Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 21 janvier 2000, présentée pour la société anonyme Locama, dont le siège se situe au Mesnil à Lillebonne (76170), par Me Y..., avocat ; la société anonyme Locama demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°9700432 en date du 1er octobre 1999 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 1992 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser des frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les premiers juges se sont abstenus de répondre aux moyens soulevés ; que la procédure de redressement suivie par l'administration est entachée d'un défaut de motivation ; que le complément auquel elle a été assujettie, n'est pas fondé au motif que le rehaussement de ses bases par le service résulte de l'erreur comptable commise par elle dans l'enregistrement de valeurs d'or à l'actif immobilisé de son bilan, alors qu'elles relèvent de l'actif circulant ;
Code C Classement CNIJ : 19-04-02-01-03-01-02
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 août 2000, présenté par le directeur régional des impôts du Nord-Pas de Calais ; le directeur régional des impôts du Nord-Pas de Calais demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il soutient que les premiers juges ont répondu à tous les moyens opérants soulevés par le contribuable ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au service de mentionner les textes sur lesquels il fonde une notification de redressements ; que les réponses ministérielles invoquées par le service sont opposables à la contribuable en ce qu'elles précisent le régime légal des plus-values provenant de cession de valeurs or ; que l'enregistrement de ces valeurs à l'actif immobilisé ne constitue pas une erreur comptable, mais une décision de gestion opposable à l'entreprise ; que les conclusions aux fins de frais irrépétibles sont irrecevables, faute d'être chiffrées ;
Vu le mémoire en réplique présenté pour la société anonyme Locama, enregistrée dans les mêmes conditions le 13 décembre 2002 ; la société anonyme Locama reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient que les réponses ministérielles ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre ces procédures fiscales ; que la doctrine fiscale autorise à tout moment la rectification d'une erreur comptable ; elle demande en outre que lui soit versée la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 17 février 2003, présenté par le directeur de contrôle fiscal Nord ; le directeur de contrôle fiscal Nord s'en rapporte à son précédent mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2004 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur, M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Soyez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il est constant que le jugement attaqué, d'une part, mentionne les dispositions législatives qui ont motivé le redressement dont a fait l'objet la société anonyme Locama, d'autre part, se prononce sur le caractère suffisant de ces motifs de droit ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de réponse aux moyens soulevés par la requérante doit être écarté, alors même que les premiers juges ne se seraient pas prononcés sur la valeur des réponses ministérielles invoquées par l'administration ;
Sur la régularité de la procédure de redressement :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années litigieuses : (...) 4. Le régime des moins-values à court terme est applicable : (...) b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 ; que ces dispositions s'appliquent en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 219 -I du même code ; que le régime d'imposition des cessions d'actif est fixé par ces dispositions, ainsi que le fait valoir le service, et non par les articles 38-1 et 38-2 du même code relatifs à la définition du bénéfice imposable ; qu'il résulte de l'instruction que tant la notification de redressements adressée à la société anonyme Locama le 2 mai 1994 que la réponse aux observations de la société le 30 juin 1994 et le rejet de sa réclamation le 6 janvier 1997 mentionnent les dispositions précitées ; qu'ainsi la société a pu prendre connaissance du fondement des impositions supplémentaires que le service se proposait de mettre à sa charge, et engager valablement une discussion contradictoire ; que le moyen tiré du défaut de motivation du redressement en litige ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que la S.A. Locama, entreprise de chaudronnerie, a acquis, au cours des années 1980 et 1981, des pièces et des lingots d'or d'un montant d'une valeur totale de 2 365 827,44 francs qu'elle a inscrit à son actif immobilisé ; que ces éléments d'actifs ont été cédés pour une valeur de 1 510 696,64 francs ; que la moins value résultant de cette cession a été portée en déduction du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun ; que le service a requalifié cette cession en moins-value à long terme imposable selon le régime des plus-values de même nature ;
Considérant que la société anonyme Locama soutient que les valeurs litigieuses ont été inscrites à l'actif immobilisé par suite d'une erreur comptable ; que si elle allègue à cette fin que ces valeurs constituent en fait, au sein de l'actif circulant, des titres de placement, au sens du plan comptable général, ces règles comptables qui ne peuvent être invoquées que dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt, ne pouvaient être regardées comme imposant l'inscription des valeurs en cause à ce poste d'actif ; qu'en tout état de cause, ni le code général des impôts, ni l'instruction 4 B 121 du 15 juin 1991 n'imposent ni n'excluent un mode particulier d'enregistrement comptable de ces biens au sein de l'actif ; que, dès lors, la société ne saurait utilement invoquer une erreur imputable à son inexpérience comptable ; qu'en décidant de porter ces biens à l'actif immobilisé, elle a pris une décision de gestion qui lui est opposable ainsi qu'à l'administration ; que, dans ces conditions, cette dernière a estimé à bon droit que la perte résultant de la cession constituait une moins-values à long terme, et en a, en l'absence de plus-values de même nature, réintégré le montant dans les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la société anonyme Locama ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que la société anonyme Locama n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions en décharge ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société anonyme Locama la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société anonyme Locama est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Locama et au ministre de l'économie des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 23 mars 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 6 avril 2004.
Le rapporteur
Signé : J.E. Soyez
Le président de chambre
Signé : J.F. X...
Le greffier
Signé : G. Z...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume Z...
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N°00DA00130