Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société JEWE FRANCE dont le siège est ..., par Me X... ; la société JEWE FRANCE demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 98-1264 en date du 23 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre de l'exercice 1994, mises en recouvrement le 13 juin 1997 ;
2°) de prononcer la décharge ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les frais de timbre de première instance et d'appel ;
Elle soutient que l'administration a réintégré à tort dans son bénéfice imposable de l'exercice 1994 les provisions pour risques et charges constituées au titre des conséquences de la fermeture de son établissement lyonnais, le 31 décembre 1991, et qui concernent le versement des indemnités de préavis des salariés du dépôt lyonnais du premier trimestre 1995 et le loyer restant à courir de son bail commercial ; que ses créances douteuses qui avaient fait l'objet d'un paiement partiel par une assurance-crédit, pouvaient donner lieu à provisions selon un avis datant de 1973 du comité fiscal de la mission entreprise et administration ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il oppose une fin de non-recevoir aux conclusions relatives aux provisions pour créances douteuses que ne visaient ni la notification de redressements, ni l'avis de recouvrement, ni la réclamation ; il fait valoir que la fermeture du dépôt lyonnais n'ayant été déclarée au tribunal du commerce que le 8 août 1995, les charges en résultant ne pouvaient être constatées au titre de l'exercice 1994 ; que les charges constatées sont indépendantes de ladite fermeture ; que la société JEWE FRANCE n'a pas établi le caractère irrécouvrable dès 1994 des créances ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré dans les mêmes conditions le 22 octobre 2002, présenté pour la société JEWE FRANCE, par Me X... ; la société JEWE FRANCE reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que c'est l'administration qui, dans sa notification de redressement, a exigé la constatation de provisions pour créances douteuses ; que l'activité de la société JEWE FRANCE avait cessé en 1994, aucune facturation n'ayant été émise à partir du 31 décembre 1994 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ; à cette fin, il fait valoir que le caractère irrécouvrable d'une créance est apprécié non à partir de l'avis du comité fiscal de la mission entreprise et administration, mais des circonstances particulières à l'espèce ; que les créances sur les sociétés Chapo et Avesano ne pouvaient être regardées comme irrécouvrables à la clôture de l'exercice 1994 ;
Vu l'ordonnance en date du 24 novembre 2004 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour ordonne, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction au 17 décembre 2004 ;
Vu le mémoire en duplique, enregistré dans les mêmes conditions le 8 décembre 2003, présenté pour la société JEWE FRANCE, par Me X... ; la société JEWE FRANCE reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le vérificateur a
lui-même reconnu le caractère douteux des créances dans sa réponse aux observations en date du
19 février 1997 et que des certificats d'irrécouvrabilité ont été produits en 1995, 1996 et 1997 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de M. Soyez, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., pour la société JEWE FRANCE ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts rendu applicable à l'espèce par l'article 209 du même code : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, ..., notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice relevé des prévisions prévu à l'article 54 ; qu'il résulte de ces dispositions que la charge de prouver le bien-fondé de telles déductions incombe au contribuable ;
Sur les provisions pour charges :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société JEWE FRANCE n'a déclaré que le 8 août 1995 au Tribunal de commerce de Lyon la fermeture au 31 mars de la même année de son établissement dans cette ville ; que si elle soutient que cette fermeture dans cette ville, a, compte tenu du caractère progressif de la cessation d'activité lié aux démarches à accomplir à cet effet, été engagée dès avant cette date, l'entreprise ne justifie d'aucun acte attestant en 1994 sa décision de se restructurer ; que, dès lors, elle n'établit pas que les charges résultant de cette fermeture pouvaient donner lieu à constitution de provision dès cette année ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer même que les licenciements consécutifs à cette restructuration puissent faire l'objet en tout ou partie de provisions, elle allègue mais n'établit pas avoir engagé les procédures correspondantes au cours de l'année 1994 ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la charge de ces indemnités de préavis pouvait à cette date être anticipée et regardée comme probable ;
Considérant, en troisième lieu, que la déduction des loyers et charges locatives des immeubles mentionnés au 1° de l'article 39-1 du code général des impôts s'opère au titre de l'exercice au cours desquels ils ont couru, sans considération de leur date de paiement ; qu'ainsi et comme l'ont jugé les premiers juges, ni les loyers du premier trimestre 1995, ni le solde, après déduction des loyers de sous-location des baux commerciaux du 31 mars 1995 au 31 mars 1997, ne pouvaient en 1994 constituer des provisions destinées à faire face à des charges au titre de l'exercice 1995 ;
Sur les créances clients :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société JEWE FRANCE a, sans provisionner, déduit de son résultat 1994 une somme de 169 171 francs (25 789,95 euros) hors taxe au titre de créances dont elle soutient qu'elles ne pouvaient être recouvrées ; qu'en se bornant à alléguer, sur la base d'un avis au demeurant non communiqué du comité fiscal en date de 1973, une indemnisation partielle et non précisée par une société d'assurance crédit de ces créances, elle n'en démontre pas le caractère irrécouvrable ; que celui-ci s'apprécie au cas par cas ; qu'à supposer que certains tiers débiteurs fussent en règlement judiciaire en 1994, la requérante ne produit pas de certificat d'irrécouvrabilité datant de cette année ; qu'elle ne justifie pas de diligences à cet effet ; qu'ainsi, elle ne pouvait constater des pertes déductibles ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JEWE FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les autres conclusions de la requête :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société JEWE FRANCE la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'ayant succombé, la requérante n'est pas davantage fondée à obtenir le remboursement des frais de timbre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société JEWE FRANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société JEWE FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- M. Soyez, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 janvier 2005.
Le rapporteur,
Signé : J.E. SOYEZ
Le président de chambre,
Signé : J.F. GIPOULON
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
M.T. LEVEQUE
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N°02DA00618