Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Régis Y, demeurant ..., par la SCP Corsaut-Verdez ; M. Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301594, en date du 16 mars 2006, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2003 par lequel le préfet de la Somme a autorisé M. Marlys X à exploiter 10 hectares 60 ares 30 centiares de terres situées sur le territoire des communes de Molliens Dreuil et de Saint Aubin Montenoy ;
2°) d'annuler ladite décision du 10 juin 2003 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision contestée, prise après consultation d'une commission départementale d'orientation de l'agriculture irrégulièrement composée, encourt l'annulation pour défaut de base légale ; qu'il n'est pas justifié que la commission départementale d'orientation de l'agriculture ait émis un avis motivé prévu par l'article R. 331-6 du code rural ; que le préfet n'a pas fait une correcte appréciation de la situation de M. X par rapport à la sienne ; qu'il n'exerce que l'activité d'exploitant agricole alors que le demandeur a une autre activité qu'il exerce à temps plein ; que, par ailleurs, M. X ne répond pas aux conditions de diplôme ou d'expérience professionnelle visées par les articles L. 331-2 et R. 331-1 du code rural ; que M. X ne peut prétendre avoir accès au bénéfice des aides à l'installation et ne saurait en conséquence être considéré comme prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur départemental des structures de la Somme ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2006 portant clôture de l'instruction au
29 septembre 2006 à 16 heures 30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2006, présenté pour M. Marlys X, demeurant ..., par la SCP Croissant-De Limerville-Orts, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. Y à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. X fait valoir que les moyens de légalité externe, qui n'ont pas été soulevés en première instance par M. Y, ne sont pas recevables ; qu'au surplus, ces moyens ne sont pas fondés ; que la pluriactivité, comme l'a jugé le tribunal administratif, n'est pas un obstacle à l'octroi d'une autorisation administrative d'exploiter ; que la capacité ou l'expérience professionnelle ne sont que des critères de soumission au contrôle des structures ; qu'il n'existe aucun lien entre le bénéfice des aides à l'installation et le caractère prioritaire d'une demande d'autorisation d'exploiter ; qu'en tout état de cause, cet élément n'a nullement été souligné par le préfet pour motiver sa décision ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2006 par télécopie et son original enregistré le 6 octobre 2006, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête ; le ministre fait valoir que les moyens de légalité externe soulevés pour la première fois en appel par M. Y, qui n'a fait valoir, dans sa demande de première instance, que des moyens de légalité interne, ont le caractère d'une demande nouvelle et sont, en conséquence, irrecevables ; que l'appelant ne présente pas de moyens d'appel mettant la Cour à même de juger du bien-fondé de la requête, se contentant de reprendre les moyens de légalité interne déjà développés en première instance ; que le fait d'exercer une profession autre que celle d'exploitant agricole ne saurait constituer un obstacle à la délivrance par le préfet d'une autorisation d'exploiter ; que les articles L. 331-2 et R. 331-1 du code rural relatifs aux conditions d'applicabilité de la procédure de contrôle des structures agricoles ne peuvent être utilement invoqués pour contester la légalité d'une décision d'autorisation d'exploiter des terres ; que M. Y ne saurait se prévaloir de la méconnaissance par le préfet des priorités du schéma directeur départemental des structures de la Somme lesquelles ne sont applicables qu'en présence de plusieurs candidatures concurrentes ; que le préfet de la Somme a pu, à bon droit, se fonder sur les dispositions de l'article 1er (1-1) du schéma directeur qui vise à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles inférieures à une unité de référence afin de faire en sorte qu'elles puissent atteindre ce seuil ; que le préfet a apporté, dans sa décision, des informations suffisamment précises sur la situation comparée du demandeur et du preneur en place ; que M. Y, après reprise, disposera encore d'une superficie proche de trois unités de référence alors que la superficie mise en valeur par M. X sera encore en deçà d'une unité de référence ; que la décision est ainsi suffisamment motivée ;
Vu l'ordonnance en date du 2 octobre 2006 portant report de l'instruction du
29 septembre 2006 à 16 heures 30 au 2 novembre 2006 à 16 heures 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et M. Albert Lequien, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y qui avait soulevé dans sa requête introductive d'instance, devant le tribunal administratif, le moyen de légalité externe tiré du défaut de motivation de la décision attaquée est recevable à se prévaloir, pour la première fois en appel, du moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui relève de la même cause juridique ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code rural, dans sa rédaction résultant de l'article 8-I de la loi du 9 juillet 1999 : « Il est institué auprès du représentant de l'Etat dans le département, qui la préside, une commission départementale d'orientation de l'agriculture composée notamment de représentants des ministres intéressés, de la production agricole, des propriétaires et des fermiers-métayers, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, de l'artisanat et du commerce indépendant de l'alimentation, des consommateurs et des associations agréées pour la protection de l'environnement, ainsi que d'un représentant du financement de l'agriculture. Sa composition est fixée par décret. (…) » ; que l'article 1er du décret du 26 août 1999 modifiant l'article R. 313-1du code rural fixant la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, pris en application de l'article L. 3313-1 du code rural, a été annulé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 213776 en date du 28 février 2001 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Somme du 10 juin 2003 autorisant M. Marlys X à exploiter 10 hectares 60 ares 30 centiares de terres sises sur les communes de Moliens Dreuil et de Saint Aubin Montenoy, a été pris après consultation de la section « structure économie des exploitations et coopératives » de la commission départementale d'orientation de l'agriculture dont la composition a été fixée par arrêté du préfet de la Somme des 1er octobre 1999 et 3 juillet 2001 ; que l'arrêté du
1er octobre 1999 fixant la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et l'arrêté du 3 juillet 2001 fixant la composition de la section « structures, économie des exploitations et coopérations » de cette commission, ont été pris sur le fondement de l'article R. 313-1 du code rural dans sa rédaction issu de l'article 1er du décret du
26 août 1999 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cet article a été annulé par le Conseil d'Etat par une décision en date du 28 février 2001 ; que dès lors étant dépourvus de base légale, ces arrêtés sont eux-mêmes illégaux ; que, par suite, la décision du préfet de la Somme en date du
16 juin 2003, intervenue après consultation le 5 mai 2003 de la section « structures, économie des exploitations et coopérations » irrégulièrement composée, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de l'agriculture et de la pêche) à verser à M. Y une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de condamner M. Y, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, à payer la somme que demande M. X, partie perdante, au titre des frais de même nature ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0301594 en date du 16 mars 2006 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La décision du préfet de la Somme en date du 16 juin 2003 est annulée.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'agriculture et de la pêche) versera à M. Y une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Régis Y, à M. Marlys X ainsi qu'au ministre de l'agriculture et de la pêche.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
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N°06DA00637