Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière X, dont le siège est ..., par Me Ninove ; la société X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200912 en date du 25 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1996, ainsi que des pénalités y afférentes et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 23 mai 1995 au 31 décembre 1996, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure d'imposition est viciée dès lors qu'il avait été convenu qu'une copie de la notification de redressement serait envoyée au domicile du gérant à Dunkerque et non dans la commune de La Gorgue où elle ne disposait d'aucun bureau ni d'aucun représentant ; que la documentation n° 13-L-1513 à jour au 1er avril 1995 prévoit que l'administration doit s'assurer que le contribuable n'a pas averti l'administration de son changement d'adresse ; que la procédure est également viciée en raison de l'absence de réel débat oral et contradictoire provoqué par l'indécision du vérificateur sur les chefs de redressements envisagés, son refus de consulter la comptabilité de la société Ceraf, dans les locaux de laquelle se déroulait la vérification et l'absence de mention, dans la notification de redressement, de la convention du 1er juillet 1995 entre la société Ceraf et la société X le 1er juillet 1995 ; que les charges dont la déduction a été rejetée, toutes relatives à des prestations facturées par la société Ceraf disposant, à la différence d'elle-même, de moyens techniques importants, sont justifiées par le fait que des prestations en tous points semblables facturées au titre de l'exercice 2000 ont été admises par l'administration ; que toutes les pièces justificatives relatives aux honoraires facturés par la société Ceraf ont été apportées au cours du contrôle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire littéralement les moyens présentés devant les premiers juges sans y ajouter ; que la notification de redressement a été régulièrement adressée au siège social de la société et que le gérant en a reçu une copie à son domicile ; que la société n'établit pas que le vérificateur s'est refusé à un débat oral et contradictoire ; que la vérification a eu lieu dans les locaux désignés par la contribuable mais que les pièces justificatives réclamées n'ont pas été présentées ; que la réalité des prestations facturées par la société Ceraf n'est pas établie ; que l'intervention de cette société est au demeurant des plus hypothétique compte tenu de la compétence du gérant de la SCI requérante et de l'intervention d'autres fournisseurs ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2005, présenté pour la SCI X ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que sa requête n'est pas stéréotypée comme le fait valoir l'administration ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ;
Vu la note en délibéré, parvenue par télécopie au greffe de la Cour le 15 novembre 2006, présentée pour la SCI X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- les observations de Me Ninove, pour la SCI X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : « Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et présenter des documents comptables. (…) » et qu'aux termes de l'article L. 55 du même livre : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la demande de son gérant, la vérification de comptabilité de la SCI X ne s'est pas déroulée à l'adresse de son siège social mais dans les locaux de la société Ceraf, dans lesquels se trouvait sa comptabilité ; que le vérificateur s'est rendu à quatre reprises dans ces locaux ; que si la requérante soutient que le vérificateur s'est abstenu, au cours du contrôle sur place, d'examiner des pièces comptables détenues par la société Ceraf et n'a pas mentionné précisément, dans la notification de redressement, l'existence d'une convention conclue avec cette société, ces circonstances ne sont pas de nature à établir l'absence de caractère contradictoire du débat du fait du vérificateur ; qu'il ne résulte pas davantage d'un courrier du 27 avril 2001 émanant de l'avocat de la contribuable ni d'une décision du 16 décembre 1999 abandonnant un chef de redressement relatif à une facturation fictive afférente à un achat de terrain que l'administration se serait refusée à tout débat, au sujet de la remise en cause de la déduction d'honoraires facturés par la société Ceraf ; qu'enfin, la circonstance qu'au cours d'un dernier entretien, le 6 mai 1998, le vérificateur se soit montré indécis sur les suites qu'il envisageait de donner à ses constatations n'est pas de nature à démontrer que ce fonctionnaire s'est refusé à tout échange ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le pli contenant la notification de redressement du 23 juin 1999 a été adressé le 24 juin 1999 au siège social de la société contrôlée situé dans la commune de La Gorgue ; que ce pli a été retourné à l'administration le
12 juillet 1999 revêtu de la mention « N'habite plus à l'adresse indiquée » ; que l'adresse de
La Gorgue était la dernière adresse mentionnée par la société dans les déclarations qu'elle a souscrites jusqu'au 29 avril 1999 ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'expiration du contrat de réacheminement de son courrier conclu avec La Poste l'a placée dans l'impossibilité de savoir si un pli lui avait été présenté dès lors qu'il lui appartenait de prendre ses dispositions pour faire suivre son courrier ; qu'ainsi, la notification de redressement a été régulièrement acheminée à la dernière adresse officiellement communiquée par la requérante ;
Considérant, d'autre part, que le gérant de la SCI X a demandé, courant juillet 1999, à l'administration de correspondre avec cette société en utilisant l'adresse de son domicile personnel à Dunkerque ; que le service a donné suite à cette demande en envoyant à cette adresse personnelle une copie de la notification de redressement par lettre du
30 juillet 1999, reçue le 31 juillet 1999 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette circonstance ne révèle pas que l'administration connaissait sa nouvelle adresse à la date de l'envoi de la notification de redressement du 23 juin 1999, ni ne l'a privée du droit de formuler ses observations dans le délai imparti par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales dès lors, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que le pli contenant la notification de redressement doit être considéré comme ayant été régulièrement notifié le 24 juin 1999 ;
Considérant, enfin, que les instructions administratives relatives à la procédure d'imposition, qui ne sont pas des textes de nature fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, sont exclues du champ d'application de la garantie prévue par ce texte ; que, par suite, la SCI X ne peut se prévaloir des paragraphes nos 65, 66, 68 et 69 de la documentation de base n° 13-L-1513 à jour au 1er avril 1995 qui prévoient, notamment, que l'administration doit, dans certains cas, s'assurer que le contribuable n'a pas averti l'administration de son changement d'adresse ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 du même code à l'impôt sur les sociétés : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…), notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) » ; qu'aux termes du 2 de l'article 272 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu » et qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : « Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI X a fait parvenir au service le 15 septembre 1999 ses observations aux redressements notifiés le 24 juin 1999 ; qu'ainsi la SCI X, qui a pas répondu dans le délai de 30 jours imparti par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, supporte la charge de prouver le caractère exagéré des redressements en application de l'article R. 194-1 du même livre ;
Considérant que la société Ceraf a adressé à la SCI X deux factures d'honoraires les 2 juillet 1996 et 26 juillet 1996, pour les montants hors taxes respectifs de
600 000 francs et 400 000 francs ; que, selon la contribuable, la première somme a été versée en règlement d'honoraires en contrepartie d'une mission d'assistance commerciale et technique à l'occasion d'une opération de cession de terrains situés dans la zone commerciale de
Lys-lez-Lannoy et la seconde somme a été versée à titre d'avance pour des prestations de même nature à venir ; que l'existence d'une convention conclue entre les deux sociétés, qui ont le même gérant, dont la date de signature le 1er juillet 1995 est au demeurant contestée par l'administration, ne peut à elle-seule justifier du caractère réel des prestations fournies par la société Ceraf ; que les différentes correspondances émanant de la société Ceraf, la demande d'autorisation de lotissement déposée par la société requérante avec la mention de la société Ceraf comme bureau d'études ne suffisent pas à établir que cette dernière est intervenue à de nombreuses reprises pour permettre la réalisation des opérations de cession de terrains aux entreprises Mc Donald's et GEC dans la zone commerciale de Lys-lez-Lannoy ; que la
SCI X soutient encore que, dépourvue de moyens d'exploitation propres, elle était dans l'obligation de recourir aux services d'assistance commerciale et technique de la société Ceraf qui s'avère être un véritable bureau d'études techniques ; qu'à supposer que la contribuable devait faire appel à un prestataire extérieur, elle n'établit pas avoir été mise dans l'obligation de recourir aux services de la seule société Ceraf alors que l'administration fait valoir sans être contredite qu'une société tierce, dénommée ICD Y, lui a adressé une facture d'honoraires dits de commercialisation le 20 mars 1996 d'un montant de 150 000 francs hors taxes pour son intervention dans l'opération de cession à la société Mc Donald's ; qu'en l'absence de toute justification des prestations effectuées pour son compte par la société Ceraf, la société requérante ne saurait, en tout état de cause, soutenir que le fait pour la société Ceraf de ne pas lui facturer ses prestations aurait constitué un abus de bien social ; qu'ainsi, la société requérante n'établit ni le caractère déductible des honoraires en litige au sens des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, ni la réalité des prestations de service facturées par la société Ceraf au sens des dispositions précitées de l'article 283 du même code ; que, par suite, l'administration pouvait à bon droit réintégrer lesdites charges dans le bénéfice imposable que la SCI X a déclaré pour l'exercice 1996 et remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la société Ceraf ;
En ce qui concerne l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (…) » ;
Considérant qu'en ne remettant pas en cause une facture émise au cours de l'exercice 2000 par la société Ceraf, pour d'autres prestations réalisées dans la zone commerciale de
Lys-lez-Lannoy, l'administration n'a pas pris de position formelle sur la situation de fait ayant conduit aux impositions contestées ; qu'en tout état de cause, la circonstance qu'un autre contribuable n'aurait fait l'objet d'aucun redressement ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation de la situation de fait de la SCI X, qui est un contribuable distinct ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SCI X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que la
SCI X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2006 à laquelle siégeaient :
- Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre,
- Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur,
- M. Patrick Minne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 novembre 2006.
Le rapporteur,
Signé : P. MINNE
Le président de chambre,
Signé : C.V. HELMHOLTZ
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le Greffier
M. T. LEVEQUE
N°05DA00066 2