Vu le recours, enregistré le 7 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté pour le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; le ministre demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0104252 en date du 23 mars 2004 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a prononcé l'annulation, à la demande de M. Yves X, de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de la commune de Thenelles ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'elle est dirigée contre ledit arrêté ;
Il soutient que le Tribunal administratif d'Amiens s'est borné à prononcer l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de Thenelles, par voie de conséquence de l'annulation d'un précédent arrêté, décidant les opérations de remembrement et fixant leur périmètre, sans se prononcer au préalable sur le caractère définitif dudit arrêté préfectoral, ni préciser, dans l'hypothèse où il ne serait pas devenu définitif, qu'il a été pris sur le fondement de l'arrêté annulé ou qu'il a fait application de ce dernier ; que, dans cette mesure, le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ; qu'au fond, le tribunal administratif a commis une erreur de droit, dès lors que l'arrêté par lequel un préfet institue une association foncière est pris au vu de la délibération du conseil municipal et de la décision de la commission communale d'aménagement foncier définissant les travaux et non sur le fondement ou pour l'application de l'arrêté ordonnant les opérations d'aménagement foncier ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 août 2004, présenté pour M. Yves X, demeurant ..., par Me Bufquin ; M. X conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 067,14 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le jugement attaqué est suffisamment motivé ; que ce même jugement n'est entaché d'aucune erreur de droit, le tribunal administratif ayant à bon droit relevé que l'annulation de l'arrêté préfectoral décidant le remembrement et en fixant le périmètre emporte l'annulation de tous les actes qui lui sont consécutifs ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2006, présenté pour M. X, par Me Broutin ;
M. X conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, la somme qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant, toutefois, portée à
1 500 euros, par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2006 par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 29 septembre 2006 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigittte Phémolant, président-assesseur ;
- les observations de Me Broutin, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, par le jugement attaqué du 23 mars 2004, le Tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M. X, a prononcé l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 27 novembre 1995 décidant d'engager un remembrement rural sur le territoire de la commune de Thenelles et fixant le périmètre de ces opérations ; que, par ce même jugement, le Tribunal a estimé que cette annulation entraînait par voie de conséquence celle de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de la commune de Thenelles, sans toutefois motiver ledit jugement sur ce point ; que, par suite, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES, qui forme appel de ce jugement en tant seulement qu'il a annulé le second de ces arrêtés, est fondé à soutenir que le jugement attaqué est, dans cette mesure, entaché d'une insuffisance de motivation ;
Considérant qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement communale, et de statuer par la voie de l'évocation sur lesdites conclusions ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 133-1 du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, applicable au litige : « A l'intérieur d'un périmètre de remembrement, il est constitué entre les propriétaires des parcelles à remembrer une association foncière chargée de la réalisation, de l'entretien et de la gestion des travaux et ouvrages mentionnés aux articles L. 123-8, L. 123-23 et L. 133-3 à L. 133-5 (…) », d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 123-12 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 11 décembre 1992, applicable au litige : « Du jour du transfert de propriété résultant de la clôture des opérations de remembrement, les immeubles qui en sont l'objet ne sont plus soumis qu'à l'exercice des droits et actions nés du chef du nouveau propriétaire. / La date de clôture des opérations est celle du dépôt en mairie du plan définitif du remembrement, ce dépôt étant constaté par un certificat délivré par le maire (…) » et qu'aux termes de l'article R. 121-29 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 28 janvier 1995 : « Au vu du plan du ou des aménagements fonciers et du projet de travaux connexes approuvés par la commission communale ou intercommunale et si aucune réclamation n'a été introduite devant la commission départementale dans le délai prévu à l'article R. 121-6 ou, dans le cas contraire, au vu du plan approuvé par la commission départementale, le préfet prend un arrêté par lequel : (…) 3° Il ordonne le dépôt en mairie du plan ; 4° Il constate la clôture des opérations à la date de ce dépôt ; (…) » ;
Considérant que le propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre d'une opération d'aménagement foncier peut demander l'annulation de l'acte ordonnant la réalisation de l'opération d'aménagement foncier, laquelle, si elle est prononcée par le juge, est, en principe, de nature à entraîner par voie de conséquence celle de tout acte pris sur le fondement de cet arrêté qui a été déféré au juge de l'excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ; que toutefois, eu égard à l'atteinte excessive à l'intérêt général et au respect du droit de propriété des autres intéressés qui résulterait d'une remise en cause générale des opérations d'aménagement foncier à une date postérieure à celle du transfert de propriété, le juge de l'excès de pouvoir ne peut annuler l'acte ordonnant les opérations ou suspendre son exécution que jusqu'à la date du transfert de propriété ; que, statuant après cette date sur un recours dirigé contre un acte pris dans le cadre des opérations d'aménagement foncier, il ne peut faire droit à un moyen tiré de l'illégalité de l'acte ordonnant ces opérations que si celui-ci a fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension avant le transfert de propriété ;
Considérant, d'une part, que l'arrêté par lequel le préfet institue une association foncière de remembrement, dont l'unique objet est de financer et de mettre en oeuvre les travaux connexes au remembrement et dont l'étendue de la compétence est déterminée par le périmètre des opérations, doit être considéré comme pris sur le fondement de l'arrêté préfectoral ordonnant le remembrement et fixant le périmètre de celui-ci, nonobstant la circonstance que la création de ladite association intervienne afin de permettre, en l'absence de financement par la commune, la réalisation des travaux décidés par la commission d'aménagement foncier ainsi qu'en dispose l'article L. 133-2 du code rural ; que, d'autre part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES que les opérations de remembrement conduites en l'espèce sur la commune de Thenelles aient fait l'objet de la clôture prévue par les dispositions précitées des articles L. 123-12 et R. 121-29 du code rural ni que l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de la commune de Thenelles soit devenu définitif ; que, dans ces conditions, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de Thenelles, par voie de conséquence de celle, prononcée avant clôture des opérations de remembrement et devenue définitive, de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 1995 décidant d'engager un remembrement rural sur le territoire de la commune de Thenelles et fixant le périmètre des opérations ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0104252 en date du 23 mars 2004 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. Yves X dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de Thenelles.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 9 avril 1997 instituant l'association foncière de remembrement de Thenelles est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. Yves X une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et à M. Yves X.
Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.
N°04DA00475 2