La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2005 | FRANCE | N°03DA01142

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 10 février 2005, 03DA01142


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, reçus par fax et enregistrés les

23 octobre et 21 novembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire original reçu le 24 novembre 2003, présentés pour la COMMUNE DE PONT-AUDEMER, représentée par son maire, par Me Jalet ; la COMMUNE DE PONT-AUDEMER demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 03-0097 en date du 16 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération du conseil municipal de ladite commune, en date du 13 décembre 2002, autorisant

le maire à exercer le droit de préemption urbain pour l'acquisition de l'usi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, reçus par fax et enregistrés les

23 octobre et 21 novembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire original reçu le 24 novembre 2003, présentés pour la COMMUNE DE PONT-AUDEMER, représentée par son maire, par Me Jalet ; la COMMUNE DE PONT-AUDEMER demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 03-0097 en date du 16 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération du conseil municipal de ladite commune, en date du 13 décembre 2002, autorisant le maire à exercer le droit de préemption urbain pour l'acquisition de l'usine hydroélectrique du barrage de la Madeleine situé quai Félix Faure ;

2') de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal administratif n'a examiné, pour y faire droit, que l'un des moyens soulevés par M. X ; que l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme sur lequel le Tribunal s'est fondé pour annuler la délibération du 13 décembre 2002 ne concerne que les modalités de notification de la décision prise par la commune et ne pose aucune règle de forme ou de procédure quant à la décision elle-même ; qu'en outre, l'affirmation selon laquelle il n'est fait état d'aucun prix dans la délibération manque en fait ; que le courrier du 26 décembre 2002 ne comportait aucune ambiguïté puisqu'il se référait à la délibération et faisait ainsi apparaître que la ville entendait acquérir les biens faisant l'objet de la déclaration d'intention d'aliéner aux prix et conditions proposés ; que, contrairement à ce que soutenait M. X en première instance, le droit de préemption n'est pas limité aux terrains et constructions édifiées sur un terrain, mais s'applique à tous les biens attachés à l'édifice sur lequel est exercé le droit de préemption ; que les finalités poursuivies par la commune en exerçant son droit de préemption étaient au nombre de celles prévues par le code de l'urbanisme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 26 janvier 2004 et son original enregistré le 28 janvier 2004, présenté pour M. Richard X par Me Le Febvre ; M. X conclut au rejet de la requête et demande en outre à la Cour de condamner la COMMUNE DE PONT-AUDEMER à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'une décision de préemption qui ne fait mention ni de l'acceptation du prix proposé, ni de l'offre d'un autre prix est entachée d'illégalité ; que, si la délibération du 13 décembre 2002 mentionnait le prix contenu dans la déclaration d'intention d'aliéner, la lettre adressée par le maire au notaire le 26 décembre 2002 ne précisait pas si la commune entendait préempter le bien à ce prix ; que les machines et le matériel affectés à la production d'électricité, qui constituent des biens meubles, ne pouvaient faire l'objet de la préemption en vertu de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme ; que la COMMUNE DE PONT-AUDEMER n'a justifié d'aucun projet d'aménagement de nature à permettre l'exercice du droit de préemption ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :

- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur ;

- les observations de Me Karageorgiou pour M. X ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ;

Considérant que, pour annuler la délibération du 13 décembre 2002 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE PONT-AUDEMER a décidé d'exercer son droit de préemption pour l'acquisition de l'usine de production hydroélectrique du barrage de la Madeleine située quai Félix Faure à Pont-Audemer, le Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme sans se prononcer sur les autres moyens invoqués par le requérant ; qu'il a ainsi méconnu l'obligation que lui imposaient les dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme : Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : a) soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; b) soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; c) soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE DE

PONT-AUDEMER a été saisie d'une déclaration d'intention d'aliéner datée du

22 novembre 2002, consécutive à la promesse de vente consentie par la société Ahlstrom Specialities à M. X et portant sur l'ouvrage susmentionné ; que, par délibération du

13 décembre 2002, le conseil municipal de la COMMUNE DE PONT-AUDEMER a décidé d'acquérir ledit ouvrage, sans remettre en cause le prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner et rappelé dans ladite délibération, et a autorisé son maire à conduire la procédure d'acquisition et signer tous documents s'y rapportant ; que, par lettre en date du

26 décembre 2002, le maire a avisé les notaires concernés que la commune avait décidé d'exercer son droit de préemption pour l'acquisition des biens en cause et a joint à son envoi la copie de la délibération du 13 décembre 2002 ; que, dans ces conditions, le maire doit être regardé comme ayant notifié au propriétaire la décision de la commune d'acquérir aux prix et conditions proposés ; que, par suite, le moyen soulevé par M. X et tiré de la méconnaissance, pour absence d'indication sur le prix, des dispositions précitées de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles R. 213-8 et R. 213-9 du code de l'urbanisme s'opposent à ce qu'une partie seulement d'un immeuble visé à l'article L. 213-1 du même code puisse faire l'objet d'une préemption ; que, dès lors, c'est sans méconnaître ces dispositions que la COMMUNE DE PONT-AUDEMER, dès lors qu'elle avait choisi d'acquérir le bien concerné aux prix et conditions proposés, a exercé le droit de préemption qui lui était ouvert par les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, pour la totalité de l'unité économique concernée, incluant les machines et matériels de production électrique ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont institués en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1... ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti et non bâti et les espaces naturels ;

Considérant que la délibération litigieuse mentionne l'intérêt pour la commune d'acquérir les ouvrages mis en vente afin de lui permettre de contrôler les débits stratégiques de la Risle à cet endroit et d'assurer, dans une logique de meilleure protection des biens et des personnes face au risque inondations, une gestion optimale détachée de la seule exploitation économique de l'ouvrage ; que la préemption avait ainsi pour objet la mise en oeuvre de mesures de prévention des risques d'inondation en vue de l'amélioration de la sécurité des personnes et des biens ; que, nonobstant l'intérêt général s'attachant à l'intervention de telles mesures, celles-ci ne présentent pas en elles-mêmes, compte tenu de leur objet, le caractère d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'en outre, la COMMUNE DE PONT-AUDEMER n'apporte aucune précision à l'appui de son allégation selon laquelle lesdites mesures concourraient au maintien des activités économiques locales ; que, dès lors,

M. X est fondé à soutenir que la décision de préemption est intervenue en méconnaissance des dispositions législatives précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal de Pont-Audemer du 13 décembre 2002 portant exercice du droit de préemption sur les biens dont il s'était porté acquéreur ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la COMMUNE DE PONT-AUDEMER la somme que demande cette collectivité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la COMMUNE DE PONT-AUDEMER à verser à

M. X une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 03-97 du Tribunal administratif de Rouen en date du

16 juillet 2003 et la délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE PONT-AUDEMER en date du 13 décembre 2002 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE

PONT-AUDEMER est rejeté.

Article 3 : La COMMUNE DE PONT-AUDEMER versera à M. X une somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE PONT-AUDEMER, à

M. Richard X et au ministre l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2005 à laquelle siégeaient :

- M. Merloz, président de chambre,

- M. Dupouy, président-assesseur,

- M. Le Garzic, conseiller,

Lu en audience publique le 10 février 2005.

-

2

N°03DA01142

5

N°03DA01142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 03DA01142
Date de la décision : 10/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Pierre Le Garzic
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : JALET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-02-10;03da01142 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award