Vu la requête, enregistrée le 14 août 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Nicole X demeurant ..., par Me Guidez ; la requérante demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9900883 et 0000072 du 14 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés de cessibilité du préfet de l'Oise en date des 1er février 1999 et 13 décembre 1999 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdits arrêtés ;
3°) d'enjoindre à la commune de Tillé de produire les factures acquittées par les entreprises ayant exécuté les travaux d'aménagement du lotissement communal ;
4°) de condamner la commune de Tillé à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que l'arrêté en date du 27 février 1998 du préfet de l'Oise portant déclaration d'utilité publique est illégal en ce que l'opération projetée est dénuée d'intérêt, la vente de lots n'étant pas garantie et leur situation les soumettant à de fortes nuisances, et en ce que l'éventuel intérêt de l'opération projetée n'est pas supérieur à ses inconvénients, le nombre de lots constitués étant trop faible par rapport à la demande tandis que le coût de leur constitution serait excessif ; que cette illégalité entraîne celle des arrêtés attaqués ; qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais engagés tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 20 novembre 2002, présenté pour la commune de Tillé par la SCP Bourhis, Baclet, qui conclut au rejet de la requête et à ce que Mme X soit condamnée à lui verser la somme de
4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; elle soutient qu'il existe une demande pour les lots à constituer ; que l'opération permettra d'empêcher une émigration de la commune ; que le coût sera sans incidence sur le contribuable ; qu'il n'y a pas d'opération concernant plus de cinquante lots ; que le terrain actuel est inesthétique ; que l'estimation du coût des lots par la requérante est excessif ; qu'aucun frais financier n'a été supporté par la commune ; que les lots concernés ne sont pas à proximité de l'aéroport ; qu'un agrandissement de celui-ci créerait des emplois et donc des demandes de terrains dans la commune ; que la requérante a admis vouloir elle-même habiter dans la zone concernée ; qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 6 janvier 2003, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il existe une demande, d'ailleurs supérieure à l'offre ainsi créée ; que les lots constitués se situent dans la continuité de l'urbanisation actuelle ; que la requérante n'est pas en droit d'exiger communication des factures demandées ; que ses estimations de coût sont excessives ; que l'opération sera sans incidence sur l'équilibre budgétaire de la commune ; qu'il n'y a pas d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2003, présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2004 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :
- le rapport de M. Le Garzic, rapporteur ;
- les observations de Me Guidez, pour Mme X et de Me Beck, pour la commune de Tillé ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 27 février 1998 :
Considérant que par arrêtés en date des 1er février 1999 et 13 décembre 1999, le préfet de l'Oise a déclaré cessibles au profit de la commune de Tillé, les parcelles AE 97 pour 2 460 m², AE 101 pour 431 m² et AE 102 pour 1 200 m² d'une part, et AE 223 et AE 228 d'autre part ; que Mme X soutient que l'arrêté en date du 27 février 1998 du préfet de l'Oise déclarant d'utilité publique l'acquisition desdites parcelles est entaché d'illégalité ; que cette illégalité priverait de base légale les arrêtés des 1er février 1999 et 13 décembre 1999 susmentionnés ;
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que l'opération déclarée d'utilité publique par arrêté du préfet de l'Oise en date du 27 février 1998 a pour objet de permettre la création d'un lotissement et de contribuer ainsi au développement de la commune tout en améliorant le paysage urbain par la disparition d'un espace en friche ; qu'il existe en ce qui concerne la commune de Tillé une demande de logement qu'aucun autre projet existant à la date des arrêtés attaqués n'était à même de satisfaire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les nuisances sonores dues à la proximité de l'aéroport de Beauvais-Tillé seraient telles que les lots seraient invendables ou que leur constitution serait par elle-même contraire à l'intérêt général ; que la circonstance que le nombre de lots constitués est inférieur à la demande n'a pas pour conséquence de dénuer d'intérêt l'opération projetée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût financier de l'opération, qui sera principalement réduit au solde d'une part, des coûts d'acquisition des terrains et des travaux nécessaires et d'autre part, du produit de la vente des lots constitués, puisse être regardé comme excessif par rapport à l'intérêt qu'elle présente ; qu'il suit de là que l'opération projetée présente un caractère d'utilité publique justifiant légalement les mesures d'expropriation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés de cessibilité des 1er février 1999 et 13 décembre 1999 susévoqués ;
Sur les conclusions tendant à ce que la Cour enjoigne à la commune de Tillé de produire les factures acquittées par les entreprises ayant exécuté les travaux d'aménagement du lotissement communal :
Considérant que la Cour est en mesure de juger la présente affaire en l'état de l'instruction sans qu'il y ait besoin d'ordonner à la commune de Tillé de procéder à la communication des factures acquittées par les entreprises ayant exécuté les travaux d'aménagement du lotissement communal ; que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Tillé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à Mme X une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de condamner Mme X à verser à la commune de Tillé la somme de 1 000 euros à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Mme X versera à la commune de Tillé la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nicole X, à la commune de Tillé et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2004, à laquelle siégeaient :
- M. Merloz, président de chambre,
- M. Dupouy, président-assesseur,
- M. Le Garzic, conseiller,
Lu en audience publique, le 2 décembre 2004.
Le rapporteur,
Signé : P. LE GARZIC
Le président de chambre,
Signé : G. MERLOZ
Le greffier,
Signé : B. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
B. ROBERT
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N°02DA00752