Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2003, présentée pour M. Y... , demeurant ..., par la SCP d'avocats Frison-Decramer-Gueroult et associés ; M. demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 0103855 en date du 4 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant, d'une part, à la condamnation du centre hospitalier d'Amiens à lui verser la somme de 94 000 francs au titre de dommages et intérêts et, d'autre part, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise relative à son hospitalisation dans cet établissement en août 1999 ;
2°) de désigner un médecin expert spécialisé en chirurgie traumatologique et orthopédique chargé de donner un avis sur les origines de l'infection nosocomiale dont il a été victime pendant son hospitalisation ;
3°) de condamner le centre hospitalier d'Amiens à lui verser la somme de 28 050,62 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de condamner le centre hospitalier d'Amiens à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le collège d'experts s'accorde à reconnaître qu'il a été victime d'une infection nosocomiale pendant son hospitalisation au centre hospitalier d'Amiens ; qu'en matière d'infection nosocomiale, le Conseil d'Etat présume la faute dans l'organisation du service ; que dans ces conditions, aucune possibilité d'exonération n'est reconnue à l'hôpital ; que si l'expertise n'a pas permis de mettre en évidence une faute du centre hospitalier, la responsabilité dudit établissement ne peut être qu'engagée ; que le Tribunal, pour exonérer le centre hospitalier, a retenu, à tort, que le service de traumatologie était doté de protocoles préventifs du risque infectieux et avait pris toutes les précautions d'asepsie usuelles ; que le rapport d'expertise ne tient pas compte de ses observations et doléances et qu'il y a donc lieu de nommer un nouvel expert spécialisé en chirurgie traumatologique et orthopédique ; que l'infection nosocomiale est en partie la cause de la réduction définitive de ses possibilités fonctionnelles évaluée par l'expert à 15 %, de douleurs persistantes, d'un préjudice esthétique majoré d'un point le faisant passer de 1,5 à 2,5 ; que l'expert estime à
2 mois la période d'incapacité temporaire imputable à l'infection nosocomiale ; que l'expertise ainsi rendue révèle toutefois des incohérences et a été instruite à sa charge ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2003, présenté pour le centre hospitalier d'Amiens, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la réduction dans de plus justes proportions du quantum des préjudices allégués par le requérant et à la condamnation de M. à lui verser la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'au regard de l'expertise du docteur Y et des dires du docteur Z, compagne du requérant présente lors de l'hospitalisation de ce dernier, le tribunal administratif a estimé justement qu'il y avait lieu de rejeter la requête de M. ; que le rapport du docteur Y a conclu à l'existence d'une infection nosocomiale mais a écarté toute faute du centre hospitalier ; que le requérant ne justifie d'aucun lien de causalité ; qu'il résulte des expertises, ainsi que l'a relevé le Tribunal, que l'infection contractée par le requérant résulte d'une cause étrangère ; que contrairement à ce que soutient M. , il existe des possibilités d'exonération ; que le docteur Y a très largement rempli sa mission et qu'il n'y a pas lieu de nommer un nouvel expert ; que s'agissant du quantum des préjudices allégués, la Cour retiendra que le requérant a reçu en exécution de l'ordonnance du 26 décembre 2001 prise par le président du Tribunal administratif d'Amiens la somme de 6 097,96 euros ; que le préjudice d'agrément allégué résulte uniquement du traumatisme subi à la suite de l'accident de M. ; que l'expert considère que l'incapacité partielle permanente imputable à l'infection est égale à 1/3 de 15 %, soit
5 % ; que seul un tiers de la période d'incapacité temporaire est imputable à l'infection ; que le requérant ne justifie d'aucune perte de revenus, ni de l'utilisation d'un véhicule adapté ;
Vu le rapport d'expertise médicale complémentaire, enregistré le 15 juillet 2004, produit pour M. ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2004, présenté pour le centre hospitalier d'Amiens qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 décembre 2004, présenté pour M. qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il demande, en outre, la désignation d'un nouvel expert pour évaluer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont il a été victime ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifiée relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 101 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;
- les observations de Me X..., pour le centre hospitalier régional d'Amiens ;
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que contrairement à ce que soutient M. , le rapport du docteur Y, commis par le Tribunal administratif d'Amiens, est suffisamment précis et circonstancié pour permettre à la Cour de statuer sur sa requête tendant à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Amiens en raison des préjudices subis à la suite de son hospitalisation en août 1999 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que M. , atteint, à la suite d'une chute de moto, d'une fracture complexe de l'épiphyse et de la métaphyse supérieure du tibia droit, a subi une intervention chirurgicale au centre hospitalier d'Amiens le 17 août 1999 ; qu'une semaine plus tard, l'état du patient s'est compliqué d'une arthrite purulente du genou droit puis d'un abcès ayant pour origine une infection nosocomiale ; que si le staphylocoque doré ainsi retrouvé constitue un germe ubiquitaire, porté en particulier par la peau du patient, cette présence, qui n'est pas pathologique, ne peut être regardée comme un foyer infectieux endogène préexistant à l'hospitalisation de M. et à l'intervention qu'il a subie ; qu'ainsi, alors même que les médecins et l'ensemble de l'équipe médicale n'auraient commis aucune faute lors de l'opération et des soins pré et postopératoires et auraient respecté les règles de désinfection et de stérilisation des matériels selon les normes alors en vigueur, le fait que cette infection ait pu se produire qui révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Amiens ; que dès lors,
M. est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a écarté la responsabilité de l'établissement hospitalier ;
Sur la réparation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonné par les premiers juges que l'état de santé de M. a été consolidé le 19 avril 2001 ; qu'il reste atteint de séquelles articulaires provoquant une diminution de ses possibilités fonctionnelles et occasionnant une incapacité permanente partielle de 5 % directement imputable à l'infection nosocomiale dont il a été victime ; que si le requérant a subi une période d'incapacité temporaire totale lui interdisant toute activité professionnelle, il ne justifie pas d'une perte de salaire ; que dès lors, il n'a droit qu'à la compensation des troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence, lesquels incluent, le cas échéant, le préjudice dit d'agrément ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par M. en lui allouant de ce chef une indemnité de
4 573,47 euros, dont la moitié répare les troubles physiologiques ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme la somme de 1 524,49 euros au titre de la réparation des dommages afférents aux souffrances physiques et au préjudice esthétique qui, selon l'expert, ont été accrus d'un point par rapport au traumatisme initial subi, du fait de l'infection nosocomiale ; qu'ainsi le préjudice total dont la réparation doit être mis à la charge du centre hospitalier d'Amiens s'élève à la somme de
6 097,96 euros ; qu'il n'est pas contesté que cette indemnité a déjà été versée comme provision au requérant en application de l'ordonnance du président du Tribunal administratif d'Amiens du
26 décembre 2001 ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de
457,34 euros par ordonnance du Tribunal administratif d'Amiens en date du 8 juin 2001, à la charge du centre hospitalier d'Amiens ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier d'Amiens à payer à M. la somme de 1 500 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au centre hospitalier d'Amiens la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 4 mars 2003 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Amiens est condamné à verser à M. la somme de 6 097,96 euros, déduction devant être faite de la provision versée par ce dernier à
M. ;
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge du centre hospitalier d'Amiens.
Article 4 : Le centre hospitalier d'Amiens est condamné à verser à M. la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... , au centre hospitalier régional d'Amiens, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2005, à laquelle siégeaient :
- M. Gipoulon, président de chambre,
- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,
- Mme Eliot, conseiller,
Lu en audience publique, le 18 janvier 2005.
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N°03DA00345