Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
15 novembre 2005 et régularisée le 29 décembre 2005, présentée pour Mme Francine X, demeurant ..., par Me Jalet ; Mme X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0200545 du 22 septembre 2005 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de la commune de Lieurey à lui verser la somme de 2 240,38 euros à titre d'arriérés de salaires, la somme de 1 607,12 euros à titre d'indemnité de préavis, la somme de 160,71 euros à titre d'indemnité de congés sur préavis, la somme de 1 767,83 euros à titre d'indemnité de licenciement et celle de 8 249 euros à titre de dommages et intérêts ;
2°) de condamner la commune de Lieurey à lui verser lesdites sommes ainsi que celle de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que non seulement la mesure de non-renouvellement de son contrat a été prise irrégulièrement ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif, mais encore que cette mesure équivaut à un licenciement, dès lors que la commune, qui avait repris en régie le service de cantine scolaire précédemment assuré par l'association « Œuvre de la cantine de Lieurey » qui l'employait en qualité de cuisinière, avait l'obligation de maintenir les conditions de son contrat antérieur, en application de l'article L. 122-12 du code du travail ; que le contrat qui la liait à l'association« Œuvre de la cantine de Lieurey » était un contrat à durée indéterminée ; qu'elle est fondée, dans ces conditions, à demander la condamnation de la commune à lui verser les indemnités prévues par le code du travail en cas de licenciement abusif, ainsi que les arriérés de salaires correspondant à la différence entre le salaire qui lui était versé par l'association et celui versé par la commune résultant de la réduction du temps de travail qui lui a été imposée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2006, présenté pour la commune de Lieurey, par Me Legendre ; la commune de Lieurey conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ; elle demande, en outre, à la Cour de condamner Mme X à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la décision de non-renouvellement a été prise par l'autorité compétente et notifiée à
Mme X dans le délai prévu par le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ; que la commune n'avait pas l'obligation de titulariser Mme X ; que celle-ci n'est pas fondée à invoquer l'article L. 122-12 du code du travail, dès lors que la commune, dont le rôle dans la gestion du service de cantine est limité à la distribution et à la surveillance des repas, n'a pas repris l'activité de production de repas précédemment exercée par l'association « Œuvre de la cantine de Lieurey » et qui a été confiée à la suite de la dissolution de l'association à la société La Normande ; que la décision critiquée constitue une décision de non-renouvellement de contrat et non une mesure de licenciement ; que la requérante n'a fait l'objet d'aucune réduction de son temps de travail assimilable à une remise en cause de ses conditions d'emploi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, notamment son article 63 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi
n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2006 à laquelle siégeaient M. Serge Daël, président de la Cour, M. Jean-Claude Stortz, président de chambre,
M. Alain Dupouy, président-assesseur, M. Albert Lequien et M. Alain de Pontonx, premiers conseillers :
- le rapport de M. Alain Dupouy, président-assesseur ;
- les observations de Me Opsomer, pour la commune de Lieurey ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X a été recrutée le 1er janvier 2000 par la commune de Lieurey en qualité d'agent d'entretien pour une durée d'un an ; que son contrat a été renouvelé le
1er janvier 2001 pour une même durée ; que, par une lettre du 27 novembre 2001, le maire de la commune de Lieurey a fait part à Mme X de la décision du conseil municipal de ne pas renouveler son contrat expirant le 31 décembre 2001 ; que le Tribunal administratif de Rouen a, par l'article 1er du jugement attaqué du 22 septembre 2005, annulé cette décision comme émanant d'une autorité incompétente, par l'article 2 de ce jugement, alloué à Mme X une somme de
1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par l'article 3, rejeté les autres conclusions de la demande de Mme X ; que Mme X relève appel du jugement du 22 septembre 2005 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'indemnités ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-12 du code du travail : « S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public administratif, il appartient à cette dernière, en l'absence de dispositions législatives spécifiques, et réserve faite du cas où le transfert entraînerait un changement d'identité de l'entité transférée, soit de maintenir le contrat de droit privé des intéressés, soit de leur proposer un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur ancien contrat dans la mesure où des dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle ; qu'il résulte, par ailleurs, des dispositions de l'article 63 de la loi susvisée du 12 juillet 1999 que les personnels employés par une association dont la dissolution résulte du transfert intégral de son objet et des moyens corrélatifs à une collectivité territoriale et qui sont recrutés par cette collectivité peuvent continuer à bénéficier des stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non-titulaires de la fonction publique territoriale ;
Considérant que Mme X a été employée en qualité de cuisinière par l'association « Œuvre de la cantine de Lieurey » de 1980 au 1er janvier 2000, date de la dissolution de l'association et de la prise en charge du service de la cantine scolaire par la commune de Lieurey ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient Mme X, l'entité économique que constitue l'activité de préparation des repas précédemment assurée par l'association « Œuvre de la cantine de Lieurey » n'a pas été reprise par la commune de Lieurey, cette activité ayant été confiée par la commune à la société La Normande par un contrat conclu le
28 décembre 1999 ; que, dès lors, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le contrat qu'elle a conclu avec la commune de Lieurey serait entaché de nullité au motif qu'il méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 122-12 du code du travail ou celles de l'article 63 de la loi du
12 juillet 1999 ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 3 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, les contrats passés par les collectivités territoriales sont conclus pour une durée déterminée ; qu'il résulte des stipulations de l'article 2 du contrat qui liait Mme X à la commune de Lieurey que celui-ci était conclu pour une durée d'un an renouvelable par reconduction expresse devant intervenir au moins un mois avant le terme du contrat ; que le contrat du 1er janvier 2001, faute d'avoir fait l'objet d'une mesure de renouvellement intervenue avant le 1er décembre 2001, a pris fin à sa date d'échéance normale ; que, par suite, Mme X n'ayant pas fait l'objet d'un licenciement, ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de licenciement, d'indemnités de préavis et de congés payés sur préavis ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement abusif ne peuvent qu'être rejetées ; que, de même, dès lors que les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 font obstacle à la conclusion de contrats à durée indéterminée, elle ne saurait prétendre à une quelconque indemnité au titre de la perte d'un tel contrat et des avantages attachés au contrat qui la liait à l'association « Œuvre de la cantine de Lieurey » ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin d'indemnités ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X le paiement à la commune de Lieurey de la somme de 1 500 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lieurey tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Francine X et à la commune de Lieurey.
Copie sera transmise au préfet de l'Eure.
N°05DA01383 2