Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2004, présentée pour la société FOURRE et RHODES dont le siège est zone industrielle de Douai-Dorignies, 350 rue Pilâtre de Rozier à Douai Cedex (59351), par Me Sanders ; la société FOURRE et RHODES demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 9701282-9704006, en date du 28 septembre 2004, par lequel le Tribunal administratif de Lille n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de la région de Saint-Omer à lui verser les sommes qu'elle estime lui être dues en règlement du marché de construction d'un ensemble médico-chirurgical de 333 lits ;
2°) de réformer le jugement rendu en toutes ses dispositions ;
3°) en conséquence, de condamner le centre hospitalier de la région de Saint-Omer à lui payer la somme de 3 950 282 euros hors taxes, somme à laquelle il convient d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée, soit le montant de 4 729 790,58 euros toutes taxes comprises, somme majorée des intérêts moratoires au taux contractuel, décomptés à partir du 16 février 1997 et des intérêts des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la région de Saint-Omer la somme de
30 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier de la région de Saint-Omer devant les premiers juges, l'origine de la procédure contentieuse ne se situe pas au stade du projet de décompte final (article 13.3 du cahier des clauses administratives générales) qu'elle a présenté mais à celui de l'établissement du décompte général (article 13.4 du cahier des clauses administratives générales) établi par le maître d'oeuvre et signé par la personne responsable du marché dans le cadre duquel ont été calculées les pénalités ; que ce décompte a fait l'objet de réserves motivées de sa part, dans les délais impartis par le cahier des clauses administratives générales ; que la Cour ne pourra également retenir le moyen tiré de ce que la demande serait irrecevable au regard de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales ; que le maître d'ouvrage n'a évoqué cette prétendue forclusion que près de cinq ans après le début de la procédure contentieuse ; que la procédure de contestation du décompte a été scrupuleusement respectée ; que l'étendue de sa demande initiale devant le Tribunal administratif de Lille correspond au montant de sa contestation préalable ; que le sens du jugement du Tribunal devra être confirmé sur ces points ; que l'expertise ayant été reprise par M. X en 2000, à la suite du décès de M. Y, ce nouvel expert n'a que très partiellement répondu à la mission qui avait été confiée par l'ordonnance initiale du 19 juin 1997 ; que les neuf fiches préparées par M. Y pour conduire ses opérations d'expertise ne constituaient qu'un préalable et ne permettaient pas de prendre position sur chacun des postes de la réclamation objet du litige ; que ces fiches ne concernant que les postes A, C et D du tableau récapitulatif qu'elle avait établi, soit un montant de 3 711 407 francs hors taxes valeur juin 1996, sur un montant total d'une réclamation chiffrée à 26 508 099 francs ; qu'à propos des fiches
n° 1 à 9 préparées par M. Y, M. X n'a pas abordé la question de la révision des prix ; qu'il aboutit ainsi à un montant de 1 748 625 francs hors taxes sur un montant de
3 205 530 francs hors taxes correspondant à la demande ; qu'en ce qui concerne le gardiennage, elle n'a accepté qu'une retenue d'un mois équivalent à 34 000 francs et non pas de 187 000 francs comme indiqué par l'expert ; que l'avis de l'expert concernant la retenue de 29 037,30 francs relative au chemin de câbles ne peut être accepté dès lors que la prestation a été régulièrement effectuée ; que si elle conteste les chiffres retenus par l'expert au titre du gardiennage et des chemins de câbles, elle se range à son avis pour les cinq autres chapitres ; que la retenue maximale qui pourrait lui être donc appliquée est de 181 125 francs et la somme qui doit lui être restituée est alors de 792 452 francs hors taxes (base marché) ; qu'en ce qui concerne le poste des travaux supplémentaires non régularisés, si elle regrette que l'expert ait trop souvent adopté les chiffres avancés par l'économiste de la maîtrise d'oeuvre, elle limitera ses observations à deux devis sur les 26 analysés ; que le branchement provisoire des fosses de relevage n'était pas nécessaire au bon fonctionnement du chantier ; qu'elle maintient, par suite, sa demande de 44 082 francs à propos de l'alimentation électrique de ces fosses ; que le soutènement lourd d'un muret renforçant un talus naturel représentait bien un ouvrage supplémentaire par rapport aux obligations contractuelles qu'elle avait parfaitement exécutées et devait, par suite, être rémunéré ; que, par suite, elle maintient sa demande d'un montant de 683 541 francs ; qu'en ce qui concerne l'analyse des devis de travaux supplémentaires, l'expert est parvenu à un montant accepté de 1 138 210 francs hors taxes (valeur base marché) ; qu'elle sollicite la rectification de ce montant à hauteur d'un montant total de
1 865 833 francs auquel il convient d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'expert n'a pas éprouvé le besoin de se prononcer sur la révision des prix, ce qui semble logique dès lors que la maîtrise d'oeuvre avait admis en cours d'expertise que le montant de cette révision devait être ajusté en fonction du montant finalement déterminé au titre des retenues et des devis de travaux supplémentaires ; que le total de la révision des prix obtenu de manière purement arithmétique est alors de 236 587 francs ; que l'expert n'a pas traité des problèmes de délais alors qu'ils relevaient de sa mission et qu'ils ont été abordés dans différents dires des parties ; qu'en ce qui concerne les pénalités de retard, elle est fondée à en demander le remboursement dès lors qu'ils ne lui sont pas imputables mais dépendent des travaux supplémentaires qui lui ont été commandés, des intempéries, de l'attente de certains choix du maître d'oeuvre à l'approbation des documents pour BPE et de la mise à disposition des locaux et des modifications du phasage ; que, parmi toutes ces causes des retards, l'expert s'est borné à étudier celle relative aux devis des travaux supplémentaires mais en s'abstenant d'analyser l'incidence de ces derniers sur le plan des délais ; que les causes des délais sont partiellement contestées et leurs conséquences minimisées par le centre hospitalier de la région de Saint-Omer ; que les pénalités appliquées sont de soixante jours ; qu'au titre des travaux supplémentaires, elle considère que l'allongement de délai justifié est de 75 jours calendaires et non de 33 tels qu'accordés par l'ordre de service n° 37 qu'elle conteste dès lors que, pour la 3ème tranche, l'allongement du délai dû au décaissé du couloir médical et aux escaliers est concomitant ; que le litige, à ce titre, porte sur 42 jours ; qu'au seul titre des intempéries, elle devrait se voir octroyer une prolongation de délai de 42 jours ouvrés par application du 2ème alinéa de l'article 19.22 du cahier des clauses administratives générales ; que si toutes les prolongations de délai intervenues sont établies hors intempéries, et si aucun décompte des journées d'intempéries, au sens du 1er alinéa de l'article 19.22 précité, n'a été entériné par la personne responsable du marché, il apparaît évident que le délai octroyé à la réalisation du chantier qui s'est déroulé sur près de trois ans, et alors qu'elle s'est trouvé confrontée aux conditions climatiques de trois hivers complets, doit être raisonnablement prolongé pour tenir compte des intempéries ; qu'en ce qui concerne l'attente liée au choix et à l'approbation des documents, elle renvoie ses éléments à deux documents qui exposent sa position ; qu'en ce qui concerne la mise à disposition des locaux et les modifications du phasage, c'est à tort que le centre hospitalier de la région de Saint-Omer considère que l'avenant n° 3 comporte une prolongation de délai à ce titre ; que s'il a évoqué des contraintes de phasage dans son ordre de service n° 37, elle a signé cet ordre avec des réserves ; que le centre hospitalier de la région de Saint-Omer n'ignorait pas que les contraintes de phasage et la mise à disposition tardive des locaux ouvraient droit à prolongation de délai ; que le tableau qu'elle a fourni montre l'incidence, sur les délais de la tranche 3, des dates de mise à disposition des locaux ; que le bilan calendaire des causes de retard met en évidence qu'elle est en droit de prétendre à une prolongation de délai qui conduirait à une date de réception plus tardive que celle retenue ; que les pénalités doivent donc lui être restituées en totalité ; qu'elle doit être également indemnisée au titre des immobilisations supportées et de l'effort d'accélération consenti qui a permis de réduire les décalages ; qu'elle demande la restitution des montants abusivement déduits du décompte général ; que l'expert a, à tort, considéré que sa mission se limitait à examiner les retenues opérées par le maître d'ouvrage pour la durée du gardiennage, l'installation du chantier, la signalisation, les fiches de synthèse, des travaux concernant un plafond et des chemins de câbles, la consommation d'électricité fournie par l'hôpital ainsi qu'un certain nombre de devis de travaux supplémentaires, non pris en compte par le maître d'ouvrage ; qu'il a laissé de côté le problème des délais et pénalités ainsi qu'il a été précisé ; que l'expert n'a pas accompli intégralement et correctement sa mission ; que la demande de règlement supplémentaire porte sur un montant de 16 288 555 francs, soit 2 483 174,20 euros (valeur base marché) ; que s'y ajoutent la révision de prix, les frais financiers calculés jusqu'en juin 1996 et les intérêts moratoires pour retard de mandatement des situations présentées ; que l'expert a omis de se prononcer sur les éléments de cette demande qui faisait partie de sa mission alors même qu'elle constitue la partie la plus importante de la réclamation ; que la demande de règlement supplémentaire a également été évoquée dans le cadre du décompte général puis en réponse à un dire des architectes ; qu'elle s'en rapporte à ses précédentes écritures qui n'ont jamais été véritablement contredites au fond ; qu'elle maintient intégralement ses principaux chefs de demande ; qu'il s'agit, en premier lieu, des plans d'exécution des ouvrages exécutés au-delà des 50 % prévus au cahier des clauses administratives particulières qui, contrairement à ce que soutient la maîtrise d'oeuvre, lui sont impartis ; que les escaliers existants n'ayant pu être conservés comme il était prévu initialement, les prestations exécutées en plus ont été utiles au maître d'ouvrage et devaient être rémunérées ; qu'en ce qui concerne le décaissé du couloir médical, il s'agit d'une modification du projet destinée à adapter l'interface des deux bâtiments neuf et ancien ; que ce décaissé n'ayant pas été prévu initialement mais étant indispensable, la rémunération de ces travaux supplémentaires lui est due ; qu'en cours de travaux, le maître d'ouvrage a décidé de procéder à une modification de programme de l'opération qui s'est traduite par l'avenant n° 2 et pour laquelle la maîtrise d'oeuvre a été rémunérée ; que ceci a conduit à de nombreuses études de prix et devis, à des modifications des plans d'exécution ainsi qu'à la reprise générale des plans de synthèse élaborés à cette date ; que les dépenses correspondantes, engagées avant la signature de l'avenant n° 2 de ce fait, ont été présentées au maître d'ouvrage qui ne les a pas traitées dans l'avenant ; que la réalité des dépenses et leur quantum n'ont jamais été contestés ; qu'elle a droit à leur paiement ; qu'il existe des travaux divers non prévus qui ont été utiles au maître d'ouvrage et qui n'ont pas été rémunérés par celui-ci ; que les frais d'immobilisation dont elle demande le remboursement résultent de l'évolution des délais d'exécution décrits plus haut ; que le chiffrage de ces frais, qui n'a pas été contesté, correspond à l'allongement de délai constaté au-delà des dates imparties aux termes des différents avenants signés ; qu'elle demande également le paiement des moyens supplémentaires demandés par le maître d'ouvrage qu'elle a mis en oeuvre de façon à permettre la réduction des retards ; que ce renforcement des moyens a permis de livrer l'ouvrage aux dates prévues ; que la demande présentée par les sous-traitants n'a jamais été sérieusement analysée ni contestée sur le fond ; qu'il en va de même de la demande relative aux frais généraux ; qu'elle correspond à l'incidence du report dans le temps du chiffre d'affaires ; que la révision de prix et des frais financiers est une conséquence purement arithmétique des postes précédemment évoqués et ne sont pas discutables en eux-mêmes ; qu'au total, elle maintient donc au titre de la demande de règlement supplémentaire, le montant de 20 318 202 francs, soit
3 097 489,93 euros (valeur base 1996) à parfaire ; qu'il sera rappelé que le centre hospitalier de la région de Saint-Omer avait appelé en garantie la maîtrise d'oeuvre ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'avis de mise en demeure en date du 26 septembre 2005 adressé au centre hospitalier de la région de Saint-Omer en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception postale de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance en date du 22 décembre 2005 portant clôture de l'instruction au
31 janvier 2006 à 16 heures 30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré postérieurement à la clôture d'instruction par télécopie le 28 mars 2006 et son original reçu le 30 mars 2006, présenté pour le centre hospitalier de la région de Saint-Omer, par Me d'Oria, membre de la SCP Uhry et d'Oria, qui conclut au rejet de la demande et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 30 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ; il sollicite un report de l'affaire et soutient que la demande était prescrite ou irrecevable en application de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales devant le tribunal administratif dès lors qu'elle y a été enregistrée plus de six mois après la réception par l'entrepreneur de la décision du maître d'ouvrage de ne pas accepter sa réclamation ; qu'elle était également partiellement irrecevable dans la mesure où elle soumettait à la juridiction une demande supérieure au montant de sa réclamation initiale ; que la société est ensuite mal fondée à critiquer le rapport d'expertise ; qu'elle ne demande pas en outre une nouvelle mesure d'expertise ; que son argumentaire ne repose sur aucune preuve ni commencement de preuve tant en ce qui concerne les fiches utilisées par l'expert, que la question des délais et dates d'exécution ou encore la demande de règlement supplémentaire ; qu'en tout état de cause, le montant retenu par l'expert au bénéfice de la société constitue un maximum auquel la Cour devra se maintenir pour prononcer une éventuelle condamnation du centre hospitalier ;
Vu la lettre en date du 29 mars 2006 par laquelle la société FOURRE et RHODES souligne que le mémoire du centre hospitalier a été déposé après la clôture d'instruction et sollicite un maintien de l'affaire au rôle de l'audience ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- les observations de Me Verley pour la société FOURRE et RHODES et de Me d'Oria pour le centre hospitalier de la région de Saint-Omer,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un marché à prix global forfaitaire, en date du 3 mars 1993, notifié le
4 mars suivant, le centre hospitalier de la région de Saint-Omer a confié à la société FOURRE et RHODES, choisie en qualité d'entreprise générale, la construction d'un ensemble médico-chirurgical de trois cent trente-trois lits dont les travaux, en partie sous-traités, ayant été répartis en trois tranches, ont été intégralement exécutés sous la maîtrise d'oeuvre à la fois du cabinet AART international et de M. Luc Z, la société BET Inter G (Ingerop) étant le bureau d'études techniques et le cabinet Tecmo, l'économiste de la construction ; que les travaux ayant été achevés et réceptionnés, la société FOURRE et RHODES a contesté le décompte général établi par la maîtrise d'oeuvre ; qu'elle relève appel du jugement, rendu le 28 septembre 2004, à la suite du dépôt, le
28 février 2002, de son rapport par l'expert judiciaire M. X, en tant que le Tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à sa demande de règlement du marché ;
Considérant que la société FOURRE et RHODES remet en cause les retenues qui ont été pratiquées, demande la prise en compte de travaux supplémentaires non régularisés, estime que c'est à tort que des pénalités pour des dépassements de délais lui ont été infligées, soutient que le décompte général ne prend pas en compte des demandes de règlements supplémentaires justifiés et réclame, enfin, la mise en oeuvre des stipulations relatives à la révision des prix sur les montants corrigés ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable au marché passé entre le centre hospitalier de la région de Saint-Omer et la société FOURRE et RHODES : « (…) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation (…). Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (…) » ; qu'aux termes du 22 de l'article 50 : « Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage » ; qu'aux termes du 23 du même article : « La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage.
/ Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après » ; qu'aux termes du 31 : « Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent (…) » ; qu'aux termes du 32 : « Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. / Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société FOURRE et RHODES a adressé, en septembre 1996, un mémoire en réclamation à l'occasion d'un différend survenu à propos du décompte général qui lui avait été notifié par ordre de service n° 36 le 5 septembre 1996 et en a confirmé les termes, par la lettre du 19 mars 1997 qu'elle a adressée à la suite de la notification, le même jour, d'un nouveau décompte général par ordre de service n° 38 qui avait été établi le
6 février 1996 et qui se substituait au précédent ; que, par suite, le délai de six mois prévu par l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales précité n'était pas expiré lorsque la société FOURRE et RHODES a saisi, le 25 avril 1997, le Tribunal administratif de Lille d'une demande indemnitaire dont le montant n'excédait pas celui de sa réclamation et qui portait sur le règlement financier du marché en cause ;
Sur les condamnations prononcées par les premiers juges :
En ce qui concerne les retenues :
Considérant qu'en appel, la société FOURRE et RHODES soutient que c'est à tort que les premiers juges ont repris les montants de retenues évalués par l'expert en ce qui concerne, d'une part, son manquement à l'obligation contractuelle de gardiennage et, d'autre part, un prétendu défaut d'exécution de la prestation concernant le chemin des câbles ;
Considérant que si, en ce qui concerne le gardiennage, la société fait valoir qu'elle a parfaitement exécuté son obligation contractuelle au cours de la période comprise entre le
24 avril 1995 et le 31 mars 1996, à l'exception d'un mois en mars 1995, il résulte du rapport de l'expert que ce dernier, après avoir remis en cause la période de dix-huit mois de carence retenue par la maîtrise d'oeuvre lors de l'établissement du décompte général, a estimé que l'entreprise générale avait omis d'assurer son gardiennage contractuel au cours d'une période de deux mois en 1994 et de trois mois en 1996 ; que la société FOURRE et RHODES n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la pertinence de cette analyse ; que, par suite, en se bornant à limiter à un mois, en mars 1995, la période correspondant, selon elle, à son manquement, la société ne met pas la Cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de sa demande sur ce point ; qu'il y a lieu, par suite, de réduire, conformément à la préconisation de l'expert, de 612 000 francs hors taxes à 187 000 francs hors taxes, la retenue susceptible d'être pratiquée de ce chef ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société FOURRE et RHODES a été mise en demeure, par un courrier du 20 septembre 1995 de la maîtrise d'oeuvre, de respecter un maximum de cinq câbles par chemin de câbles et d'apporter les modifications nécessaires aux travaux jusque-là exécutés sous peine d'une réfaction en application de l'article 41.7 du cahier des clauses administratives générales ; que, cette exigence a été rappelée au cours de réunions de chantiers consécutives tel que cela figure dans les compte rendus de chantiers n° 110 à 112 ; que, toutefois, cette demande doit être regardée comme ayant été totalement satisfaite à compter du 17 octobre 1995, faute, d'une part, de nouvelle mention à partir du compte rendu de chantiers n° 113 et, d'autre part, de réserves sur ce point lors de la réception des travaux ; que, dès lors, la société FOURRE et RHODES est fondée à soutenir que c'est à tort que l'expert et le tribunal administratif se sont bornés à constater que la société n'avait jamais contesté les termes du courrier du
20 septembre 1995 pour rejeter cette partie de sa réclamation ; que, par suite, il y a lieu de supprimer la retenue de 29 037,30 francs prévue au décompte général pour ce prétendu manquement ;
Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit et du montant des retenues dont le bien-fondé n'est plus contesté, le poste des retenues figurant au décompte général évalué à
963 917 francs hors taxes doit être limité à la somme de 333 124,70 francs hors taxes ;
En ce qui concerne les travaux non régularisés :
Considérant que, si, sur la base de vingt-six devis, la société FOURRE et RHODES sollicitait, dans sa réclamation initiale, la prise en compte de la somme de 2 798 722,50 francs au titre de travaux divers non régularisés par avenants, l'expert a admis le bien-fondé de cette demande à hauteur de 1 138 210 francs hors taxes, somme reprise par les premiers juges ; qu'en appel, la société maintient sa demande en ce qui concerne la prise en compte de deux devis correspondant, pour l'un, à l'alimentation électrique des fosses de relevage (poste 8.2) et, pour l'autre, aux travaux relatifs à un mur de soutènement (poste 8.5) ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, qui se borne sur ce point à de simples allégations, que les travaux prévus pour permettre l'alimentation électrique des fosses de relevage, d'un montant de 44 082 francs, entraient dans les obligations dues par la société au titre du fonctionnement du chantier mais correspondaient, ainsi que la société le fait valoir, aux besoins de fonctionnement de la cuisine dont le centre hospitalier avait d'ores et déjà pris possession et qu'il utilisait de manière anticipée ; qu'ainsi, ces travaux étant étrangers à la réalisation de l'ouvrage, la société FOURRE et RHODES n'est pas fondée à demander leur prise en compte dans le décompte général du marché ;
Considérant, en second lieu, que les travaux du mur de soutènement d'un talus formé des remblais, réalisés par la société FOURRE et RHODES à la suite d'un glissement des remblais, bien que supprimés des prestations figurant au marché initial, étaient destinés à assurer la solidité du talus ; que si l'expert a retenu que la société avait suggéré, avant signature de l'acte contractuel, la suppression de cette prestation, ce qui a entraîné corrélativement une diminution du montant du marché dû par le maître d'ouvrage, il résulte de l'instruction que c'était à la condition que le talus soit rapidement végétalisé ; qu'il est constant que les opérations de végétalisation, qui ne relevaient pas des obligations de la société FOURRE et RHODES, n'ayant pas été exécutées ou l'ayant été tardivement, la stabilité du talus a été, en tout état de cause, compromise ; qu'à supposer même que la société FOURRE et RHODES n'ait pas édifié en pied de talus un muret qu'elle se serait engagée à réaliser, il n'apparaît pas que cette seule circonstance ait suffit à causer le glissement de terrain ; que, dès lors, les travaux imprévus du mur de soutènement qui ont été acceptés et qui étaient devenus indispensables pour une exécution dans les règles de l'art, ne résultent pas de la faute de la société FOURRE et RHODES ; qu'elle a droit, par suite, à ce que le solde du marché tienne compte du montant des travaux qu'elle a entrepris, et qui sont chiffrés à la somme non contestée de
683 541,08 francs ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ajouter à la somme de
1 138 210 francs hors taxes déjà admise par l'expert et par le tribunal administratif au titre des travaux supplémentaires non régularisés, le montant de 683 541 francs hors taxes correspondant à la dernière des deux prestations analysées ci-dessus, soit la somme totale pour ce chef de réclamation de 1 821 751 francs hors taxes ;
Sur les insuffisances de l'expertise en ce qui concerne les autres postes de la réclamation :
Considérant que la société FOURRE et RHODES reproche à l'expert de n'avoir pas accompli sa mission concernant les trois derniers chefs que contenait sa réclamation ; qu'il est constant que la mission de l'expert définie par l'ordonnance en référé en date du 19 juin 1997 lui imposait de « fournir au Tribunal tous les éléments lui permettant de statuer sur chacun des chefs de la demande repris dans le mémoire en réclamation et de faire les comptes entre les parties » ; que la réclamation adressée par la société FOURRE et RHODES comprenait quatre chapitres intitulés
« I) Récapitulation établie par le maître d'oeuvre ; II) Délais et pénalités ; III) La demande de règlement supplémentaire présentée par l'entreprise ; IV) Révisions des prix définitives (sic) » ; que l'expert n'a répondu à l'intégralité de sa mission qu'en ce qui concerne le premier chapitre et notamment les paragraphes relatifs aux travaux non exécutés et aux travaux supplémentaires ; que s'il a abordé, page 38 de son rapport, le chapitre relatif aux « délais et pénalités », il a estimé qu'il ne pouvait « pas répondre sur ce point, les parties ne (lui ayant) pas donné d'éléments clairs à ce sujet » ; qu'il résulte cependant de l'instruction qu'il disposait de la réclamation détaillée de l'entreprise et des pièces jointes à l'appui de ses prétentions ainsi que des dires motivés des parties présentés dès 1998 ; qu'il n'apparaît pas, au surplus, qu'il aurait adressé aux parties des demandes de pièces indispensables à la conduite de ses opérations ; qu'en outre, il s'est totalement abstenu d'analyser et de formuler un avis sur les chefs relatifs à la demande dite de « règlement supplémentaire » qui constituait pourtant la partie la plus importante de la réclamation de la société FOURRE et RHODES ainsi que sur l'application des clauses de révisions de prix ; qu'il suit de là que l'expert n'a donc pas, par les opérations qu'il a conduites en ce qui concerne les derniers chefs de la réclamation mentionnée ci-dessus, fourni au juge administratif les éléments lui permettant d'arrêter le compte entre les parties ; que l'état de l'instruction ne permet pas à la Cour de pallier cette carence de l'homme de l'art ;
Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner un complément d'expertise destiné à achever la mission qui avait été confiée initialement par l'ordonnance précitée du juge des référés du Tribunal administratif de Lille ; que, pour se prononcer sur la demande de révisions des prix, l'expert qui sera désigné par le président de la Cour devra nécessairement tenir compte de ce qui a été jugé par le présent arrêt avant-dire droit en ce qui concerne les premiers chefs de réclamation ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 9701282-9704006 du Tribunal administratif de Lille, en date du 28 septembre 2004, est réformé en ce qu'il a de contraire aux motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la société FOURRE et RHODES tendant à la condamnation du centre hospitalier de la région de Saint-Omer à lui verser la somme qu'elle estime lui être due en règlement du marché de construction de l'ensemble médico-chirurgical de trois cent trente-trois lits, procédé par un expert désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai à une expertise en vue :
1°) de prendre connaissance du mémoire de réclamation par lequel la société FOURRE et RHODES a contesté certains des éléments du décompte général qui lui a été notifié en mars 1997 ainsi que, notamment, des pièces du marché, du rapport et des pièces afférentes à la première expertise mentionnée dans le présent arrêt ;
2°) de se faire communiquer toutes les pièces nécessaires à la conduite des opérations d'expertise ;
3°) de fournir à la Cour tous éléments lui permettant de statuer sur les trois derniers chefs de réclamation relatifs, d'une part, au respect des délais contractuels et aux pénalités de retards, d'autre part, à la demande dite de règlement supplémentaire concernant huit postes de travaux et, enfin, à l'application de la révision des prix telle que prévue par les stipulations contractuelles ;
4°) d'établir, sur la base, d'une part, des éléments du décompte général non contestés, d'autre part, de ce qui est jugé dans le présent arrêt sur les deux premiers chefs de réclamation et, enfin, de ce qui résultera de la présente expertise, un projet de compte entre les parties ;
5°) s'il y a lieu, de faire toutes autres constatations nécessaires et annexer à son rapport tous documents utiles ;
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société FOURRE et RHODES, au centre hospitalier de la région de Saint-Omer et au ministre de la santé et des solidarités.
Copie sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
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N°04DA00987