Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2007 par télécopie et confirmée le 29 juin 2007 par la production de l'original au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME, qui demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701192, en date du 14 mai 2007, par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté préfectoral du
11 mai 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Ferhat X et fixant le pays de destination de la reconduite et a enjoint audit préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X en première instance ;
Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé dès lors que celui-ci, qui est célibataire sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et n'apporte pas la preuve qu'il réside depuis huit ans en France ; que la circonstance que M. X a noué des relations amicales en France et parle le français ne suffit pas à établir l'erreur manifeste ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance du 6 juillet 2007 fixant la clôture de l'instruction au 31 août 2007 à
16 h 30 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2007 par télécopie et confirmé par l'original le 22 octobre 2007, présenté pour M. Ferhat X, demeurant à ..., par Me Demir ; M. X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle dès lors qu'il vit de façon continue sur le territoire français depuis neuf ans, qu'il maîtrise le français et justifie d'une bonne intégration au sein du foyer qui l'héberge, qu'il n'a pas gardé de lien effectif avec sa famille restée dans son pays d'origine, qu'il dispose d'une promesse d'embauche et qu'il remplit ses obligations fiscales ;
Vu l'ordonnance du 17 octobre 2007 portant réouverture d'instruction ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 octobre 2007 par télécopie, soit après la clôture de l'instruction, présenté par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la désignation du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2007 :
- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;
- les observations de Me Demir, pour M. X ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME relève appel du jugement du
14 mai 2007 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 11 mai 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (…) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré sur le territoire français le 17 mars 1998 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable jusqu'au 26 mars 1998 et s'est maintenu sur le territoire au-delà de cette date ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas visé à l'article L. 511-1-II-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que les circonstances retenues par le premier juge, selon lesquelles M. X, qui vit en France depuis 1998, travaille dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, est parfaitement intégré au sein du foyer dans lequel il vit et parle parfaitement le français ne suffisent pas à établir que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé alors qu'il a fait l'objet d'un premier arrêté de reconduite à la frontière le 17 août 1998, d'une invitation à quitter le territoire le 3 juillet 2001 à la suite du rejet de sa demande d'asile, d'un deuxième arrêté de reconduite à la frontière le 21 août 2001 et qu'il n'est pas établi qu'il soit dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi et quelque soit l'intensité des liens amicaux qu'il a pu tisser en France, c'est à tort que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Rouen s'est fondée sur l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de M. X pour annuler l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour administrative d'appel de Douai, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par
M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que si M. X soutient que la motivation de l'arrêté contesté est laconique et serait contraire à la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, il ressort des pièces du dossier que ledit arrêté comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, entré en France en 1998 à l'âge de 22 ans, est célibataire et sans enfant ; qu'il n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ni posséder de telles attaches en France alors que son père, qu'il est venu rejoindre en France, est décédé en 2002 ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets de la mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 11 mai 2007 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que si M. X fait valoir qu'il présente des problèmes cardiaques nécessitant des soins ne pouvant être dispensés qu'en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale régulière dont il ne pourrait pas bénéficier en Algérie ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » ;
Considérant que si M. X soutient qu'en cas de retour en Algérie il serait soumis à des traitements inhumains ou dégradants, il n'apporte aucun élément à l'appui de ce moyen ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée le 17 mai 2001 ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le PREFET DE LA
SEINE-MARITIME a décidé qu'il serait reconduit à destination du pays dont il a la nationalité serait intervenue en violation des stipulations de l'article 3 de la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande présentée par
M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Sur les conclusions de M. X à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0701192, en date du 14 mai 2007, de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Rouen est annulé et la demande de M. X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. X tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à
M. Ferhat X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
N°07DA00956 2