Vu l'arrêt n° 06DA01462, en date du 29 décembre 2006, par lequel la Cour administrative d'appel de Douai a déclaré non-avenue l'ordonnance n° 06DA01227 du 5 octobre 2006 du président de la 1ère chambre de la Cour comme entachée d'une erreur matérielle et a rouvert l'instruction de la requête n° 06DA01227 ;
Vu la requête n° 06DA01227, enregistrée le 5 septembre 2006, présentée par
M. Francis X, demeurant ... ; il demande à la Cour de prononcer l'annulation des deux jugements prononçant le rejet de ses conclusions dirigées contre les deux arrêtés préfectoraux le plaçant en centre de soins ; il soutient qu'il n'a pas reçu notification de ces jugements mais en a appris l'existence ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 septembre 2006 par télécopie, régularisé par la réception de l'original le 14 septembre 2006, présenté pour M. X, demeurant ..., par Me Mougel, avocat ; il demande :
1°) d'annuler le jugement n° 0602274, en date du 20 juillet 2006, par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord, en date du 28 mars 2006, prononçant son hospitalisation d'office ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir qu'aucun certificat médical n'a été annexé à l'arrêté attaqué ; que le Tribunal en estimant cette circonstance sans incidence a commis une erreur de droit ; que la motivation de l'arrêté est insuffisante au regard des exigences de l'article L. 3213-4 du code de la santé publique et entraînera l'annulation de la décision litigieuse ; que le préfet qui vise les articles L. 3213-7 et
L. 3213-8 du code de la santé publique, n'en a pas respecté les exigences ; que ces dispositions imposaient que le certificat médical émanât d'un psychiatre n'exerçant pas dans l'établissement ; qu'en l'espèce, le simple relevé de situation est établi par un praticien hospitalier de l'établissement public de santé mentale des Flandres ; que s'agissant d'une hospitalisation à durée indéterminée, seul le respect strict des procédures légales permet de sauvegarder et garantir les libertés individuelles ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, l'obligation d'un certificat médical circonstancié émanant d'un psychiatre extérieur ne se rapporte pas à la première décision d'hospitalisation d'office ; que l'arrêté préfectoral ne satisfait pas à l'exigence de motivation prévue par l'article
L. 3213-1 du code de la santé publique ; qu'en vertu de l'article L. 3213-4 du code de la santé publique, son placement d'office ne pouvait pas intervenir pour une durée indéterminée mais uniquement pour une période de six mois maximum ; que la décision préfectorale viole ces dispositions ; qu'en vertu du même article, l'établissement devait produire à l'appui de ses demandes de maintien d'hospitalisation d'office, des certificats médicaux établis à intervalles réguliers durant cette hospitalisation ; que si un des certificats n'est pas produit, la levée de l'hospitalisation est acquise ; qu'en l'espèce, l'administration ne produit aucun des certificats médicaux faisant état de la santé psychiatrique de l'intéressé ; que le certificat de situation produit est manifestement insuffisant pour justifier le placement en hospitalisation d'office ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2007, présenté par le préfet du Nord, qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient qu'à la date de l'ordonnance de non-lieu, l'intéressé était déjà en hospitalisation d'office en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique jusqu'au 22 avril 2006 ; que le mode d'hospitalisation a donc été modifié par l'arrêté préfectoral attaqué du 28 mars 2006 en application de l'article L. 3213-7 du même code ; que les dispositions dudit code n'ont donc pas été méconnues ; que son arrêté n'était pas insuffisamment motivé ; que, contrairement à ce qu'affirme M. X, l'article L. 3213-7 du code de la santé publique n'impose nullement, compte tenu de sa situation, que l'avis médical motivé émane d'un psychiatre extérieur à l'établissement dans lequel il était déjà placé ; que ce sont les dispositions de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique relatives à la levée d'hospitalisation qui imposent un examen conforme par deux psychiatres extérieurs à l'établissement ; qu'il ne s'agissait pas ici d'un arrêté de levée d'hospitalisation ; qu'il ne pouvait plus être fait application des dispositions de l'article L. 3213-4 précitées ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 juin 2007 par télécopie, présenté pour
M. X qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2007 à laquelle siégeaient
M. Olivier Yeznikian, président-rapporteur, M. Albert Lequien, premier conseiller et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 23 juin 2007 et dont l'original a été reçu le 26 juin 2007, présentée pour M. X ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que le Tribunal administratif de Lille a rejeté, par deux jugements distincts rendus le 20 juillet 2006, d'une part, les conclusions présentées par M. X, tendant, sous le n° 0507203, à l'annulation de l'arrêté, en date du 20 octobre 2005, par lequel le préfet du Nord a ordonné la prolongation de l'hospitalisation d'office de M. X pour une durée maximum de six mois à compter du 23 octobre 2005, et tendant, d'autre part, sous le n° 0602274, à ce que soit ordonnée une expertise psychiatrique judiciaire ainsi qu'à ce que soit annulé l'arrêté, en date du 28 mars 2006, par lequel le préfet du Nord a décidé le maintien de l'intéressé en hospitalisation d'office ; que, par sa requête introductive d'appel, enregistrée, le 5 septembre 2006, sans ministère d'avocat, M. X a sollicité l'annulation des « deux jugements » précités en indiquant qu'il ne les avait pas reçus ; qu'il résulte de l'instruction que ces jugements, notifiés à la seule adresse connue de M. X, ont été présentés pour la première fois le 28 juillet puis retournés le 14 août 2006 et reçus en retour au Tribunal le 17 août suivant, avec la mention « non réclamé » ; que, toutefois, par un mémoire complémentaire, enregistré le 14 septembre 2006 au greffe de la Cour, présenté, en tout état de cause, dans le délai de recours contentieux et par ministère d'avocat, M. X a régularisé sa requête en sollicitant uniquement, cette fois, l'annulation du jugement n° 0602274, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 28 mars 2006 ; qu'il y a lieu, par suite, dans le dernier état des écritures de M. X, de statuer sur ces dernières conclusions ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 28 mars 2006 :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que le premier alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique énonce que : « A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat, prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire » ; que le premier alinéa de l'article L. 3213-4 du même code dispose : « Dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d'un psychiatre, le maintien de l'hospitalisation d'office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3213-7 dudit code : « Lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un non-lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement en application des dispositions de l'article 122-1 du code pénal nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public, elles avisent immédiatement le représentant de l'Etat dans le département, qui prend sans délai toute mesure utile, ainsi que la commission mentionnée à l'article L. 3222-5. L'avis médical mentionné à l'article
L. 3213-1 doit porter sur l'état actuel du malade » ;
Considérant qu'avisé de l'intervention d'une ordonnance de non-lieu, rendue le 23 mars 2006 en application de l'article 122-1 du code pénal, le préfet du Nord a, par son arrêté contesté du
28 mars 2006, prononcé, sur le fondement de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, le maintien en hospitalisation d'office de M. X « jusqu'à ce qu'il en soit décidé autrement », au centre de soins « La Tonnelle » à Rosendaël - centre dépendant de l'établissement public de santé mentale des Flandres de Bailleul -, où il séjournait jusque là en application de l'article L. 3213-4 du même code ; que, pour prendre cette nouvelle décision, il est constant que le préfet du Nord a visé et retenu les termes d'un avis médical émanant d'un médecin psychiatre de l'établissement accueillant M. X ; que, par suite, et contrairement aux dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, ledit avis médical ne correspondait pas à celui « mentionné à l'article L. 3213-1 » qui, selon cet article, non seulement, doit être circonstancié mais également ne pas émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade ; que, par suite, et alors même que jusque-là, le maintien de M. X en hospitalisation d'office sur le fondement du seul article L. 3213-4 du code de la santé publique avait pu être pris sur la base d'un avis émanant d'un psychiatre de l'établissement, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 28 mars 2006 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de condamner l'Etat, partie perdante, à verser à M. X la somme de 1 500 euros dont il réclame le paiement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement, n° 0602274, du Tribunal administratif de Lille, en date du
20 juillet 2006, et la décision du préfet du Nord, en date du 28 mars 2006, décidant le maintien en hospitalisation d'office de M. X, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Francis X, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie sera transmise en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dunkerque.
N°06DA01227 2