Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme X, dont le siège est ..., représentée par son président directeur-général en exercice, par
Me Chaillet ; la société X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9903872 en date du 12 octobre 2004 par lequel Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des poursuites diligentées à son encontre pour le recouvrement de la somme de 78 390 francs au titre de pénalités de retard et à la condamnation de la commune d'Armentières à lui verser la somme de 28 590,19 francs augmentée des intérêts moratoires et la somme de 50 000 francs au titre du préjudice subi ;
2°) d'annuler les poursuites engagées par le percepteur municipal d'Armentières pour le recouvrement de la somme de 78 390 francs au titre de pénalités de retard ;
3°) de condamner la commune d'Armentières à lui verser la somme de 4 358,55 euros au titre du solde du marché, augmentée des intérêts moratoires, capitalisés à compter du 30 septembre 1999 ;
4°) de condamner la commune d'Armentières à lui verser la somme de 7 700 euros au titre du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Armentières une somme de 4 575 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le Tribunal administratif a opéré une confusion entre les marchés n° 836 et n° 839, pourtant distincts, alors que le litige ne concerne que l'exécution financière du marché
n° 839 ; que le retard dans l'exécution du marché d'aménagement des extérieurs en litige n'est pas de son fait mais résulte de la présence d'intervenants sur le marché de construction de la salle de sports contiguë et que ce dernier marché a d'ailleurs été réceptionné avec 63 jours de retard sans pénalités ; que d'autres événements, tels que l'interruption de la mise en place de la couche de forme, la découverte d'une fondation triangulaire le long d'un mur mitoyen, le retard de branchements par les concessionnaires de réseaux, la réalisation concomitante de travaux de pavage par le gestionnaire de voirie et des travaux supplémentaires, ne doivent pas être décomptés dans les jours de retard ; que les jours de retard doivent être les jours ouvrables et non les jours calendaires ; que la commune ne peut se prévaloir d'un taux de pénalité supérieur à celui fixé par le cahier des clauses administratives générales ; qu'en s'abstenant d'infliger des pénalités provisoires en cours de chantier, la commune a voulu la sanctionner exclusivement et épargner les sous-traitants qui ont été réglés en intégralité par l'effet du paiement direct ; que la commune demeure débitrice de la somme de 4 358,55 euros en règlement du solde du marché ; que le préjudice subi et la procédure abusive doivent entraîner la condamnation de la commune à payer la somme de 7 700 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 20 février 2006 à Me Cattoir, en application de l'article
R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2006, présenté pour la commune d'Armentières, par Me Cattoir ; la commune d'Armentières conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société X au paiement des pénalités de retard avec intérêts et capitalisation ainsi qu'à la somme de 4 575 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le Tribunal administratif n'a pas confondu les deux marchés attribués à la société requérante et qu'il s'est borné à faire référence au premier marché de construction de la salle de sports pour les besoins de son raisonnement ; que la société ne démontre pas les éléments extérieurs qui auraient causé le retard d'exécution du marché d'aménagement des abords de la salle de sports et que ce retard n'est dû qu'à la mauvaise organisation de son chantier ; que le nombre de jours de retard s'établit à 26, les jours calendaires étant seuls à prendre en considération pour ce calcul ; que le tarif des pénalités, même s'il n'a pas fait l'objet d'une mention à l'article du cahier des clauses administratives particulières énumérant les dérogations au cahier des clauses administratives générales, est opposable au cocontractant ; que si la commune ne conteste pas être débitrice du solde du marché, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif, elle est fondée à ne pas le régler dès lors que le décompte définitif n'a pas été renvoyé par l'entrepreneur de travaux ; que le préjudice invoqué par celui-ci n'est pas établi ;
Vu l'ordonnance en date du 10 juillet 2006 fixant la clôture d'instruction au
1er septembre 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 août 2006, présenté pour la société X ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête ;
Vu la lettre du 7 septembre 2006 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur des moyens soulevés d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Patrick Minne et M. Manuel Delamarre, premiers conseillers :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- les observations de Me Le Briquir, pour la société X, et de Me Cattoir, pour la commune d'Armentières ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'exécution financière du marché :
S'agissant du principe des pénalités de retard :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application de deux marchés publics de travaux distincts nos 836 et 839 attribués à la société X, la commune d'Armentières lui a respectivement confié, d'une part, la construction de la salle de sports Paul Hazard et, d'autre part, la réalisation des abords de cet équipement ; que, par un ordre de service du 26 mars 1998, la commune d'Armentières a prescrit à la société X le commencement des travaux d'aménagement des abords de la salle de sports Paul Hazard à compter du 6 avril 1998 pour une durée de deux mois ; qu'après une période d'interruption prescrite par le maître de l'ouvrage, les travaux d'aménagement prévus par le marché n° 839 ont fait l'objet d'une réception avec effet au 5 octobre 1998 ; que la commune a infligé à la société des pénalités sur la base de 26 jours de retard ; que la société doit être regardée comme demandant l'annulation du titre de recettes du 9 août 1998 par lequel le maire de la commune d'Armentières a mis à sa charge la somme de 78 390 francs au titre des pénalités de retard ;
Considérant que la société X soutient que le retard d'exécution des travaux en litige trouve son origine dans l'important retard d'exécution du marché n° 836 de construction de la salle de sports Paul Hazard, distinct du marché n° 839 en litige ; que, toutefois, la société requérante, qui était également attributaire du marché de construction n° 836, ne produit aucun élément de nature à justifier que le retard d'exécution dans la construction de la salle de sports était indépendant de sa volonté et que ce retard entravait l'aménagement extérieur de cet équipement ; qu'en particulier, si l'entreprise soutient que le maître d'oeuvre a ordonné l'interruption de la mise en place de la couche de forme au début du mois d'août 1998 en raison d'un défaut de conformité du niveau du terrassement réalisé dans le cadre du marché de construction de la salle de sports, elle ne précise pas dans quelle mesure ce défaut lui serait étranger ;
Considérant que la société X soutient que l'exécution des travaux en litige a dû être reportée en raison de l'incertitude des dates d'intervention des concessionnaires de réseaux d'eau, de gaz, d'électricité et de télécommunication ainsi que du gestionnaire de voirie chargé de la réalisation des trottoirs ; que ces circonstances, qui relèvent au demeurant de l'organisation et de la coordination dans le déroulement du chantier confié à la société X, ne sont pas établies par les pièces du dossier ;
Considérant que la société X soutient que des travaux supplémentaires d'habillage de coffrets abritant les équipements de distribution des fluides, demandés par le maître de l'ouvrage, ont occasionné un retard supplémentaire indépendant de son fait ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction, notamment des stipulations du premier avenant au marché en litige, que la société, qui n'ignorait pas les contraintes de délais imposées par ces sujétions nouvelles, n'a sollicité aucune prorogation ;
Considérant, enfin, que la société X soutient que la pose de bordures le long d'un mur mitoyen a été retardée en raison de la présence d'une fondation triangulaire qui débordait ; que, contrairement à ce que soutient l'entreprise, la présence de cette fondation n'est pas mentionnée sur le compte-rendu établi par le maître d'oeuvre à la suite de la réunion de chantier du 13 août 1998 ; qu'en tout état de cause, la société n'établit pas dans quelle mesure l'éventuelle présence de cette fondation a entraîné un retard de réalisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Armentières, qui n'était pas tenue d'infliger des pénalités de retard provisoires en cours d'exécution du marché, était fondée à écarter la réclamation formée par la société X ; que cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif, qui n'a évoqué sans les confondre l'existence des deux marchés attribués sous les nos 836 et 839 qu'au soutien de son raisonnement, aurait, à tort, confirmé le principe des pénalités de retard appliquées à son encontre ;
S'agissant du décompte des pénalités de retard :
Considérant qu'aux termes de l'article 20-4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa rédaction applicable au marché en litige : « Les samedis, les dimanches et les jours fériés ou chômés ne sont pas déduits pour le calcul des pénalités et des primes. » ; qu'aux termes de l'article 4-3-1 du cahier des clauses administratives particulières annexé au marché d'aménagement des abords de la salle de sports Paul Hazard confié à la société X : « L'entrepreneur subira une pénalité de 2 500 francs hors taxes par jour de retard dans l'achèvement des travaux. (…) Ce retard est déterminé par rapport au délai total des travaux indiqué à l'article 3 de l'acte d'engagement. (…) » ;
Considérant qu'en se bornant, pour les pénalités de retard dans l'exécution des travaux, à mentionner des jours de retard sans préciser qu'il s'agit de jours calendaires ou de jours ouvrables, le cahier des clauses administratives particulières du marché en litige ne déroge pas à l'article 20-4 du cahier des clauses administratives générales ; qu'ainsi, la société X n'est pas fondée à soutenir que les jours non ouvrables devaient être déduits du nombre de jours de retard retenus par le maître de l'ouvrage ;
Considérant, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que les travaux d'aménagement prévus par le marché n° 839 ont fait l'objet d'une réception avec effet au 5 octobre 1998 ; que la commune a infligé à la société des pénalités sur la base de 26 jours de retard ; qu'il résulte de l'instruction qu'une interruption de travaux du 11 avril 1998 au 6 juillet 1998 prescrite par ordres de service a été prise en considération par la commune ; que celle-ci a également déduit le nombre de 10 jours d'intempéries, non contesté par la société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la commune a retenu
26 jours de retard dans l'achèvement des travaux ;
S'agissant du taux des pénalités de retard :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1-2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa rédaction applicable au marché en litige : « (…) toute dérogation aux dispositions des cahiers des clauses techniques générales et du cahier des clauses administratives générales qui n'est pas clairement définie et, en outre, récapitulée comme telle dans le dernier article du cahier des clauses administratives particulières est réputée non écrite. Ne constitue pas une dérogation aux cahiers des clauses techniques générales ou au cahier des clauses administratives générales l'adoption, sur un point déterminé, de stipulations différentes de celles qu'indiquent ces cahiers lorsque, sur ce point, ceux-ci prévoient expressément la possibilité pour les marchés de contenir des stipulations différentes. » et qu'aux termes de l'article 20-1 du même cahier : « En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du cahier des clauses administratives particulières, une pénalité journalière de 1/3 000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. (…) » ;
Considérant que le montant de la pénalité journalière prévue par l'article 20-1 du cahier des clauses administratives générales peut, aux termes mêmes de ce texte, faire l'objet d'une stipulation différente du cahier des clauses administratives particulières ; qu'en application de l'article 3-1-2 du cahier des clauses administratives générales précité, cette stipulation ne peut donc être regardée comme une dérogation qui, pour être opposable entre les parties au marché, devrait être clairement définie et incluse dans les dérogations énumérées par le cahier des clauses administratives particulières ; qu'ainsi, la société X n'est pas fondée à soutenir que l'article 4-3-1 du cahier des clauses administratives particulières annexé au marché en litige, qui prévoit une pénalité forfaitaire de 2 500 francs hors taxes par jour de retard ne lui est pas opposable, faute de figurer dans la liste des dérogations aux cahiers généraux reprise par le dernier article du même cahier ;
Considérant, en second lieu, que la société, qui est seule titulaire du marché, ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la commune a mis à sa charge les pénalités de retard en litige en vertu d'un titre de recettes émis à l'issue du décompte général définitif après paiement direct des sous-traitants ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation du préjudice :
Considérant que le préjudice subi et la procédure abusive invoqués par la société X ne sont pas établis ; que ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Armentières à lui verser la somme de 7 700 euros en réparation de ces préjudices doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre émis à son encontre le 9 août 1999 par la commune d'Armentières pour le recouvrement de la somme de 78 390 francs et à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 7 700 euros ;
En ce qui concerne le règlement du solde du marché :
Considérant, en premier lieu, que, saisi par la société X d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Armentières à lui verser la somme de 4 358,52 euros au titre du solde du marché augmentée des intérêts moratoires à compter du 30 juillet 1999, le Tribunal administratif y a fait intégralement droit ; que, par suite, la société requérante n'est pas recevable, en appel, à demander à nouveau la condamnation de la commune à lui verser la même somme ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. » ;
Considérant qu'il est constant que la somme de 4 358,52 euros précitée, augmentée des intérêts moratoires à compter du 30 juillet 1999, n'a pas été versée par la commune d'Armentières en exécution du jugement du Tribunal administratif ; qu'à la date du 30 septembre 1999, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, par suite, la demande de la société X présentée pour la première fois en appel, tendant à la capitalisation des intérêts moratoires à compter du
30 septembre 1999 doit être rejetée ;
Sur les conclusions incidentes de la commune d'Armentières :
Considérant qu'une collectivité publique n'est pas recevable à demander directement au juge administratif de condamner son cocontractant, qui a formé un recours contentieux contre un titre exécutoire émis à son encontre, au paiement de la somme due en vertu de ce titre ; que, par suite, les conclusions de la commune d'Armentières présentées pour la première fois en appel tendant à la condamnation de la société X à payer les pénalités de retard en litige, augmentées des intérêts et leur capitalisation doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Armentières, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 4 575 euros que la société X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d'Armentières tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société anonyme X et les conclusions de la commune d'Armentières sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme X et à la commune d'Armentières.
N°04DA01071 2