Vu la requête, reçue par télécopie du 5 août 2004 confirmée par courrier enregistré le
9 août 2004, présentée pour la société anonyme SEGAFREDO ZANETTI FRANCE, dont le siège est 14 boulevard industriel BP 47 à Sotteville-les-Rouen (76300), par Me X..., avocat ; la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement nos 9901499 et 9901940 en date du 13 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant d'une demande de paiement du 22 février 1999, d'un commandement de payer du 16 mars 1999 et d'un avis à tiers détenteur du 2 juin 1999 notifié le 23 juin 1999 en vue du recouvrement d'une somme de 1 154 214 francs majorée de 10 % correspondant à des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 et au remboursement de la somme de 1 269 635 francs assortie des intérêts moratoires ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 193 554,61 euros ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la prescription de l'action en recouvrement était acquise, en l'absence de toute mesure de poursuites entre la mise en recouvrement de compléments d'impôt sur les sociétés, non contestés, le 31 décembre 1992, et la demande de paiement du 22 février 1999 et le commandement de payer du 16 mars 1999 ; qu'elle a régulièrement formé une opposition postérieure à ces actes de poursuites ; qu'un contribuable peut contester l'exigibilité d'un impôt dont le règlement est sollicité par une demande de paiement ; qu'en application de l'article
220 quinquies du code général des impôts, une créance de carry-back ne peut être utilisée pour assurer le recouvrement d'impositions dues au titre d'exercices antérieurs à celui au cours duquel le déficit est constaté ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement n'est pas recevable, faute d'avoir été invoqué à l'encontre du commandement de payer du 16 mars 1999, premier acte de poursuite permettant d'invoquer ce moyen ; que la réclamation contentieuse assortie de garanties déposée par la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE a suspendu la prescription de l'action en recouvrement ; qu'aucune compensation n'a été effectuée entre la créance de carry-back dont était bénéficiaire la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE et sa dette d'impôt sur les sociétés des exercices 1987 à 1989, dès lors que, faute d'avoir été utilisée dans les conditions prévues à l'article 220 quinquies du code général des impôts, la créance devenait remboursable et pouvait être appréhendée, en l'absence de toute disposition légale prévoyant son insaisissabilité par voie d'avis à tiers détenteur pour avoir paiement d'impôt dont la société était par ailleurs redevable ; que c'est ainsi à bon droit que le trésorier n'a remboursé que la différence entre le montant total de la créance de carry-back et le montant porté dans l'avis à tiers détenteur ;
Vu l'ordonnance du 20 octobre 2005 fixant la clôture de l'instruction au
25 novembre 2005 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Platillero, conseiller :
- le rapport de M. Platillero, conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la demande de paiement du 22 février 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : « Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 » ;
Considérant qu'une demande de paiement a été adressée le 22 février 1999 par le trésorier de Sotteville-les-Rouen à la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE pour avoir paiement d'une somme de 1 154 214 francs correspondant à une partie des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 ; qu'un tel document constitue, non pas un acte de poursuite, mais un simple rappel d'une obligation de payer ne pouvant faire l'objet des contestations prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions de la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE dirigées contre cette demande de paiement comme irrecevables ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant du commandement de payer du 16 mars 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : « Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : a) Le trésorier-payeur général si le recouvrement incombe à un comptable du Trésor … » ;
Considérant que la réclamation présentée par la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE le 22 avril 1999 au trésorier-payeur général de la Seine-Maritime ne vise que la demande de paiement du 22 février 1999 ; que la double circonstance que cette réclamation est postérieure au commandement de payer du 16 mars 1999 et a fait l'objet d'une décision de rejet de l'administration est sans incidence, dès lors que la requérante n'a, à aucun moment, expressément contesté ce commandement de payer devant le trésorier-payeur général ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions de la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant du commandement de payer du 16 mars 1999 comme irrecevables, en l'absence de réclamation préalable ;
Sur la recevabilité du moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : « Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable » ; que les contestations relatives au recouvrement des impôts et taxes dont la perception incombe aux comptables du Trésor font l'objet, de la part du redevable, d'une demande qui, aux termes de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales, « doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois, à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme, ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le motif invoqué est autre qu'un vice de forme et tient à la réalisation d'un événement postérieur à la délivrance d'un acte de poursuites, tel que l'expiration du délai dans lequel se prescrit l'action en recouvrement, la demande doit être présentée dans le délai de deux mois qui suit la signification ou la notification du premier acte ultérieur de poursuites permettant au redevable de se prévaloir de cet événement ;
Considérant que les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels a été assujettie la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 ont été mis en recouvrement le 31 décembre 1992 ; que le commandement de payer du 16 mars 1999 était le premier acte de poursuite qui permettait à la requérante d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement ; que, dès lors qu'aucune réclamation n'a été présentée à l'encontre de cet acte de poursuite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté le moyen tiré de la prescription, qui n'a pas été présenté dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 281-2 susmentionné du livre des procédures fiscales, pour irrecevabilité ;
Sur les conclusions tendant à la restitution de la somme de 193 554,61 euros :
Considérant qu'aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts :
« I. Par dérogation aux dispositions des troisième et quatrième alinéas du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent … Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application du troisième alinéa du I de l'article 209 … L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance d'égal montant ... La créance est remboursée au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée. Toutefois, l'entreprise peut utiliser la créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours de ces cinq années. Dans ce cas, la créance n'est remboursée qu'à hauteur de la fraction qui n'a pas été utilisée dans ces conditions ... La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 modifiée par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, ou dans des conditions fixées par décret … » ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE a constaté, à la clôture de l'exercice 1993, une créance sur le Trésor, suite à l'exercice d'une option pour le report en arrière de déficits ; que si cette créance était inaliénable et incessible, sous réserve des conditions prévues par les dispositions susmentionnées de l'article
220 quinquies du code général des impôts, et ne pouvait être utilisée que pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option pour le report en arrière des déficits a été exercée, ces restrictions n'étaient applicables que pendant le délai de cinq ans prévu par cet article ; que, par suite, cette créance, devenue remboursable, et qui était certaine, liquide et exigible, pouvait faire l'objet de l'avis à tiers détenteur décerné par le trésorier de Sotteville-les-Rouen au trésorier de Bihorel le 2 juin 1999, notifié le 23 juin 1999 à la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE, en vue d'assurer le recouvrement d'une partie des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant d'une demande de paiement du 22 février 1999, d'un commandement de payer du
16 mars 1999 et d'un avis à tiers détenteur du 2 juin 1999 notifié le 23 juin 1999 en vue du recouvrement d'une somme de 1 154 214 francs majorée de 10 % correspondant à des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989 et au remboursement de la somme de 1 269 635 francs (193 554,61 euros) assortie des intérêts moratoires ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SEGAFREDO ZANETTI FRANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme SEGAFREDO ZANETTI FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au trésorier-payeur général de la Seine-Maritime.
N°04DA00684 2