Vu la requête, enregistrée le 2 octobre 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Y... X, demeurant ..., par Me X..., avocat ; M. Y... X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 6 août 2002 par laquelle le président du tribunal administratif d'Amiens a donné acte de son désistement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'ordonnance attaquée fait mention d'un numéro de requête et d'une date d'enregistrement de ladite requête inexacts ; que l'ordonnance attaquée fait état d'une décision du préfet de l'Aisne alors que le litige porte sur l'absence de notification d'une décision du préfet de l'Oise ; qu'il a avisé le tribunal administratif de ce qu'il n'entendait pas se désister de sa demande ; que le vice-président du tribunal administratif d'Amiens ne pouvait donc faire application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que l'ordonnance attaquée n'a pas été notifiée dans les formes prévues à l'article R. 751-3 du code de justice administrative ;
Code C Classement CNIJ : 54-05-04
Vu l'ordonnance et les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le règlement (CE) n° 1259/1999 du Conseil du 17 mai 1999 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune ;
Vu le décret n° 2000-280 du 24 mars 2000 relatif à la modulation des paiements accordés aux agriculteurs au titre des régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2003 où siégeaient Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :
- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y... X a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'agriculture a implicitement rejeté son recours hiérarchique reçu le 23 novembre 2000 présenté à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de l'Oise a réduit le montant des aides compensatoires qui lui avaient été versées au titre de la campagne 1998 et à l'annulation de cette décision du préfet de l'Oise ; que, par mémoire enregistré le 28 mars 2002, le requérant a fait connaître au tribunal qu'il maintenait sa demande d'annulation ; que c'est à tort que, le président du tribunal administratif d'Amiens a estimé que M. X s'était désisté de sa demande et lui a donné acte de ce désistement ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. Y... X présentée devant les premiers juges ;
Sur le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité dont seraient entachés le décret du 24 mars 2000 et son arrêté d'application :
Sur la légalité externe du décret :
Considérant que, en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; que le décret du 24 mars 2000 définit les modalités de réduction des paiements accordés aux agriculteurs au titre des régimes de soutien direct mentionnés à l'annexe du règlement (CE) n° 1259/1999 et affecte les sommes économisées à la mise en oeuvre des mesures mentionnées à l'article 5.2 du dit règlement ; qu'ainsi, il n'a, ni pour objet, ni pour effet, de fixer l'assiette, le taux ou les modalités de recouvrement d'une imposition ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en second lieu, que le moyen tiré du défaut de consultation du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire visé à l'article L. 611-1 du code rural manque en fait ;
Sur la légalité interne du décret :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 4, 10, 11 et 12 du règlement (CE) n° 1259/1999 susvisé que les Etats membres peuvent décider de réduire, à partir du 1er janvier 2000, l'ensemble des paiements dus aux agriculteurs pour une année civile donnée c'est-à-dire tous les paiements au titre de l'année concernée, y compris ceux à accorder à d'autres périodes commençant au cours de cette année civile ; que pour mettre en oeuvre ce règlement, le gouvernement pouvait décider la réduction des paiements accordés à raison des régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune pour l'ensemble de l'année en cours à la condition de respecter le principe de confiance légitime applicable en matière de droit communautaire ; que le gouvernement a annoncé publiquement dès le mois de mai 1999 son intention de mettre en place la modulation des aides permise par le règlement susmentionné et a consulté sur son projet de modulation le conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire où sont représentées les organisations syndicales d'agriculteurs ; que, dans ces conditions, les producteurs prudents et avisés ont été mis en mesure dès avant le début de l'année 2000 de prévoir l'adoption de la mesure litigieuse ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de non-rétroactivité doivent être écartés ;
Considérant en deuxième lieu qu'il ne ressort pas du dossier que la réduction de 20 % des aides directement versées aux producteurs installés en France place ceux-ci, compte tenu de l'ensemble des structures économiques et sociales de ce territoire et notamment des réaffectations en faveur du secteur agricole prévues par l'article 12 du décret dont la légalité est contestée, conformément au 2 de l'article 5 du règlement, dans une situation d'inégalité par rapport aux producteurs d'autres Etats membres, de nature à créer des distorsions du marché et de la concurrence ; que, par suite le moyen tiré de ce que le principe de non-discrimination énoncé à l'article 34 du traité précité serait méconnu, doit être écarté ; que si M. X soutient que le
décret du 24 mars 2000 méconnaîtrait le principe de l'égalité des citoyens devant la loi ainsi que les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, il n'assortit pas son moyen des précisions permettant au juge d'y statuer ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 3 du décret du 24 mars 2000 prévoit que la réduction des paiements ne s'applique pas si le montant des aides perçues l'année précédente est, pour une exploitation, inférieur à 30 000 euros ; que, toutefois, pour les groupements agricoles d'exploitation en commun, ce seuil est calculé en multipliant 30 000 euros par le nombre de chefs d'exploitation associés apporteurs au capital social ; qu'aux termes de l'article L. 323-13 du code rural : la participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation, pour tout ce qui touche leur statut économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole ; que, par suite, les exploitations agricoles constituées sous une forme sociale autre que celle des groupements agricoles d'exploitation en commun, pour lesquelles n'existent pas de dispositions analogues, ne se trouvent pas dans la même situation que ces groupements ; qu'ainsi, le décret attaqué a pu, sans méconnaître le principe d'égalité ou les règles de concurrence, traiter différemment les groupements agricoles d'exploitation en commun et les exploitations agricoles constituées sous une autre forme sociale ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu du 1 de l'article 4 du règlement (CE) n° 1259/1999 susvisé, les Etats membres peuvent réduire les montants des paiements aux agriculteurs, notamment dans le cas où la prospérité globale de leurs exploitations, exprimée sous la forme de marge brute standard, se situerait au-dessus d'un seuil qui doit être fixé par les Etats membres ; que le même article définit la marge brute standard comme la différence entre la valeur standard de la production et le montant standard des coûts spécifiques ; que l'auteur du décret dont l'illégalité est invoquée par voie d'exception, a pu, sans méconnaître ces dispositions, et sans commettre d'erreur d'appréciation, retenir la marge brute standard pour fixer, à l'article 4 du décret, le seuil d'exclusion de la modulation et, pour définir à l'article 5 et à l'annexe du décret, la formule de calcul du taux de réduction des paiements ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code rural : Les aides sont modulées et plafonnées sur la base de critères économiques de l'exploitation, du nombre d'actifs, de facteurs environnementaux et d'aménagement du territoire ; qu'en retenant des critères de main d'oeuvre et de marge brute standard pour définir le taux de modulation applicable à une exploitation, le I de l'article 5 du décret du 24 mars 2000 n'a méconnu, ni ces dispositions législatives, ni le règlement communautaire ;
Considérant, en dernier lieu, que l'article 6 du décret du 24 mars 2000 qui détermine les montants à prendre en compte pour calculer les coûts de main-d'oeuvre a pu, sans introduire une discrimination illégale, retenir des montants forfaitaires différents pour les chefs d'exploitation et pour les autres actifs qui ne se trouvent pas dans la même situation ; qu'en ne prenant pas en compte, dans les coûts de main-d'oeuvre, le personnel intérimaire et le personnel des coopératives d'utilisation en commun du matériel agricole qui sont rémunérés par les exploitants comme une prestation de service, il n'est pas non plus entaché d'une erreur d'appréciation ;
Sur les autres moyens :
Considérant que la circonstance invoquée par le requérant selon laquelle la décision attaquée ne lui aurait pas été notifiée est inopérante ; que si ce dernier soutient également que le taux de modulation applicable à son exploitation serait entaché d'une erreur d'appréciation, il ne l'établit pas ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. Y... X devant le tribunal administratif d'Amiens ne peut qu'être rejetée ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à payer à M. Y... X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif d'Amiens en date du 6 août 2002 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... X est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... X et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 3 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 29 avril 2003.
Le rapporteur
Signé : J. A...
Le président de chambre
Signé : F. B...
Le greffier
Signé : M. Z...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Muriel Z...
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N°02DA00885