Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société Y, dont le siège est situé 175 rue de Terrouanne à
Saint-Omer (62500), par la SELARL Avocat Com ; la société Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9500783 en date du 10 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille l'a condamnée, en réparation des désordres apparus en 1986 suite aux travaux réalisés dans le cadre du marché conclu en 1984 pour la construction d'un ensemble immobilier dans la ZAC de l'Inquéterie à Saint-Martin-les-Boulogne, à verser à Electricité de France (EDF) : une somme de 16 137 euros, solidairement avec la société CGE A et M. X, augmentée des intérêts de droit à compter du 15 mars 1995, capitalisés les 11 septembre 2002 et 2003 pour produire
eux-mêmes intérêts, et à se garantir réciproquement dans les conditions précisées dans les motifs dudit jugement ; une somme de 181 678 euros hors taxes, solidairement avec la société Socotec et M. X, augmentée des intérêts de droit à compter du 15 mars 1995, capitalisés les
11 septembre 2002 et 2003 pour produire eux-mêmes intérêts et à se garantir réciproquement dans les conditions précisées dans les motifs dudit jugement ; une somme de 8 007 euros hors taxes, augmentée des intérêts de droit à compter du 11 septembre 2002 ainsi qu'une somme de
7 833,38 euros toutes taxes comprises, et une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, solidairement avec la société CGE A, la société Socotec et
M. X, et à se garantir réciproquement dans les conditions précisées dans les motifs dudit jugement ;
2°) s'agissant du désordre n° 1, de la mettre hors de cause et, subsidiairement, de condamner in solidum la société CGE A, la société Soteb et M. X à la garantir intégralement de toutes condamnations ;
3°) s'agissant du désordre n° 3, de débouter EDF ou, subsidiairement, de déclarer prescrite la demande d'EDF ;
4°) de faire courir, en cas de condamnation, les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ou du jugement attaqué ;
5°) de condamner toute partie perdante à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1du code justice administrative ;
Elle soutient que le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la cause des désordres constatés était indéterminée ; qu'il était entaché d'une insuffisance de motivation quant à la répartition des pourcentages de responsabilité, dès lors que le titulaire des lots au sein desquels les désordres avaient été constatés était la société CGE A ; que, s'agissant de la fissuration de la
plate-forme, les premiers juges n'ont pas motivé leur décision, alors même que la requérante avait contesté la nature décennale de la garantie et invoqué le bénéfice de la prescription, et ont à tort retenu la responsabilité de la société Y alors que seuls M. X et la société Socotec pouvaient être tenus pour responsables ; que le Tribunal administratif de Lille n'a pas répondu au moyen développé par la requérante et relatif au mode de calcul des intérêts judiciaires à retenir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2004, présenté pour la société Socotec, par
Me Chaillet ; la société Socotec demande à la Cour de réformer le jugement attaqué et, par la voie de l'appel incident, de la mettre hors de cause, de rejeter la demande tendant à ce que les intérêts soient dus à compter du 15 mars 1995, de condamner in solidum M. X, la société Y et
la société CGE A à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, et de condamner toute partie succombante à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la demande d'EDF devant les premiers juges était irrecevable, les désordres constatés ne relevant pas de la garantie décennale, et l'introduction de ladite demande étant, en tout état de cause, tardive ; qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée, dès lors, d'une part, qu'elle ne pouvait demander à la société Y de justifier de la provenance, de la stabilité et de la compatibilité des matériaux utilisés et, d'autre part, qu'elle a correctement rempli son rôle d'alerte auprès d'EDF ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2004, présenté pour la société Norpac, par la SELARL Masters Juris ; la société Norpac demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause et de condamner toute partie succombante à lui payer une somme de
2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'EDF a abandonné sa demande relative aux « murs Ytong » ; que les désordres constatés sur les câbles chauffants et la plate-forme de l'ouvrage sont sans lien de causalité avec les travaux de gros oeuvre qu'elle a réalisés ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2004, présenté pour EDF, par la SCP Dutat, Lefèvre et Associés ; EDF demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de rejeter en conséquence les demandes présentées par les parties appelantes, et de les condamner à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'expert a clairement mis en évidence la responsabilité des sociétés Y et CGE A ainsi que de M. X dans les désordres ayant affecté les câbles chauffants ; que les désordres affectant la plate-forme ont été dénoncés dès 1995, qu'ils ont bien rendu l'ouvrage impropre à sa destination, et que l'expert en a clairement attribué la responsabilité à la société Y, à la société Socotec et à M. X ; que la décision des premiers juges de faire porter intérêts aux indemnités allouées à EDF est conforme à la jurisprudence la plus classique ;
Vu le mémoire additionnel, enregistré le 2 juillet 2004, pour la société Norpac, par la
SELARL Masters Juris ; la société Norpac conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 juillet 2004, présenté pour M. Gérard X, par
Me Deleurence ; M. X demande à la Cour de le mettre hors de cause, de rejeter les appels de la société Y et de la société Socotec, de ne pas fixer la part de responsabilité qui pourrait lui incomber du fait des désordres constatés à plus de 5 %, et de condamner toute partie succombante à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'en vertu des constatations de l'expert tout comme des engagements contractuels souscrits, la responsabilité des désordres affectant les câbles chauffants devait incomber aux sociétés Y et Soteb ; que les désordres affectant la plate-forme étaient distincts des désordres affectant les câbles chauffants, ne constituaient pas des dommages relevant de la garantie décennale, et ne pouvaient être décelés par l'architecte au vu de ses engagements contractuels ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 juillet 2004, présenté pour la société Y, par la SELARL Avocat Com ; la société Y conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 4 septembre 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture de l'instruction au 30 septembre 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2006, présenté pour M. X, par lequel celui-ci conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2006, présenté pour la société Z Ingéniérie, venant aux droits de la société Soteb, par Me Dubreuil ; la société Z Ingéniérie demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a mis la société Soteb hors de cause, et de condamner la société Y à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun élément nouveau ne permet de remettre en cause les appréciations de l'expert dont il ressort que les désordres constatés ne peuvent être imputés à la société Soteb ;
Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai a réouvert l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Patrick Minne et M. Manuel Delamarre, premiers conseillers :
- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;
- les observations de Me Parichet pour la société Y, de Me Dutat pour EDF, de
Me Ducloy pour M. X, et de Me Le Briquir pour la société Socotec ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'Electricité de France (EDF) a, en 1984, passé marché pour la construction d'un ensemble immobilier à usage de magasin central et d'atelier de maintenance dans la zone d'aménagement concerté de l'Inquéterie à Saint-Martin-les-Boulogne ; que le lot n° 4 « chauffage ventilation » a été attribué à la société CGE A, et le lot n° 11 « « sols routiers » à la société Y ; que la réception des travaux a été prononcée le 4 avril 1985 ; qu'en 1986 sont apparus des désordres, consistant principalement en des fissurations de la plate-forme des locaux au sein de laquelle avait été encastrée la trame chauffante ; que la société Y demande l'annulation du jugement en date du 10 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné la société Y à réparer lesdits désordres solidairement avec la société CGE A, la société Socotec et M. X ; que, par la voie de l'appel incident, M. X et la société Socotec demandent la réformation dudit jugement ; que la société Socotec demande, par la voie de l'appel provoqué, à être garantie de toute somme mise à sa charge par M. X et la société CGE A ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la société Y soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'indétermination des causes des désordres affectant les câbles chauffants ; que, toutefois, en affirmant qu'il résultait de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise,
que lesdits désordres étaient imputables à la société Y, à la société CGE A et à
M. X, le Tribunal a implicitement mais nécessairement estimé que la cause de ces désordres était déterminée ; que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Considérant que la société Y soutient encore que les premiers juges n'ont pas motivé leur décision de lui imputer la majeure partie de la responsabilité des désordres ayant affecté les câbles chauffants, alors que le titulaire du lot n° 4 était la société CGE A ; que, néanmoins, en décidant qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la responsabilité de ces désordres incombait principalement à la société Y, les premiers juges ont suffisamment motivé la décision attaquée ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;
Au fond :
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne les désordres ayant affecté les câbles chauffants :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, d'une part, que la société Y avait connaissance du risque que présentait son intervention consistant à mettre en place puis à compacter le sable et les enrobés sur des nappes de câbles électriques chauffants, d'autre part, que la mission de direction générale et de surveillance des travaux de
M. X portait, entre autres, sur le lot « chauffage par le sol », et qu'il pouvait, dans ce cadre, constater les désordres et demander aux entreprises intervenantes de modifier leur processus de mise en oeuvre ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont déclaré la société Y principalement responsable et M. X partiellement responsable des désordres ayant affecté les câbles chauffants ; qu'il suit de là que les conclusions présentées, par la voie de l'appel principal, par la société Y et, par la voie de l'appel incident, par M. X, tendant à leur mise hors de cause, doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les désordres ayant affecté la plate-forme de l'immeuble :
Considérant, en premier lieu, que les désordres constatés, dont la réalité n'est pas contestée, rendent l'immeuble, compte tenu de leurs caractéristiques et de leur ampleur, impropre à sa destination ; que, par suite, lesdits désordres pouvaient donner lieu à l'engagement de la garantie décennale ;
Considérant, en deuxième lieu, que la réception des travaux a été prononcée le 4 avril 1985 ; que, par une requête enregistrée le 15 mars 1995 au greffe du Tribunal administratif de Lille, EDF a demandé la condamnation, entre autres, de la société Y à l'indemniser des conséquences dommageables des désordres affectant l'ensemble immobilier objet du marché ; qu'au nombre des désordres décrits dans cette requête figuraient, contrairement aux allégations de la société Y, ceux affectant la plate-forme de l'immeuble ; que, dans ces conditions, l'action en garantie décennale ouverte à EDF du fait desdits désordres n'était pas prescrite lorsque celle-ci a saisi le Tribunal administratif de Lille ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Socotec n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la demande présentée par EDF devant les premiers juges sur le fondement de la garantie décennale soit déclarée irrecevable ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement aux allégations de la société Y, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société requérante doit être regardée comme la principale responsable des désordres ayant affecté la plate-forme de l'immeuble, dès lors qu'elle était chargée de la fourniture et de la mise en oeuvre des matériaux à l'origine desdits désordres ; qu'il suit de là que la société Y n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont déclarée responsable des désordres affectant la
plate-forme de l'immeuble ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la mission de direction générale et de surveillance des travaux confiée à M. X concernait, entre autres, le sol routier du hangar, et qu'il pouvait, dans ce cadre, demander à la société Y de justifier de la provenance, de la stabilité et de la compatibilité des matériaux utilisés ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont déclaré M. X partiellement responsable des désordres ayant affecté la plate-forme de l'immeuble et l'ont condamné à garantir la société Y à hauteur de 5 % ; que M. X n'est donc pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, à être mis hors de cause ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que dans le cadre de sa mission, qui portait, entre autres, sur la plate-forme, la société Socotec pouvait demander à la société Y de justifier de la provenance, de la stabilité et de la compatibilité des matériaux utilisés, sans que puisse y faire obstacle, contrairement à ses allégations, le fait que la société Socotec n'était détentrice d'aucun pouvoir de coercition à l'égard de la société Y ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Socotec à garantir la société Y et M. X à hauteur de 5 % des sommes qu'ils ont été condamnés à payer ; qu'il suit de là que la société Socotec n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, à être mise hors de cause, et que ses conclusions, présentées par la voie de l'appel provoqué et tendant à ce que M. X et la société CGE A la garantissent de toute condamnation, sont irrecevables dès lors que le présent arrêt n'aggrave pas sa situation en appel ;
Sur les intérêts :
Considérant que les intérêts dus en application des principes dont s'inspirent les dispositions de l'article 1153 du code civil le sont à compter de l'introduction, par le requérant, de son recours juridictionnel lorsqu'il en a fait la demande ; que la circonstance que l'expert ait réactualisé les montants des travaux de réfection est sans incidence sur le droit des requérants d'obtenir des intérêts dans les conditions susévoquées, dès lors que lesdits intérêts ont uniquement pour objet de compenser l'érosion monétaire durant la procédure juridictionnelle ; que, par suite, ni la société Y, par la voie de l'appel principal, ni la société Socotec, par la voie de l'appel incident, ne sont fondées à soutenir que les premiers juges ont, à tort, décidé que les sommes allouées à EDF en réparation des préjudices subis devaient porter intérêts à compter du 15 mars 1995, date de l'enregistrement de sa requête au greffe du Tribunal administratif de Lille ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Y une somme de 2 000 euros à EDF, et une somme de 1 000 euros chacun à M. X, à la société Norpac, à la société Socotec et à la société Z Ingéniérie, en application de ces dispositions ;
Considérant, en revanche, que les conclusions de la société Y fondées sur ces mêmes dispositions doivent, dans les circonstances de l'espèce, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Y est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. X et de la société Socotec sont rejetées.
Article 3 : La société Y versera une somme de 2 000 euros à EDF et une somme de
1 000 euros chacun à M. X, à la société Norpac, à la société Socotec et à la société Z Ingéniérie, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Y, à Electricité de France, à
M. Gérard X, à la société Z Ingéniérie, à la société Norpac, à la société Socotec et à la société CGE A.
N°04DA00271 2