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03/05/2006 | FRANCE | N°04DA01025

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 03 mai 2006, 04DA01025


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL INGRAM MICRO FRANCE, dont le siège est Carrefour de l'Europe à Lesquin (59810), agissant en qualité de représentant fiscal en France de la société Ingram Micro Belgique en vertu de l'article 289 A du code général des impôts, par le cabinet CMS Bureau Francis X..., 1-3, villa Bergerat à Neuilly-sur-Seine (92522) auprès duquel elle élit domicile ; la SARL INGRAM MICRO FRANCE demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 01-5835 en date du 28 se

ptembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa d...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SARL INGRAM MICRO FRANCE, dont le siège est Carrefour de l'Europe à Lesquin (59810), agissant en qualité de représentant fiscal en France de la société Ingram Micro Belgique en vertu de l'article 289 A du code général des impôts, par le cabinet CMS Bureau Francis X..., 1-3, villa Bergerat à Neuilly-sur-Seine (92522) auprès duquel elle élit domicile ; la SARL INGRAM MICRO FRANCE demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 01-5835 en date du 28 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, à concurrence de la somme de 2 247 226 francs, des intérêts de retard et des pénalités dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 par avis de mise en recouvrement du 2 octobre 2000 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- en premier lieu, que l'intérêt de retard, dont le taux de 9 % ne permet pas de le faire regarder comme un simple loyer de l'argent, constitue, en tant qu'il est supérieur au taux de l'intérêt légal, une pénalité automatique, ne permettant pas au juge d'apprécier le comportement du redevable et est, par suite, contraire à l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ; que lorsque l'administration restitue à un contribuable un impôt non dû, le loyer de l'argent n'est alors que de 2,27 % ; que le Tribunal ne pouvait se référer aux taux pratiqués par les établissements de crédit en cas de découvert qui sont relatifs à des relations de droit privé ; que l'article 35 de la loi de finances pour 2004, qui modifie l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, étend les possibilités d'atténuation gracieuse aux sommes dues par un contribuable au titre de l'intérêt de retard, ce qui démontre que le législateur a conscience que l'intérêt de retard de 0,75 % par mois ne peut plus être appliqué car il constitue une pénalité ;

- en deuxième lieu, que les pénalités de 40 % ne sont pas fondées ; que, d'une part en effet, l'administration n'a pas apporté la preuve de la mauvaise foi du contribuable ; que l'importance des droits éludés et la permanence de l'infraction ne permettent pas d'établir l'intention délibérée de fraude ; qu'en faisant état de « négligences » et d'une participation « délibérée ou non » à un réseau frauduleux, sans établir la réalité de cette participation et de ce réseau, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe ; que le fait que la société n'ait pu produire l'exemplaire n°3 de la déclaration DAU ne constitue pas un élément permettant l'application de la pénalité ; qu'il en est de même pour certaines livraisons intracommunautaires de biens pour lesquelles la société a simplement utilisé par erreur le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée d'un opérateur autre que celui du client et pour lesquelles elle ne possèderait pas les documents permettant de justifier l'expédition des biens vendus hors de France ; que la majoration de 40 % ne peut être appliquée lorsqu'un contribuable n'est pas en mesure de produire certains documents ; qu'en tant que société belge, la société Ingram Micro Belgique ne connaît pas parfaitement la législation française ; qu'en outre, les opérations en cause ne représentent que quelques dizaines de factures ; que, d'autre part, la majoration de 40 % qui avait été appliquée à la société Ingram Micro France a été, suite à un rendez-vous du 21 décembre 1999 avec des représentants de l'administration fiscale, purement et simplement abandonnée par courrier du même jour alors qu'elle a été maintenue à l'encontre de la société Ingram Micro Belgique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2005, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des impôts ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;

Le ministre soutient :

- en premier lieu, que les conclusions relatives aux intérêts de retard ne sont pas recevables dès lors que les décisions administratives prises en matière gracieuse ne peuvent être contestées que par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que ces conclusions ne sont, en tout état de cause, pas fondées dès lors que l'intérêt de retard, qui ne revêt pas la qualification de sanction fiscale, ne saurait constituer une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'en outre, les intérêts de retard ne peuvent faire l'objet d'une limitation aux taux des intérêts moratoires ; que les champs d'application desdits intérêts sont différents ; que le Conseil d'Etat a estimé dans un avis du 12 avril 2002 que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de l'intérêt de retard, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;

- que les majorations de 40 % pour mauvaise foi ont été appliquées à bon droit ; que l'administration a en effet relevé un certain nombre d'éléments permettant de douter de la sortie effective des biens du territoire français alors que les ventes avaient été déclarées comme étant des livraisons intracommunautaires, des exportations ou encore des ventes en franchise de taxe ; que le caractère intentionnel des agissements de la société Ingram Micro est démontré par la circonstance que, quelle que soit l'opération, les commandes provenaient de sociétés françaises, qui étaient différentes de celles à qui étaient adressées les factures et que la société n'a pu produire de justificatif démontrant la réalité de la vente en suspension ou en exonération de taxe ; qu'en outre, les marchandises étaient payées soit en espèces, soit par des sociétés françaises différentes de celles mentionnées sur les factures ; que, dès lors, recevant des commandes de sociétés françaises, accusant réception de biens de transport à destination d'une adresse française, entretenant des relations avec un seul et même client, la société World computer, la société belge Ingram Micro ne pouvait pas ignorer que les marchandises vendues ne quittaient pas le territoire national ; qu'eu égard à l'absence de documents probants justifiant des ventes en suspension ou en exonération de taxe sur la valeur ajoutée et aux modalités pratiques des ventes litigieuses, l'administration a démontré l'intention délibérée de la société de minorer les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 avril 2005, présenté pour la SARL INGRAM MICRO FRANCE, concluant aux mêmes fins que sa requête ; elle soutient, en outre, que la documentation de base 13-N-1223 n°4, mise à jour le 14 juin 1996, prévoit que les infractions commises de mauvaise foi se caractérisent par l'absence ou l'impossibilité d'établir l'existence d'éléments matériels constitutifs des procédés frauduleux ; que la mauvaise foi se déduit de circonstances de fait qui conduisent à penser que le contribuable avait conscience qu'il méconnaissait ses obligations ; que le critère objectif n'est pas rempli en l'espèce, les opérations en cause ne représentant sur trois années que quelques dizaines de factures ; que l'administration n'a d'ailleurs pas répondu à l'argument tiré de l'abandon de la majoration notifiée à la société Ingram Micro France ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ; il soutient, en outre, que l'administration a établi l'intention délibérée de la société de minorer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société en peut utilement se prévaloir de l'abandon de la majoration de 40 % initialement appliquée aux rappels qui lui ont été notifiés à la société Ingram Micro France, dès lors que cette décision d'abandon ne comporte aucune appréciation sur la situation de fait afférente aux opérations litigieuses ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre 2005, présenté pour la SARL INGRAM MICRO FRANCE, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ; elle soutient, en outre, qu'elle n'a jamais minoré intentionnellement ses déclarations de chiffre d'affaires ; que l'application de la majoration à la société Ingram Micro France reposait sur les mêmes griefs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Y... Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Sur les intérêts de retard :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 francs. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. » ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions, qui s'applique indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, vise essentiellement à réparer les préjudices de toutes natures subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié et alors même qu'il est supérieur au taux de l'intérêt légal ; que, par suite, il ne constitue pas une « accusation en matière pénale » au sens de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la possibilité offerte à l'administration par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003, de procéder à des remises à titre gracieux d'intérêts de retard est sans influence sur la qualification de l'intérêt de retard au regard des stipulations conventionnelles invoquées ; qu'il suit de là que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention précitée pour contester le montant des intérêts de retard qui lui ont été réclamés en application de l'article 1727 du code général des impôts ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…) » ;

Considérant, en premier lieu, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, ont été mis à la charge de la société requérante agissant en tant que représentant fiscal en France de la société de droit belge Ingram Micro BV aux motifs, non contestés par l'intéressée, qu'elle avait indûment effectué des ventes en suspension ou en exonération de taxe, la réalité des exportations ou des livraisons intracommunautaire déclarées n'ayant pas été justifiée ; qu'en faisant valoir, d'une part, que pour l'ensemble de ces opérations, la société n'a pu fournir, en méconnaissance des textes applicables, aucun document justifiant des ventes en suspension ou en exonération de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, que les modalités pratiques des ventes litigieuses, eu égard à l'origine des commandes, provenant de sociétés françaises, aux adresses de livraison des biens, ou encore aux destinataires mentionnés sur les bons de livraisons, révèlent que la société ne pouvait ignorer que les marchandises vendues ne quittaient pas en réalité le territoire français mais étaient destinées à un résident français, l'administration, qui ne s'est pas fondée seulement sur l'importance des droits éludés, établit, quel qu'ait été le nombre de factures en cause, l'absence de bonne foi de la société ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et en particulier de la référence faite à un rehaussement d'impositions, que le droit qu'elles reconnaissent au contribuable, de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition ; que, dès lors, à supposer qu'en faisant état des termes de la documentation administrative de base 13-N-1123, N°4, la requérante ait entendu s'en prévaloir, ce moyen ne pourrait qu'être rejeté ;

Considérant, enfin, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir d'une décision par laquelle l'administration a abandonné les pénalités de mauvaise foi au bénéfice d'un autre contribuable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL INGRAM MICRO FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

Considérant que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que les conclusions de la société requérante tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL INGRAM MICRO FRANCE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions tendant à cette fin doivent, par suite, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL INGRAM MICRO FRANCE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL INGRAM MICRO FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur des vérifications nationales et internationales.

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N°04DA01025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 04DA01025
Date de la décision : 03/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : C M S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-03;04da01025 ?
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