelle le maire de la commune d'Etretat a autorisé M. Y à réaliser les travaux déclarés par ce dernier est donc illégale ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article UF 5 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Etretat relatif aux caractéristiques des terrains : 5.1 Pour être constructible, un terrain ne doit pas avoir de superficie inférieure à 800 m² ; qu'aux termes de l'article UF 2 de ce même règlement relatif aux conditions et utilisations du sol soumises à conditions spéciales : Peuvent être autorisées (...) 2.3 Pour des motifs techniques et architecturaux sans application des seuls articles 3 à 10 et 12 et 13 : - l'extension mesurée des bâtiments existants (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des plans joints à la déclaration déposée par M. Y que les travaux dont la réalisation est projetée par ce dernier consistent en la réalisation de nouvelles pièces prenant place sur le toit-terrasse de la construction pré-existante dont la hauteur sera accrue d'environ 4 m et dont l'emprise au sol sera de presque plus du double de celle existant compte tenu des avancées de toiture prévues côté jardin et de la réalisation d'un local dit vide sanitaire dont la hauteur totale atteint 3 mètres et dont la surface est de l'ordre de 40 m² ; qu'en autorisant une extension d'une telle importance sur un terrain d'une superficie inférieure à 800 m² sur lequel ne peut être autorisée que l'extension mesurée des bâtiments existants, le maire de la commune d'Etretat a méconnu les dispositions précitées des articles UF 2 et UF 5 du plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance soient condamnés à verser à la commune d'Etretat et à M. et Mme Jean-Jérôme Y la somme qu'ils demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune d'Etretat à verser à M. et Mme la somme de 3 000 euros en application des dispositions susvisées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 6 avril 2000 et la décision du maire de la commune d'Etretat en date du 14 décembre 1998 sont annulés.
Article 2 : La commune d'Etretat versera à M. et Mme Jacques une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jacques , à M. et Mme Jean-Jérôme Y, à la commune d'Etretat et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure et au procureur de la République.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 19 mars 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 3 avril 2003.
Le rapporteur
Signé : J. Quinette
Le président de la Cour
Signé : S. Daël
Le greffier
Signé : M. Milard
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Muriel Milard
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N°00DA00727
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N°00DA00727