Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme X... , demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Bejin-Camus-Belot ; Mme demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0201073 en date du 28 septembre 2004 en tant que le Tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de restituer les acomptes versés dans les conditions fixées par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
Elle soutient :
- en premier lieu, que la procédure est irrégulière ; que, d'une part en effet, elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour se faire assister d'un avocat ; que l'avis d'examen de situation fiscale personnelle du 14 mai 1999 a été présenté le 18 mai 1999, date à laquelle les opérations de contrôle ont commencé comme cela résulte de la notification de redressement ; que l'administration n'apporte pas la preuve que ces opérations auraient débuté après cette date ; qu'il ressort, d'autre part, de la Charte du contribuable qu'un débat contradictoire doit avoir lieu entre le service et le contribuable avant tout recours à la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; qu'en l'espèce, si deux entretiens ont eu lieu avec le service, celui-ci n'a pas recherché à établir un débat contradictoire sur les relevés bancaires dont le vérificateur n'avait pas pris connaissance préalablement à ces entretiens ;
- en second lieu, que les impositions ne sont pas fondées dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de revenus d'origine indéterminée, son compte bancaire ayant été exclusivement utilisé pour la passation d'écritures afférentes à l'activité professionnelle de sa soeur qui avait fait l'objet d'une interdiction bancaire ; qu'elle ne dispose d'ailleurs d'aucun élément de patrimoine pouvant justifier de l'importance de tels revenus ; que son train de vie est particulièrement limité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 18 mars 2005, présenté pour Mme , concluant aux mêmes fins que la requête ; Mme soutient, en outre, qu'elle est aujourd'hui à même de produire les pièces justifiant de sa bonne foi ; que sa soeur, qui a fait l'objet d'une interdiction bancaire, a utilisé pour continuer à travailler le compte CCP de l'exposante ; que l'intéressée déposait les chèques de ses clients sur un compte ouvert dans une banque belge, dont elle retirait des espèces qu'elle déposait sur le compte de l'exposante ; qu'elle a également fait transiter ces fonds par le compte d'un tiers ; que les légers écarts s'expliquent par les dépenses quotidiennes de Mme Y ; qu'ainsi, l'exposante n'a pas été bénéficiaire des fonds déposés sur son compte ; qu'à compter du mois de février 1998, Mme Y ayant été levée de son interdiction bancaire, elle a ouvert un compte et n'a plus utilisé celui de sa soeur ; que dans le cadre de sa liquidation judiciaire, le compte CCP de l'exposante a été pris comme un élément à part entière lors de la détermination du passif et de l'actif de l'entreprise ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2005, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des impôts ; le ministre demande à la Cour :
1°) de prononcer un non lieu à statuer à concurrence du dégrèvement portant sur les surplus des majorations exclusives de bonne foi ;
2°) de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
Le ministre soutient :
- en premier lieu, que le reliquat des majorations de mauvaise foi est abandonné ;
- en deuxième lieu, que la procédure a été régulière ; que, d'une part en effet, nonobstant l'indication erronée figurant sur la notification de redressement, le contrôle doit être réputé avoir été effectivement engagé le 6 juillet 1999, date de la première rencontre avec le vérificateur, soit plus de deux jours après la présentation le 18 mai 1999 du pli contenant l'avis d'examen de la situation fiscale personnelle ; que, d'autre part, en considération, d'une part, de deux entretiens oraux avec le vérificateur, et d'autre part, de la poursuite de ce dialogue sous forme écrite, la requérante n'est pas fondée à soutenir avoir été privée de la possibilité d'engager un débat contradictoire préalablement à l'envoi des demandes de justifications ; qu'en ne retirant pas les envois en recommandé du service, elle n'a pas favorisé le développement d'un dialogue constructif ;
- enfin, que les impositions sont bien fondées ; que la charge de la preuve incombe à la requérante en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en l'absence de versement direct des chèques prétendument remis aux clients de Mme Y sur le compte de Mme , cette dernière ne saurait valablement soutenir que les espèces déposées sur ce compte, autres que celles prises en compte en première instance, constitueraient des recettes professionnelles de Mme Y ; qu'aucune stricte corrélation ne s'établit entre les dépôts en cause et les sommes prélevées sur le compte bancaire belge de Mme Y ; que les remises imputées à M. Z, faute d'être étayées par les relevés de comptes attestant des flux, doivent être écartées ; que dès lors, la requérante ne justifie pas de l'origine des dépôts d'espèces litigieux portés au crédit de son compte courant postal ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 28 décembre 2005, présenté pour Mme ; elle conclut aux mêmes fins que la requête et demande, à titre subsidiaire, que la Cour ordonne une expertise afin de déterminer l'origine des crédits bancaires figurant sur son compte chèque postal au titre des années vérifiées ; Mme soutient en outre :
- que les mentions portées sur la notification de redressement constituent une présomption qui entraîne le renversement de la charge de la preuve s'agissant de la date à laquelle le contrôle a débuté ; qu'aucun débat ne s'est tenu sur les relevés bancaires qui ont été remis le jour même des entretiens ; que d'ailleurs la demande de justification et la mise en demeure ne font aucune allusion à tel débat ;
- que s'agissant du bien-fondé des impositions, elle abandonne ses précédentes écritures ; qu'elle produit, à l'appui de chacune des écritures bancaires, reprises dans l'ordre chronologique, des documents établissant le caractère infondé des rehaussements, les sommes portées au crédit de son compte ne pouvant être qualifiées de revenus d'origine indéterminée ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2006, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; le ministre soutient, en outre, que lors de l'entretien du 6 juillet 1999, le vérificateur a procédé à l'analyse des comptes bancaires que la requérante lui présentait ; qu'au cours de l'entretien du 2 août 1999, d'autres copies de relevés de compte ont été examinées contradictoirement avec l'intéressée ; que les attestations produites sont postérieures à l'époque des faits allégués et dépourvues de date certaine ; qu'il n'est toujours pas possible d'établir une stricte corrélation entre les versements d'espèces et les sommes prélevées sur le compte bancaire belge de la soeur de la requérante ou sur le compte bancaire français de M. Z ; que les chèques remis aux clients de Mme Y n'ont pas été versés directement sur le compte CCP ; que le recours à un compte de tiers supplémentaire est curieux ; que les pièces sont entachées d'incohérences ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2006, présenté pour Mme , concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai en date du 31 mars 2005 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Y... Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal a prononcé la décharge des pénalités de mauvaise foi assignées à Mme ; que les dégrèvements dont fait état le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sont intervenus en exécution dudit jugement ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à demander à la Cour de prononcer un non lieu à statuer dans la mesure de ces dégrèvements ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : « Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte » ; qu'il résulte de ces dispositions que, sous réserve d'une demande de relevés de compte, l'administration ne peut effectuer aucune opération de contrôle sans avoir laissé au contribuable un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil ;
Considérant, qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que l'administration n'a effectué aucune opération de contrôle le 18 mai 1999, date à laquelle le pli contenant l'avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle a été présenté, au demeurant en vain, au domicile de Mme ; que, dès lors, la circonstance que la notification de redressement comporte la mention erronée que le contrôle aurait débuté le 18 mai 1999 est sans incidence sur la régularité de la procédure ; que, dans ces conditions, Mme n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, la « charte des droits et obligations du contribuable vérifié », rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du même livre ; que l'administration fait valoir en l'espèce que lors des entretiens des 6 juillet et 2 août 1999, le vérificateur a analysé et examiné avec Mme les relevés de compte, que celle-ci avait produits, qui retracent les crédits bancaires sur lesquels a porté la demande de justifications du 23 août 1999 ; que cette affirmation est corroborée par les mentions mêmes que la requérante a portées dans sa réponse du 3 novembre 1999, dans laquelle elle se réfère aux explications qu'elle avait apportées lors de son entrevue avec le vérificateur ; qu'il suit de là que Mme n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas bénéficié du dialogue contradictoire exigé par les dispositions susmentionnées avant que l'administration fasse usage de la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que selon les dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut taxer d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes de justifications prévues à l'article L. 16 ; qu'aux termes de l'article L. 193 du même livre : « Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition » ; qu'en application de cette disposition, Mme supporte la charge de la preuve du caractère mal fondé des impositions qu'elle conteste ;
Considérant que Mme soutient que sa soeur, Mme Y, qui a fait l'objet d'une interdiction bancaire et recourait de ce fait aux comptes bancaires de tiers pour les besoins de son activité professionnelle, a notamment utilisé son compte chèque postal à cette fin ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a admis qu'était justifiée l'origine des crédits pour lesquels, eu égard à leurs montants et à leurs dates d'encaissement, une corrélation pouvait être établie avec les ventes de devises effectuées par Mme Y ; que pour le surplus, les pièces que la requérante produit ne suffisent pas à établir que les sommes encore en litige portées au crédit de son compte chèque postal provenaient, comme elle le soutient, de l'activité professionnelle de sa soeur, faute notamment que les retraits opérés par Mme Y sur son compte bancaire en Belgique et les sommes remises à celle-ci par un tiers, dont elle aurait également utilisé le compte bancaire, correspondent aux montants des crédits litigieux ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme justifiant de l'origine non imposable des sommes taxées d'office en revenus d'origine indéterminée ;
Sur l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :
Considérant que l'Etat n'étant condamné à aucun dégrèvement d'impôt par le présent arrêt, les conclusions de la requérante tendant à ce que l'administration lui restitue les acomptes versés dans les conditions fixées par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre, de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°04DA01003