Vu 1°) la requête, enregistrée le 4 septembre 2000 sous le n° 00DA01036 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats (LIVA), ayant son siège social 5, rue d'Artois à Paris (75008), représentée par Mme ZY, liquidateur, par Me Govindama, avocat ; la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-2107 en date du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1999 à raison des immeubles lui appartenant sis à Dompierre-Becquincourt ;
2°) de prononcer la décharge demandée ou, subsidiairement, d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Code C Classement CNIJ : 19-02-02-02
19-03-031
19-03-03-01
Elle soutient qu'en premier lieu, la procédure d'imposition n'a pas été respectée, en ce que, tout d'abord, l'administration ne peut reprocher à la société de ne pas avoir procédé à la déclaration prévue à l'article 1406 du code général des impôts quant à un changement de consistance ou d'affectation des locaux, puisque ceux-ci ont toujours été délabrés, en ruine et inhabitables ; en ce que, ensuite, l'administration ne lui a pas notifié préalablement les bases de l'imposition d'office, contrairement aux prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; en ce que, par ailleurs, l'administration n'a pas consulté les autorités locales, contrairement aux prescriptions de l'article R. 198-9 du livre des procédures fiscales ; en ce que, enfin, sa réclamation contre les impositions établies depuis 1991 n'était pas irrecevable, dès lors que la société ne connaissait pas les bases erronées desdites impositions ; qu'en deuxième lieu, les impositions en litige sont entachées d'abus de pouvoir discrétionnaire et de détournement de pouvoir, en ce que, tout d'abord, il lui a été appliqué abusivement une taxation d'office, sans respect des règles de procédure et en l'absence d'instruction et d'information du contribuable sur ses droits ; en ce que, ensuite, l'état de délabrement et d'insalubrité des locaux en cause empêchait la libre disposition des lieux, en faisait des locaux vacants au sens de l'article 1389 du code général des impôts et les rendait inhabitables et inutilisables, ce qui faisait échapper les immeubles concernés à l'assujettissement aux taxes litigieuses ; et enfin, en ce que la modicité des revenus de M. et Mme Y justifiait les dégrèvements prévus par les articles 1408 et suivants du code général des impôts ;
Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 4 septembre 2000 sous le n° 00DA01037, présentée pour la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats (LIVA), ayant son siège social 5, rue d'Artois à Paris (75008), représentée par Mme ZY, liquidateur, par Me Govindama, avocat ; la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats (LIVA) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-2104 en date du 21 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1999 à raison des immeubles lui appartenant sis à Dompierre-Becquincourt ;
2°) de prononcer la décharge demandée ou, subsidiairement, d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés à l'appui de sa requête n° 00DA001036 susvisée ;
Vu les jugements attaqués ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés dans les instances susvisées, le 9 mars 2001, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet des requêtes ; il soutient que, d'une part, les contestations portant sur les cotisations des années 1991 à 1996 sont irrecevables comme faisant suite à une réclamation tardive ; que la gérante de la SCI avait connaissance des impositions à la fin de l'année 1995, et au plus tard dans sa correspondance du 18 janvier 1996 ; que, d'autre part, les contestations portant sur les années 1998 et 1999 sont irrecevables comme étant nouvelles en appel ; que la cotisation de taxe d'habitation de l'année 1997 a été dégrevée ; qu'enfin, la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties a donné lieu à une imposition régulière en la procédure et justifiée quant au fond, ne portant plus que sur le hangar occupé, de 900 m², correctement évalué ; que les demandes de dégrèvements en fonction des revenus et de remises gracieuses présentées par la requérante devant le juge de l'excès de pouvoir ne sauraient être accueillies ;
Vu les mémoires en réplique, enregistrés le 10 juillet 2001, présentés pour la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats et tendant aux mêmes fins que ses requêtes, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2003 où siégeaient Mme Fraysse, président de chambre, M. Laugier et Mme Lemoyne de Forges, présidents-assesseurs :
- le rapport de M. Laugier, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats sont dirigées contre deux jugements en date des 21 décembre 1999 et 30 juin 2000, notifiés le 18 juillet 2000, par lesquels le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes en décharge des cotisations, d'une part, de taxe foncière sur les propriétés bâties et, d'autre part, de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1999 à raison de locaux lui appartenant situés à Dompierre-Becquincourt (Somme) ; que ces requêtes présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions établies au titre des années 1991 à 1996 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes, doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant, selon le cas :
a . L'année de la mise en recouvrement du rôle ; ...
d . L'année au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi. ; et qu'aux termes de l'article R. 198-9 du même livre : Il peut être statué immédiatement, sans instruction préalable et sans que soit recueilli l'avis des autorités désignées aux articles R* 198-3 à R * 198-7, sur les réclamations présentées après le délai légal ou qu'un vice de forme rend définitivement irrecevables . ;
Considérant que, par lettre du 12 mars 1998, la société requérante a contesté les cotisations de taxe foncière et de taxe d'habitation mises à sa charge au titre des immeubles dont elle était propriétaire à Dompierre-Becquincourt ; que, d'une part, en tant qu'elles portaient sur les années 1991 à 1996, ces réclamations étaient postérieures au 31 décembre des années suivant celles de leur mise en recouvrement ; que, d'autre part, il résulte également de l'instruction que la contribuable a eu connaissance certaine de l'existence des impositions contestées au plus tard le 18 janvier 1996, date du bordereau de situation établi par elle-même ; qu'ainsi, le délai de réclamation expirait, pour les taxes en cause, en dernier lieu, le 31 décembre 1997 ; que, par suite, la réclamation de la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats a pu être légalement rejetée sans que soit recueilli au préalable l'avis des autorités locales, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 198-9 du livre des procédures fiscales ; que la requérante n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé irrecevables ses réclamations présentées au titre des années 1991 à 1996 ;
Sur les conclusions à fin de décharge des impositions établies au titre des années 1998 et 1999 :
Considérant que, si la société requérante demande à la Cour de la décharger des cotisations des années 1998 et 1999, elle n'a contesté ces impositions ni devant l'administration, ni devant le tribunal administratif ; qu'ainsi, cette demande ne peut, en tout état de cause, être présentée directement devant le juge d'appel ; que dès lors, de telles conclusions doivent être rejetées comme irrecevables ;
Considérant, au surplus, qu'il n'est pas contesté que la société n'a pas été assujettie à la taxe d'habitation en 1999 au titre des locaux en cause, et que la cotisation de taxe d'habitation établie au titre de l'année 1998 a été dégrevée en totalité le 11 novembre 2000 ;
Sur les conclusions à fin de décharge de la cotisation de taxe d'habitation de l'année 1997 :
Considérant qu'il est constant que la taxe d'habitation établie au titre des immeubles en litige, pour l'année 1997, a fait l'objet d'une décision de dégrèvement total en date du 10 juin 1998, soit antérieurement à la saisine du tribunal administratif ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que ledit tribunal a rejeté comme étant irrecevables les conclusions afférentes à la taxe d'habitation de l'année 1997 ;
Sur les conclusions à fin de décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties de l'année 1997 :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1388 du code général des impôts, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie à partir de la valeur locative cadastrale de ces propriétés, déterminée conformément aux principes définis par les articles 1494 à 1508 dudit code régissant l'évaluation des propriétés bâties et par les articles 1516 à 1518 B du même code relatifs à la mise à jour périodique des valeurs locatives ; que, par ailleurs, en vertu de l'article 1415 du code général des impôts, les taxes foncières sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'il suit de là que, d'une part, l'administration n'est pas tenue de notifier à une société assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties les bases retenues pour la nouvelle évaluation des locaux, faute que cette dernière ait fait suite à une déclaration de changement de consistance ou d'affectation des locaux déposée par cette société, et que, d'autre part, les règles des procédures d'imposition d'office, établies par les articles L. 65 à L. 76 du livre des procédures fiscales, ne sont pas applicables aux impôts locaux, lesquels ne suivent pas le régime général déclaratif des contributions soumises à ces procédures ; que, par suite, les moyens invoqués par la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats, dont il est constant qu'elle n'a pas procédé à la déclaration prévue à l'article 1406 du code général des impôts de changement de consistance ou d'affectation de ses locaux, et tirés de ce que le service ne lui a pas notifié les bases d'imposition à la taxe foncière et de ce qu'elle aurait été privée des droits prévus par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doivent être écartés ;
En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1381-1°et 2° du code général des impôts, sont assujetties à la taxe foncière notamment les installations destinées à abriter des personnes ou des biens (hangar, atelier) ou à stocker des produits ;
Considérant que, pour demander la décharge des impositions concernant les bâtiments dépendant de l'ancienne sucrerie sise sur la commune de Dompierre-Becquincourt qu'elle a acquis en 1990, la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats invoque l'état de délabrement et le caractère inhabitable de ces locaux ; qu'il résulte de l'instruction que, pour tenir compte de cette réclamation, l'administration a accordé, le 30 avril 1998, un dégrèvement partiel de la taxe foncière due au titre de l'année 1997, pour un montant de 12 567 francs, le surplus laissé à la charge de la contribuable, soit 8 252 francs, correspondant à un hangar, d'une superficie de 900 m², abritant un camion et utilisé à des fins de stockage de paille ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que ledit hangar n'était pas en état à être utilisé pour stocker des biens, les attestations du maire de la commune ne portant pas, au demeurant, sur cette partie de l'ensemble immobilier ; que cet élément des bâtiments a pu, dès lors, être regardé comme demeurant imposable à la taxe foncière ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si la société requérante, invoque le bénéfice du dégrèvement de ladite taxe en cas de vacance des locaux, prévu par l'article 1389-1 du code général des impôts, il est constant qu'elle n'a jamais utilisé elle-même les locaux en cause ; qu'elle n'entre donc pas en tout état de cause dans les prévisions dudit article susceptibles d'ouvrir droit à ce dégrèvement ;
Considérant en troisième lieu, que la société requérante et ses gérants, M. et Mme Y, invoquent leur absence de revenus qui justifierait le dégrèvement prévu en cas de modicité des ressources du contribuable par les articles 1408-II, 1414-III, 1414A et B et 1417 du code général des impôts ; que, toutefois, le bénéfice de ces diverses mesures concerne les biens affectés à l'habitation principale ; que, tel n'ayant jamais été le cas des immeubles de l'ancienne sucrerie de Dompierre-Becquincourt acquis par les intéressés, ces moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, enfin, qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître, par la voie contentieuse, des demandes relevant de la juridiction gracieuse et tendant à la modération de l'impôt ; qu'à supposer que la requérante ait entendu demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation des décisions par lesquelles l'administration a refusé de prononcer la remise gracieuse de l'imposition restant en litige, il ne résulte pas de l'instruction que ces décisions seraient entachées d'erreur de fait ou de droit, non plus que d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel devenu L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à payer à la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats les sommes que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n°s 000DA01036 et 00DA01037 de la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Liliane Y, en qualité de liquidateur de la société civile immobilière Locations Immobilières Ventes Achats (LIVA) ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 8 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 6 mai 2003.
Le rapporteur
Signé : L.D Laugier
Le président de chambre
Signé : G. Fraysse
Le greffier
Signé : M.T. Lévèque
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°00DA01036
N°00DA01037