Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2003, présentée pour la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE, représentée par son maire en exercice, par Me Mougel, avocat ; la commune demande à la Cour :
1') d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 02-1360 en date du 25 septembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille lui a enjoint de réintégrer Mme X à compter du
1er mars 1999, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et l'a condamnée à verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter entièrement la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Lille ;
3°) de condamner Mme X à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure contentieuse a méconnu le principe du contradictoire, et par voie de conséquence le droit à un procès équitable reconnu par les articles 6-1 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pas eu connaissance avant l'audience du mémoire présenté par Mme X et enregistré le
5 septembre 2003 ; qu'en application de l'article 9 du décret du 13 janvier 1986, Mme X n'avait aucun droit à réintégration à compter du 1er octobre 1996, dès lors que son détachement a été prolongé jusqu'au 30 septembre 2001 et qu'elle n'a jamais demandé sa réintégration en 1996, 1997 et 1998 ; qu'elle a reconstitué correctement la carrière de l'intéressée ; que Mme X n'a aucun droit à être réaffectée dans un emploi de maître-nageur sauveteur, chef de bassin, qu'elle n'a jamais occupé antérieurement et que le jugement attaqué a d'ailleurs rejeté ses prétentions sur ce point ; qu'il a également rejeté ses conclusions à fin de dommages et intérêts pour résistance abusive ; que sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devait être rejetée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 février 2004, présenté pour Mme Sandrine X, par Me Robilliart, avocat, qui conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la Cour annule l'article 4 du jugement attaqué, rejetant le surplus des conclusions de sa demande et, faisant droit à l'ensemble de ces conclusions, annule pour excès de pouvoir l'arrêté du maire de Coudekerque-Branche, en date du 6 février 2002, la réintégrant à compter du 1er février 2002, enjoigne à la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE de la réintégrer dans ses fonctions à la date de son éviction, de procéder à la reconstitution de sa carrière, et de la réaffecter en qualité de chef de bassin de l'une des deux piscines municipales, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et condamne la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE à lui verser la somme de 7 622,45 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
3°) à la condamnation de la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure contentieuse est régulière ; qu'en exécution du jugement du
25 octobre 2001, elle devait être réintégrée dans ses fonctions à compter du 1er octobre 1996 et voir sa carrière et ses droits à pension reconstitués à compter de cette date ; que l'arrêté du 6 février 2002 fixant au 1er février 2002 la date d'effet de sa réintégration juridique est donc illégal, alors même que selon la commune, elle a été réintégrée au grade et à la fonction qu'elle aurait acquis si elle avait poursuivi normalement sa carrière ; qu'elle a été privée de rémunération ; que sa réintégration n'a pas présenté un caractère effectif ; qu'elle doit être réaffectée en qualité de chef de bassin dès lors qu'elle remplit les conditions de diplôme pour exercer ces fonctions ; que sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive est justifiée, dès lors que la commune a mis quatre mois pour exécuter le jugement rendu par le Tribunal administratif de Lille ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 février 2004, présenté pour la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 12 mars 2004, présenté pour Mme X, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 7 mai et 22 juin 2004, présentés pour la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que Mme X a été rémunérée par la communauté urbaine de Dunkerque jusqu'à la mi-février 1999 ; qu'elle n'est pas en droit de choisir son affectation, étant d'ailleurs en congé de maladie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2005 à laquelle siégeaient
M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur ;
- les observations de Me Brouwer, avocat, pour la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE, et de Me Robilliart, avocat, pour Mme X ;
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X, maître-nageur sauveteur, employée par la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE, a été détachée dans les services de la communauté urbaine de Dunkerque pour une durée de cinq ans à compter du 1er octobre 1991 ; que le maire de COUDEKERQUE-BRANCHE a prononcé sa mutation dans les services de la communauté urbaine de Dunkerque à compter du 1er octobre 1996, par arrêté du 3 juillet 1997 ; que le Tribunal administratif de Lille, par jugement du 25 octobre 2001, a regardé cette mutation comme nulle et de nul effet, a annulé la décision implicite du maire de COUDEKERQUE-BRANCHE rejetant la demande de réintégration dans les services de cette commune formulée le 2 février 1999 par
Mme X, a enjoint à la commune, sous astreinte, de procéder à cette réintégration dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, et a condamné la commune à verser à Mme X la somme de 1 219,59 euros au titre des frais non compris dans les dépens ; que, par arrêté du 6 février 2002, le maire de la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE a réintégré Mme X avec effet au 1er février 2002 ;
Considérant que Mme X a alors saisi le Tribunal administratif de Lille d'une nouvelle demande, tendant à ce qu'il annule pour excès de pouvoir cet arrêté, enjoigne à la commune, sous astreinte, de la réintégrer avec effet au 1er octobre 1996, avec reconstitution de sa carrière à compter de cette date et affectation en qualité de chef de bassin d'une piscine municipale, et enjoigne à la commune de lui verser la somme de 1 219,59 euros susmentionnée ainsi qu'une somme de
7 622,45 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ; que, par jugement du 25 septembre 2003, le tribunal administratif, après avoir donné acte du désistement des conclusions de Mme X relatives au versement de la somme de 1 219,59 euros, a enjoint à la commune, sous astreinte, de réintégrer
Mme X à compter du 1er mars 1999, l'a condamnée à verser à Mme X une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de cet agent ; que ce jugement est critiqué par les deux parties ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE soutient qu'elle n'a pas eu communication en temps utile du dernier mémoire produit par Mme X avant l'audience, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif ne s'est pas fondé, pour statuer sur les différentes conclusions de la demande de Mme X, sur des éléments contenus dans ce mémoire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure n'aurait pas été respecté doit être écarté ;
Sur la légalité de l'arrêté de réintégration :
Considérant que par jugement du 25 octobre 2001, dont la commune requérante n'a pas relevé appel, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite du maire de COUDEKERQUE-BRANCHE rejetant la demande de réintégration dans les services de cette commune formulée le 2 février 1999 par Mme X, aux motifs que, la période de détachement de l'agent ayant expiré et un poste d'éducateur sportif hors-classe étant alors vacant dans lesdits services, le maire était alors tenu, en application de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984, de prononcer la réintégration de l'intéressée dans cet emploi ;
Considérant qu'eu égard à ses motifs, ledit jugement, devenu définitif, impliquait nécessairement que la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE régularisât rétroactivement la situation administrative de Mme X en la réintégrant, à compter du 1er mars 1999, dans un emploi correspondant à son grade ; que l'autorité absolue de la chose jugée, qui s'attache tant au dispositif de ce jugement d'annulation qu'aux motifs qui en constituent le support nécessaire, fait obstacle à ce que la commune puisse utilement soutenir que le détachement de Mme X aurait été prolongé jusqu'au 30 septembre 2001 et qu'elle n'aurait jamais demandé sa réintégration en 1996, 1997, et 1998 ; que, par suite, l'arrêté du maire de COUDEKERQUE-BRANCHE en date du
6 février 2002, est intervenu en méconnaissance de la chose jugée en tant qu'il a pris effet à une date postérieure au 1er mars 1999, comme l'ont d'ailleurs relevé les premiers juges, sans en tirer les conséquences dans le dispositif du jugement ;
Considérant qu'il suit de là que Mme X est fondée, dans cette mesure, à demander, par voie de l'appel incident, l'annulation de cet arrêté, ainsi que celle de l'article 4 du jugement critiqué, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre ledit arrêté ;
Sur l'injonction sous astreinte prononcée par les premiers juges :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'enfin, aux termes de l'article
L. 911-3 dudit code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d' effet ;
Considérant que l'annulation de l'arrêté du 6 février 2002, en tant qu'il prend effet à une date postérieure au 1er mars 1999, contrairement à la chose jugée antérieurement par le tribunal, implique nécessairement la réintégration de Mme X dans un emploi vacant correspondant à son grade, avec effet au 1er mars 1999 ; que, par suite, la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement qu'elle attaque, le Tribunal administratif de Lille lui a enjoint sous astreinte de prendre une telle mesure ;
Sur la reconstitution de carrière :
Considérant que, avant l'introduction de la demande présentée devant les premiers juges, la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE avait reclassé l'intéressée au 4ème échelon de la hors-classe, à l'indice brut 518, avec une ancienneté d'un an, un mois et 19 jours, ce qui correspond à un déroulement de carrière en fonction de l'ancienneté pour la période de 1996 à 2001 ; que
Mme X ne conteste pas sérieusement les modalités de cette reconstitution ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme sans objet les conclusions relatives à sa reconstitution de carrière ;
Sur l'affectation en qualité de chef de bassin :
Considérant que si l'exécution du jugement du 25 octobre 2001 implique que Mme X soit effectivement réintégrée dans un emploi vacant correspondant à son grade, ni ce jugement, ni le présent arrêt n'impliquent nécessairement que la commune lui confie les fonctions de chef de bassin, quels que soient les diplômes qu'elle détient ; que, par suite, ses conclusions relatives à une telle affectation ne peuvent être accueillies ;
Sur l'indemnité pour résistance abusive :
Considérant que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires de Mme X au motif que le contentieux n'était pas lié ; que Mme X ne critique pas l'irrecevabilité qui lui a été ainsi opposée et qui constitue, sur ce point, le fondement du jugement qu'elle attaque ; que ses conclusions relatives au versement d'une telle indemnité ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant, d'une part, que la COMMUNE DE COUKEDERQUE-BRANCHE, partie perdante en première instance, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser à Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en application des mêmes dispositions, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme X tendant au remboursement des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE est rejetée.
Article 2 : Le jugement susvisé, en date du 25 septembre 2003, du Tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme X tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de COUDEKERQUE-BRANCHE, en date du 6 février 2002, en ce qu'il fixe au
1er février 2002 la date de sa réintégration.
Article 3 : L'arrêté du maire de COUDEKERQUE-BRANCHE, en date du 6 février 2002, est annulé en tant qu'il prend effet à une date postérieure au 1er mars 1999.
Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes de Mme X et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE COUDEKERQUE-BRANCHE, à Mme Sandrine X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2005 à laquelle siégeaient :
- M. Couzinet, président de chambre,
- M. Berthoud, président-assesseur,
- Mme Brenne, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 mai 2005.
Le rapporteur,
Signé : J. BERTHOUD
Le président de chambre,
Signé : Ph. COUZINET
Le greffier,
Signé : S. MINZ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
Sandra Minz
N°03DA01228 8