Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Daniel X, demeurant ..., par la CMS bureau Francis Lefèbvre ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302901 en date du 3 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997 sous l'article 54184 du rôle supplémentaire mis en recouvrement le 31 octobre 2002 et de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que l'administration n'est pas fondée à réintégrer dans les résultats de la société en nom collectif Pierre X, qui exerce une activité de courtier en assurance et dont il est associé, une provision de 1 200 000 francs correspondant aux travaux qui sont susceptibles d'être réalisés au titre de l'exercice suivant celui au cours duquel les produits ont été enregistrés et par suite à lui réclamer des cotisations supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu ; que cette provision présente le caractère de celles que les entreprises peuvent déduire de leurs bénéfices ; qu'en effet, sur le plan des principes, la déduction de la provision ne saurait être remise en cause dès lors que se trouvent comptabilisés au titre d'un même exercice les produits afférents aux charges ; que le montant de la provision peut être déterminé par une méthode statistique dès lors qu'établie dans le cadre de la gestion de l'entreprise, elle permet de déterminer le montant de la charge ou de la perte probable ; que pour les risques qui affectent tout un ensemble d'opérations ou de situations de même nature, la déduction fiscale des provisions n'est pas subordonnée à une analyse individualisée de ces risques ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ;
il soutient :
- que la requête qui se borne à reprendre littéralement les moyens soulevés en première instance n'est pas recevable au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- qu'à titre subsidiaire, au fond, les dispositions de l'article 39-1-5° du code général des impôts n'ont pas pour effet d'autoriser les entreprises à anticiper par une provision la déduction de leurs charges ; qu'elles permettent seulement de déduire des résultats d'un exercice une perte, une dépréciation ou une charge qui apparaissant probable à la clôture de l'exercice peut lui être rattachée dès lors qu'elle trouve son origine dans des opérations réalisées ou des faits survenus au cours dudit exercice ; qu'au cas présent, la provision a été comptabilisée pour le montant en cause lors de l'exercice 1993 au cours duquel la société a changé sa méthode de comptabilisation des produits d'exploitation pour passer de la méthode de la comptabilisation à l'encaissement à celle de la comptabilisation à l'émission ; que cette provision figure sans réajustement dans les exercices ultérieurs ; qu'elle concerne les charges à payer, principalement des dépenses de personnel susceptibles d'être engagées au titre de l'exercice suivant ; que les règles générales de rattachement des charges conduisent à admettre en déduction des résultats d'un exercice les rémunérations des personnels correspondant au travail accompli au cours de l'exercice ; que le cas dans lequel une provision est possible pour tenir compte des frais liés à l'exécution d'un contrat dont les sommes ou avantages sont immédiatement et globalement imposables ne sont pas transposables en l'espèce, qu'en effet, les contrats conclus par la société X n'engendrent pas systématiquement un sinistre et qu'aucune indication n'est apportée sur le pourcentage de probabilité de survenance du risque par rapport au nombre de commissions encaissées ; que si la jurisprudence reconnaît la possibilité d'évaluer les provisions selon une méthode statistique, elle subordonne cette faculté à la condition qu'elle soit fondée sur des données propres à l'entreprise ; qu'en l'espèce, le taux retenu de 30 % n'est pas justifié par des données réelles se rattachant à l'exercice de l'activité de la société ;
- que le rejet de l'appel conduira au rejet des conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 juillet 2006, présenté pour
M. X, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre par les motifs que la requête est recevable ; qu'elle est suffisamment motivée ; que la provision n'a pas été déterminée forfaitairement dès lors que le taux de 30 % retenu correspond au rapport entre les commissions anticipées et les commissions émises ; que la société n'avait pas à se référer à une analyse de la décomposition des sinistres pris en compte, de leur nature et du coût de gestion affecté à chaque catégorie de sinistre dès lors que ces éléments n'ont aucun rapport avec le montant de la provision comptabilisée par la société qui exerce une activité de courtage et d'agent d'assurances et ne supporte pas la charge des sinistres déclarés par les assurés ; que l'objet de la provision est de prendre en considération les charges de gestion, personnel, frais généraux, liées aux interventions supportées par la société en cas de sinistre ; que ces frais sont très peu sensibles au nombre et à la nature des sinistres déclarés ; que la provision calculée par référence au rapport entre les commissions anticipées et le total des commissions perçues au cours de l'exercice concerné est donc fondée ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 août 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges ;
Considérant que la société en nom collectif Pierre X et compagnie, dont le requérant est associé et qui exerçait une activité de courtage et d'agent d'assurances, a porté au passif du bilan de clôture de l'exercice 1997 une provision pour charges d'un montant de
1 200 000 francs (182 938,82 euros), correspondant à des charges qu'elle estimait devoir supporter au cours de l'exercice ultérieur au titre de produits comptabilisés au cours de l'exercice 1997 ; que le requérant indique que cette provision a été évaluée en appliquant au montant des charges de l'année, constituées de frais de personnel et de frais généraux, un taux de 30 % correspondant à la part des commissions perçues en 1997 pour les contrats s'exécutant en partie en 1998 ; que cependant, alors que cette somme est identique à celle provisionnée chaque année dans les comptes de la société depuis la clôture de l'exercice 1993, le requérant n'apporte pas d'élément justifiant qu'elle correspond à des charges probables reposant sur des données réelles se rattachant à l'exercice de l'activité de la société ; qu'en particulier les charges liées au coût de la gestion des sinistres à venir ne sont évaluées ni dans leur nombre ni dans leur nature au regard des contrats en cours alors que les frais représentatifs de la gestion de sinistres représentent le poste principal du montant des charges que le requérant soutient avoir retenues pour procéder au calcul de la provision ; que par ailleurs, l'application de la méthode de calcul de la provision présentée par M. Daniel X aux données fournies pour l'année en cause ne correspond pas à la somme provisionnée de 1 200 000 francs ; que dès lors,
M. X n'établit pas, alors qu'il lui incombe de le faire, que la provision correspondrait, compte tenu des circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, à une charge probable se rattachant aux contrats restant à exécuter au cours de l'année suivante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Daniel X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Daniel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
2
N°06DA00056