Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société PAN LUX, dont le siège est 7 rue de l'Our à Reisdorf (L9390), Luxembourg, par le Groupement Strasbourgeois d'Avocats GSA ; la société PAN LUX demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0403962 en date du 14 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999, 2000 et 2001 ainsi que des pénalités y afférentes et à ce qu'une somme de 6 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais irrépétibles ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) subsidiairement, de fixer le bénéfice de la société PAN LUX aux résultats tels qu'ils résultent des comptes dûment déposés auprès de l'administration fiscale luxembourgeoise ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que, étant une société de droit luxembourgeois, elle relève du droit fiscal luxembourgeois et que l'administration fiscale française ne possède aucun droit de contrôle à son encontre ni de recouvrement direct d'un impôt sauf pour le vérificateur de démontrer que la société possédait un établissement stable en France au sens de l'article 4 de la convention
franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, ce que la notification de redressement du
11 décembre 2002 ne fait pas ; qu'en effet, l'activité de vente de la société PAN LUX, qui ne représente qu'une très faible partie de son activité et consiste simplement à obtenir d'une municipalité le droit d'implanter un panneau, s'exerce au Luxembourg ; que le jugement qui ne procède pas à une analyse détaillée de l'activité est insuffisamment motivé ; que l'activité principale de la société, qui consiste en la réalisation de panneaux publicitaires, s'exerce exclusivement au Luxembourg ; que le travail de M. X qui est de coordonner l'activité des différents prestataires, se localise nécessairement et exclusivement au Luxembourg et ne nécessite pas de stockage mais simplement un bureau et des moyens modernes de communication ; que les locaux où est installée la société lui appartiennent et ont une consistance suffisante ; que l'administration fiscale n'a apporté aucun élément de nature à établir que cette activité serait située en France ; que le contrôle des prestataires s'effectue à l'extérieur des locaux de la société ; qu'il existe bien au siège de la société, où le nom de la société figure et où elle a un numéro de téléphone, des éléments permettant de réaliser son activité ; que tel n'est pas le cas au domicile privé de M. et Mme X où les éléments trouvés n'établissent pas une activité habituelle ; que l'activité en France n'est pas établie par les deux seules commandes constatées, au demeurant pour une période antérieure à la vérification ; que le kilométrage des véhicules de M. et Mme X établit l'exercice de leur activité hors du domicile ;
- que la procédure est entachée de nullité faute pour l'administration d'avoir satisfait la demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires présentée par la société ; que la commission était compétente dès lors qu'il existait un désaccord sur le montant du bénéfice attribué au prétendu établissement français et que sa saisine était obligatoire ; que le Tribunal n'a pas répondu à l'argumentaire de la société ;
- qu'à titre subsidiaire, le montant des sommes imposées est excessif ; qu'en effet, la convention franco-luxembourgeoise ne permet l'imposition en France que des seules activités effectives de l'établissement stable ainsi qu'en dispose l'instruction 4-H-1422 nos 20 et 21 du
1er mars 1995 ; que les activités réalisées directement par le siège ne peuvent être taxées ; qu'en l'espèce, l'ensemble de l'activité a été attribuée à l'établissement situé en France alors que les éléments relevés par le contrôleur ne permettaient pas d'y rattacher la vérification des maquettes, de coordination des différents corps de métier, la validation des bons à tirer, le lancement et la vérification de la production, le contrôle des commissions et la reddition des comptes ; qu'il appartenait à l'administration de justifier la détermination des recettes de la société au titre d'une activité exercée en France, ce qui n'a pas été fait ; que les sommes ont été déterminées à partir d'un raisonnement vicié dans son principe puisque l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires à partir des commissions qu'elle a estimé équivalentes à 30 % de l'activité alors que le chiffre d'affaires de la société résulte en quasi-totalité de ces commissions ; que les comptes produits établissent l'exagération de la taxation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête ; il soutient :
- que la requête est tardive compte tenu de la date de réception qui figure sur la copie du jugement jointe à l'appel ;
- que les associés de la société PAN LUX respectivement gérant salarié et salariée de la société sont domiciliés en France ; que la société exerce l'activité de vente et de réalisation de panneaux publicitaires essentiellement pour le compte de deux sociétés françaises dénommées Cedra et Espace Com ; que les investigations menées et les renseignements obtenus au cours du contrôle et dans le cadre de l'assistance administrative démontrent que la société PAN LUX n'exerce pas de manière effective son activité au Luxembourg mais en France ; que l'existence d'un établissement stable suppose qu'un représentant de l'entreprise soit présent et exerce effectivement et de manière permanente une activité dans son bureau ; que le local luxembourgeois de la société, de taille réduite situé dans une résidence d'habitation ne possède aucune ligne de téléphone fixe et qu'aucun personnel n'y est employé ; que la société figure dans l'annuaire luxembourgeois pour un téléphone portable et à une ancienne adresse, antérieure au transfert de siège social ; que la ligne téléphonique de M. et Mme X a été utilisée quotidiennement au cours des mois de septembre à novembre 2001 pour des appels professionnels ; que de nombreux indices concordants démontrent l'absence d'activité au Luxembourg alors qu'au contraire elle est menée depuis le domicile privé de
M. et Mme X ; que leur domicile constitue un établissement stable de la société en France ;
- que la contestation des impositions portait exclusivement à la suite de la notification de redressement sur la détermination du lieu d'imposition ce qui ne relevait pas de la compétence de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires ;
- que le chiffre d'affaires a été reconstitué à partir du montant des commissions des sociétés Cedra et Espace Com et représentant selon les propres allégations de
M. et Mme X 30 % de l'activité de la société ; que la comptabilité de la société n'a pu être examinée en raison du statut de la société et du refus qu'elle a opposé à ce contrôle ; que compte tenu de la procédure suivie, la charge de la preuve pour les années 2000 et 2001 repose sur la société ; que la société n'apporte aucun élément nouveau autre qu'une « quittance de recettes » qui n'établit ni les opérations ni le montant des bénéfices réalisés ;
- que la demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions au titre des dépens ne sont pas fondées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Patrick Minne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur l'assujettissement de la société PAN LUX à l'impôt sur les sociétés en France :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts alors applicable : « I . Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et
302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. » ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg pour éviter les doubles impositions, modifiée : « 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. » et qu'aux termes de l'article 2 de cette même convention : « 1° Le terme « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des éléments résultant des investigations de l'administration, des renseignements obtenus dans le cadre de l'assistance administrative prévue à l'article 22 de la convention précitée et des indications fournies par les deux associés de la société PAN LUX, que ladite société exerce une activité de vente et de réalisation de panneaux publicitaires notamment pour le compte de deux sociétés françaises Cedra et Espace Com ; que sur les correspondances commerciales de la société figurent, en sus de son adresse luxembourgeoise, les coordonnées téléphoniques du domicile personnel des associés de la société, situé à Bruay-sur-Escaut en France, à partir duquel des correspondances commerciales et des appels téléphoniques professionnels sont reçus et adressés ; qu'ainsi, même si le siège social de la société est situé au Luxembourg où il est d'ailleurs établi dans un studio à usage d'habitation qui ne dispose d'aucune ligne téléphonique fixe et où n'est employé aucun préposé, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un établissement stable d'affaires en France à partir duquel s'exerçait l'activité de la société PAN LUX ; que les requérants n'apportent eux-mêmes aucun élément probant de nature à contredire les éléments ainsi relevés ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les revenus provenant de cette activité étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en France ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que pour l'année 1999, le seul différend avec l'administration portait sur le lieu d'exercice de l'activité, ce qui constitue une question de droit que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas compétente pour connaître et que pour les années 2000 et 2001, les redressements ont été notifiés selon la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la circonstance que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ait pas été saisie, alors que la société PAN LUX en avait fait la demande, n'entache pas la procédure d'imposition d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de la société PAN LUX a été reconstitué à partir du montant des commissions perçues par les sociétés Cedra et
Espace Com qui, selon les déclarations de M. et Mme X lors de l'examen de leur situation fiscale d'ensemble, représentait 30 % de l'activité de la société PAN LUX ; que la société requérante n'apporte aucun élément probant de nature à contredire ces affirmations ; que si la société se prévaut de l'instruction 4-H-1422 nos 20 et 21 du 1er mars 1995 pour soutenir que l'administration aurait dû faire la part entre l'activité exercée au Luxembourg et celle exercée en France, seule susceptible d'y être imposée, elle n'apporte pas plus d'élément de nature à établir l'existence et la consistance d'une activité distincte de celle accomplie en France ; que si elle demande que le chiffre d'affaires retenu corresponde au montant de celui déclaré à l'administration fiscale luxembourgeoise, la « quittance de recettes » relative aux années 2000 et 2001 ne permet pas d'établir la consistance de l'activité luxembourgeoise qu'elle demande de retrancher des résultats de la société ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'Etat, que la société PAN LUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et sur les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société PAN LUX la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société PAN LUX est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société PAN LUX et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N°06DA01524 2