Vu le recours, enregistré le 15 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE qui demande à la Cour :
11) d'annuler l'ordonnance n° 0506106 en date du 10 février 2006 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Yorick X et sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, annulé la décision, en date du
16 septembre 2005, par laquelle il a retiré trois points au permis de conduire de l'intéressé et l'a informé de la perte de validité de son permis et, par voie de conséquence, lui a enjoint de restituer douze points au permis de conduire de M. X dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 150 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. X ;
Il soutient que la requête de demande d'annulation de la décision ministérielle ne relève pas d'une série au sens du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que l'ordonnance est ainsi entachée d'une erreur de droit ; qu'il s'agit d'un contentieux où la production de pièces probantes est déterminante dans l'appréciation portée par le juge ; que la décision à rendre suppose nécessairement une nouvelle appréciation ou qualification des faits ; que le Tribunal a d'ailleurs jugé nécessaire de communiquer la requête à l'administration avec un délai pour produire ses observations ; que s'il s'agissait d'une série, cette formalité ne serait pas nécessaire et le juge pourrait statuer en dispensant la requête d'instruction ; qu'enfin, l'absence de démenti quant à la communication de l'information prescrite par l'article L. 223-3 du code de la route lors de la constitution des infractions, telle que mentionnée dans le premier considérant de l'ordonnance attaquée, n'emporte pas de conséquences sur la légalité de ces décisions ; que, sur le fond,
M. X alléguait n'avoir pas reçu l'information préalable prévue par les articles L. 223-1,
L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route lors des retraits de points opérés sur son permis de conduire alors qu'une information régulière aurait pu lui permettre d'effectuer des stages de sensibilisation prévus par les textes ; qu'en l'espèce, les décisions ministérielles successives ont été portées systématiquement à sa connaissance par envoi d'une lettre simple modèle n° 48, expédiées à son adresse ; que si ces lettres ne sont pas parvenues, la notification globale opérée par lettre recommandée modèle n° 48 S, en l'espèce datée du 16 septembre 2005, a rendu ces décisions opposables à l'intéressé ; que les infractions commises les 1er juin 2003, 10 juin 2003, 20 janvier 2004 et 12 décembre 2004 ont fait l'objet de procès-verbaux de contravention mentionnant la perte de points ; qu'en tout état de cause, la preuve de l'accomplissement de la formalité exigée par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route a été rapportée par l'administration ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu l'ordonnance en date du 29 mars 2006 portant clôture de l'instruction au 30 juin 2006 ;
Vu l'ordonnance en date du 18 juillet 2006 portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 août 2006, présenté pour M. X, demeurant
..., par Me Biernacki, avocat, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X fait valoir que, contrairement à ce que soutient le ministre, c'est à bon droit que le vice-président du Tribunal administratif de Lille a utilisé la procédure du 6ème alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'il pouvait contester la légalité de chaque retrait de points ; que sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle était parfaitement fondée, notamment le moyen tiré du défaut d'information préalable prévu aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que les prétendues informations, dont tente de se prévaloir le ministre, sont incomplètes et non conformes aux dispositions législatives et réglementaires et à la jurisprudence constante du Conseil d'Etat ; que c'est donc à bon droit que le vice-président du Tribunal administratif de Lille a décidé que son permis de conduire n'avait pas perdu sa validité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route et notamment les articles L. 223-1 et R. 223-1 et suivants ;
Vu l'arrêté du 5 octobre 1999 relatif aux formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions soumises à la procédure de l'amende forfaitaire ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Alain Stéphan, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur,
- les observations de Me Biernacki pour M. X,
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE relève appel de l'ordonnance, en date du 10 février 2006, par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Lille a, sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, annulé sa décision, en date du 16 septembre 2005, procédant, d'une part, au retrait de trois points du permis de conduire de M. X à la suite de l'infraction commise le
12 décembre 2004, et constatant, d'autre part, que, compte tenu des retraits opérés antérieurement consécutivement à des infractions commises les 1er juin 2003, 10 juin 2003 et 20 janvier 2004, le permis avait perdu sa validité ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant que, pour procéder à l'annulation des décisions de retrait de points, le premier juge a constaté, d'une part, un défaut d'information du contrevenant lors de la constatation de l'infraction pour chacune des quatre infractions commises et, d'autre part, sauf pour la dernière infraction du 12 décembre 2004, une absence de notification des décisions ministérielles successives ;
Sur la légalité des décisions ministérielles de retrait de trois points correspondant aux infractions commises les 1er juin 2003, 10 juin 2003 et 20 janvier 2004 :
Considérant qu'il résulte des dispositions du code de la route relatives au permis à points que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 11-3 et R. 258 devenus les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ; que les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, selon lesquelles les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire, ne trouvent à s'appliquer qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; qu'elles ne s'appliquent pas à la mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles précités du code de la route ;
En ce qui concerne les infractions commises les 1er juin 2003 et 10 juin 2003 :
Considérant que les procès-verbaux de contravention produits par l'administration mentionnent non seulement que M. X est susceptible de perdre trois points de son permis de conduire mais également que : « Le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » ; que les mentions figurant sur le volet « avis de contravention », remis au contrevenant, établi sur imprimé CERFA conformément aux dispositions des articles A. 37 et suivants du code de procédure pénale dans leur rédaction applicable issue de l'arrêté du 5 octobre 1999 susvisé, répondent aux exigences d'information prévues par les dispositions précitées du code de la route ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que l'intéressé a reçu communication desdites informations lors de la constatation des infractions précitées ;
En ce qui concerne l'infraction commise le 20 janvier 2004 :
Considérant que le ministre produit en appel le procès-verbal établi le jour de l'infraction commise le 20 janvier 2004 par M. X qui porte les mentions : « le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » et « refuse de signer » et indique le nombre de points susceptible d'être retiré ; que, nonobstant ce refus, l'intéressé doit être regardé comme ayant pris au préalable connaissance du contenu du document et notamment de la mention précitée qu'il n'a alors pas contestée, relative à la remise d'un avis répondant aux exigences d'informations prescrites par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;
Considérant que le défaut de notification des décisions ministérielles précitées, à le supposer même établi, est sans influence sur la légalité desdites décisions ;
Sur la légalité de la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise le
12 décembre 2004 :
Considérant qu'aux termes des nouvelles dispositions du I de l'article R. 223-3 du code de la route issues du décret n° 2033-642 du 11 juillet 2003, et entrées en vigueur le 1er mars 2004 : « Lors de la constatation d'une infraction entraînant retrait de points, l'auteur de celles-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1 » ; et qu'aux termes du III du même article dans la rédaction issue du même texte : « Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple (…) » ; que ces dispositions exigent uniquement que le contrevenant soit, au moment de l'établissement du procès-verbal de l'infraction, informé de ce que l'infraction peut entraîner une perte de points, mais non plus du nombre de points qu'il est susceptible de se voir retirer ; qu'il résulte également desdites dispositions que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ; que les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, selon lesquelles les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire, ne trouvent à s'appliquer qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; qu'elles ne s'appliquent pas à la mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles précités du code de la route ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal de contravention, produit par le ministre pour la première fois en appel, daté du 12 décembre 2004 mentionne, sans en préciser le nombre, conformément aux nouvelles dispositions précitées, que le contrevenant est susceptible de perdre des points affectés au capital de points de son permis de conduire, qu'il « reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » et qu'il refuse de le signer ; que, nonobstant ce refus, M. X doit être regardé comme ayant pris connaissance au préalable du contenu des documents et notamment de la mention précitée, qu'il n'a alors pas contestée, relative à la remise d'un avis au contrevenant, établi sur imprimé CERFA conformément aux dispositions des articles
A. 37 et suivants du code de procédure préalable dans leur rédaction applicable issue de l'arrêté du
5 octobre 1999 susvisé, répondant aux exigences d'information prévues par les dispositions précitées du code de la route ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que l'intéressé a reçu communication de l'ensemble des informations exigées lors de la constatation de l'infraction du 12 décembre 2004 ;
Considérant que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a retenu les motifs analysés ci-dessus pour annuler les quatre décisions de retrait de points susmentionnées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif ;
Considérant que, contrairement à ce qu'il soutient, M. X n'a pas été privé de la possibilité de demander la reconstitution partielle du nombre de points affectés à son permis de conduire, en effectuant un stage de sensibilisation, dès lors qu'il pouvait en avoir connaissance, après la constatation des diverses infractions commises, en utilisant le droit d'accès au traitement automatisé des retraits de points ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a annulé les décisions de retrait de points en litige ; que les conclusions présentées par X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 0506106 en date du 10 février 2006 du vice-président du Tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Yorick X.
Copie sera transmise pour information au préfet du Nord.
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N°06DA00390