Vu la requête, enregistrée le 9 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile d'exploitation agricole X, dont le siège est Ferme du Château à Gauchin-le-Gal (62150), par Me Deschryver ; la société X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0403493 du 23 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1994 et 1996, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les dépenses de remise en état de la bétaillère pouvaient être déduites au titre des charges de l'exercice dès lors qu'elles n'ont pas eu pour effet de prolonger la durée d'utilisation de ce bien ; que les travaux réalisés sur les bâtiments de la ferme lui ont profité et que, dès lors, les intérêts des emprunts ayant servi à financer ces travaux pouvaient être déduits par elle ; que l'absence de dotations aux amortissements des chevaux de course immobilisés ne procède que d'une erreur matérielle ; que le seul fait que les matériels composant les exploitations agricoles de Gauchin-le-Gal et de Caucourt ont été acquis pour des valeurs supérieures à leur valeur résiduelle comptable ne caractérise pas l'acte anormal de gestion ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que les factures relatives à la bétaillère montrent que les travaux ont eu pour objet d'augmenter la valeur de ce bien et d'en prolonger la durée de l'utilisation ; que les intérêts des emprunts n'étaient pas déductibles dès lors que les bâtiments d'exploitation qui ont fait l'objet des travaux financés par ces emprunts n'ont pas été apportés à la société et sont restés dans le patrimoine privé de M. Y, associé ; que les amortissements relatifs aux chevaux reproducteurs immobilisés n'ayant pas fait l'objet des écritures de dotations correspondantes mais d'écritures de stocks, le vérificateur pouvait rectifier les variations de stocks et appliquer le régime des plus-values prévu par l'article 39 duodecies du code général des impôts ; que les éléments d'actifs des deux exploitations agricoles ont été acquis à des valeurs forfaitaires ou à neuf, sans évaluation sérieuse de la valeur de ces biens ; que les amortissements, remis en cause sur la base de la théorie de l'acte anormal de gestion, pouvaient être réduits selon une évaluation faite sur la base de données propres au secteur agricole ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- les observations de Me Salmon, pour la société X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise (…) » ;
Considérant, en premier lieu, que la dépense de 53 976,90 francs portée en charges de l'exercice 1994 par la société X correspond à trois factures établies le même jour par un carrossier industriel pour des travaux effectués sur une bétaillère ; que ces travaux ont consisté en le remplacement complet du plancher, en des travaux de sablage du châssis et en la modification des pont et portes arrière ainsi qu'en l'installation de l'électricité et la transformation des séparations intérieures ; que par leur nature et leur importance, ces travaux de modification du bien ont eu pour effet d'en augmenter la valeur et de prolonger notablement sa durée d'utilisation ; que les dépenses de sablage du châssis, qui ne sont pas dissociables des travaux entrepris sur le véhicule, concourent à l'accroissement de la valeur de cet élément d'actif qui ne pouvait faire l'objet que d'amortissements ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bénéfices de l'exercice 1994 en litige la somme susmentionnée ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. Y, qui possède la majorité des parts de la société requérante, a mis gratuitement à disposition de cette dernière les bâtiments d'exploitation de la ferme de Gauchin-le-Gal dont il est propriétaire, il n'a conclu avec cette société aucune convention prévoyant le remboursement des charges financières afférentes à l'entretien desdits bâtiments ; que dès lors qu'il est constant que les emprunts destinés à financer lesdits travaux ont été souscrits en 1989 à titre personnel par M. Y qui a conservé les bâtiments dans son patrimoine privé, l'administration établit le caractère anormal de la prise en charge des intérêts de ces emprunts par la société X, laquelle se borne à affirmer sans l'établir que les travaux en litige ont été utiles à son exploitation ; que ces charges financières pouvaient donc être rapportées aux résultats de la contribuable des exercices 1994 et 1996 ;
Considérant, en troisième lieu, que si la société X a pris la décision, qui lui est opposable, d'inscrire l'ensemble de ses chevaux parmi ses immobilisations, elle n'a pratiqué aucun amortissement de leur valeur avant la clôture de chaque exercice vérifié ; que ni la circonstance que l'absence de comptabilisation de dotations aux amortissements procèderait d'une erreur matérielle, ni le fait que la dépréciation de la valeur des éléments d'actif en litige a été constatée dans le compte de variation de stock ne sont de nature à pallier l'absence de comptabilisation régulière des amortissements ; que, par suite, l'administration était en droit de remettre en cause les déductions pratiquées par la société requérante ainsi que le montant des plus-values de cession de ses chevaux reproducteurs en retenant leur valeur d'achat et non leur valeur diminuée d'une dépréciation par voie de décote directe ;
Considérant, enfin, que la société X a fait l'acquisition, en 1994, de matériels et d'agencements composant les exploitations des fermes de Gauchin-le-Gal et de Caucourt pour les prix respectifs de 1 129 415 francs et 250 000 francs ; que le prix d'acquisition des matériels, fixé forfaitairement, est supérieur ou équivalent à la valeur à neuf des biens alors que ces derniers étaient totalement amortis, à la seule exception de trois machines dont la valeur résiduelle totale n'excédait pas 20 680 francs ; que l'administration, qui fait valoir sans être contestée sur ce point que le cédant disposait de 98 % des parts de la société X cessionnaire, établit le caractère anormal de la valeur de reprise des matériels ; que la société, qui se borne à soutenir de façon générale que des biens amortis en totalité peuvent néanmoins conserver une valeur utile importante, n'apporte aucune justification sur la valeur exacte des biens en litige et ne conteste pas sérieusement la méthode d'évaluation retenue par le vérificateur ; que celui-ci était, par suite, en droit de remettre en cause les amortissements pratiqués au titre des immobilisations acquises par la contribuable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile d'exploitation agricole X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°06DA01094