Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Béatrice épouse HOMONT, demeurant ..., par Me Ranvier ; Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0302285 du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier général du Havre soit jugé responsable des dommages subis dans cet établissement et soit condamné à lui verser la somme de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et à ce que soit ordonné un complément d'expertise en vue de chiffrer son préjudice au titre de l'assistance tierce personne, de l'aménagement de son lieu d'habitation et de l'adaptation d'un véhicule ;
2°) de juger le centre hospitalier général du Havre responsable des dommages subis par l'exposante ;
3°) d'ordonner un complément d'expertise en vue de chiffrer le préjudice de l'exposante au titre de l'assistance tierce personne, de l'aménagement de son lieu d'habitation et de l'adaptation d'un véhicule ;
4°) de condamner le centre hospitalier général du Havre à lui verser une indemnité provisionnelle de 100 000 euros ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier général du Havre une somme de
5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'à la suite de l'intervention pratiquée au centre hospitalier général du Havre le 29 mars 2000, elle reste atteinte d'une paraplégie asymétrique prédominant à gauche ; que les conditions de la responsabilité sans faute sont manifestement réunies ; que c'est également à tort que le tribunal administratif a considéré que l'hôpital n'avait commis aucune faute médicale de nature à engager sa responsabilité ; qu'il est légitime de s'interroger dans le choix même des thérapeutiques pour les trois interventions en raison des complications apparues ; que l'expert a omis de chiffrer certains postes de préjudices pourtant contestables ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'affiner le préjudice subi par l'exposante ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2006, présenté pour le centre hospitalier général du Havre, dont le siège est 55bis, rue Gustave Flaubert au Havre (76863), par Me Coudray ; le centre hospitalier conclut au rejet de la requête et à la condamnation de
Mme à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la jurisprudence Bianchi est inapplicable ; que l'apparition d'une paraplégie au décours d'une intervention sur l'aorte est une complication exceptionnelle connue dont la prévention est, de l'avis de tous les auteurs, presque impossible ; que le fait qu'il y a eu des complications à la suite de l'intervention ne signifie nullement que des fautes médicales ont été commises ; qu'une nouvelle mesure constituerait une mesure frustratoire ; que les demandes d'indemnité provisionnelle et de complément d'expertise ne pourront qu'être rejetées ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2006, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et dont le siège est 50 avenue de Bretagne à Rouen (76039), par Me Julia ; la caisse conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué et à la mise en jeu de la responsabilité du centre hospitalier général du Havre pour absence de soins consciencieux et conformes aux données actuelles de la science, à titre subsidiaire, à la mise en jeu de la responsabilité sans faute du centre hospitalier, dans les deux cas, à ce que soit ordonnée l'expertise sollicitée en désignant un collège d'experts composé d'un chirurgien vasculaire et d'un neurochirurgien, statué sur la demande d'indemnité provisionnelle et réservé les droits de la caisse ; elle soutient que l'expert était salarié de l'établissement mis en cause ; que le dossier du centre hospitalier n'est pas versé aux débats ; qu'il n'apparaît pas que Mme a été un seul moment avisée d'une possible complication et des risques opératoires ; que la responsabilité du praticien qui génère celle du centre hospitalier général du Havre est incontestable ; que l'expert n'apporte aucune réponse précise quant à la cause de l'ischémie médullaire et aux infections nosocomiales ; qu'il ne se penche à aucun moment sur les préjudices économique et personnel de Mme ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2006, présenté pour le centre hospitalier général du Havre qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et à la condamnation de Mme et de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient en outre que, à titre principal, la caisse primaire d'assurance maladie du Havre n'a pas servi de prestations à Mme en relation avec l'accident litigieux et n'a, dès lors, pas d'intérêt lui donnant qualité à agir devant votre Cour ; que, à titre subsidiaire, c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé que les conditions pour que la responsabilité sans faute de l'hôpital soit engagée ne sont pas remplies et que l'exposant n'a commis aucune faute ; que la caisse et la requérante n'ont jamais contesté l'indépendance et la compétence de l'expert ; que l'expert a répondu aux questions de la mission qui lui a été confiée et ses conclusions sont amplement motivées ; que le prétendu défaut d'information n'a pas été invoqué par la patiente ; qu'il n'appartient pas à l'expert de calculer le préjudice économique de la requérante ; que la demande d'expertise de la caisse est manifestement mal fondée ;
Vu la mise en demeure adressée le 9 novembre 2006 à Imadiès, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu la mise en demeure adressée le 9 novembre 2006 à la caisse régionale des artisans et commerçants de Haute-Normandie, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 avril 2007, présenté pour le Régime social des Indépendants, dont le siège est 22 rue de Crosne à Rouen Cedex 1 (76007), par la
SELARL Marguet, Le Coz et Lemarie ; le Régime social des Indépendants conclut à l'annulation du jugement attaqué, à la désignation d'un collège d'experts, à la condamnation du centre hospitalier général du Havre à lui verser la somme de 12 587,08 euros ainsi que la somme de
1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'incompétence de l'expert et sa subordination vis-à-vis de l'une des parties à l'instance affecte la régularité de la procédure d'instruction entraînant l'irrégularité du jugement ; qu'il y a lieu de désigner un nouvel expert ; que la Cour pourra sur la base du rapport versé par la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, retenir la responsabilité sans faute du centre hospitalier général du Havre et, à titre subsidiaire, sa responsabilité pour faute en raison des erreurs pratiquées au cours des interventions chirurgicales ; qu'elle pourra de ce fait verser la provision demandée par Mme et réserver les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen et de l'exposant ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 8 juin 2007, présenté pour le centre hospitalier général du Havre qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et à la condamnation du Régime social des Indépendants à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,
président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, aux droits de laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen se présente, a versé des prestations à Mme du fait de son hospitalisation au centre hospitalier général du Havre ; que ledit centre hospitalier est, dès lors et en tout état de cause, fondé à soutenir que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen ne sont pas recevables ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme a été admise le 15 février 2000 au centre hospitalier général du Havre pour un bilan de santé ; qu'il a été mis en évidence à cette occasion une artériopathie des membres inférieurs avec lésions verruqueuses de l'aorte sous-rénale et migrations d'embols de cholestérol ; qu'une intervention de désobstruction de l'aorte en raison d'une artérite oblitérante de l'aorte et des membres inférieurs lui a été proposée et a été programmée pour le 29 mars 2000 ; que dans la nuit du 29 mars est survenue une thrombose de l'aorte conduisant à une reprise chirurgicale ; qu'une ischémie rénale gauche avec syndrome des loges des deux jambes nécessitant une aponévrotomie de décompression a été également diagnostiquée ; qu'une brutale hémorragie interne au cinquième jour opératoire a nécessité enfin une troisième intervention chirurgicale en urgence ; qu'à la suite de ces complications,
Mme est restée atteinte d'une paraplégie asymétrique, prédominant à gauche, flasque, avec des troubles sensitifs de niveau D12 à gauche, de niveau L2 à droite avec des troubles trophiques distaux aux membres inférieurs, des phénomènes douloureux et des troubles génito-sphinctériens ;
Considérant que Mme conteste le jugement du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en soutenant que la responsabilité du centre hospitalier général du Havre est engagée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges que le traitement chirurgical a été pratiqué par coelioscopie, abord inhabituel pour ce type d'intervention ; que la Cour ne trouve pas au dossier d'éléments permettant d'apprécier les conséquences sur l'état de la patiente du choix de cette technique ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une nouvelle expertise afin de décrire, en premier lieu, l'état de santé de Mme avant son hospitalisation, notamment les pathologies dont elle était atteinte lors de son admission au groupe hospitalier général du Havre et leur évolution prévisible, et, en second lieu, les actes chirurgicaux pratiqués, notamment en ce qui concerne la technique utilisée et les soins dispensés, de donner son avis sur ces interventions et d'indiquer si ces actes ont eu des conséquences sur l'état actuel de Mme ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme Béatrice , procédé à une expertise en vue de :
- prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical de Mme Béatrice ;
- décrire l'état de santé de Mme Béatrice avant l'intervention initiale ;
- décrire l'ensemble des soins et interventions pratiqués lors des trois interventions subies au centre hospitalier général du Havre ;
- dire si l'affection dont Mme Béatrice reste atteinte est en rapport avec l'état qu'elle présentait avant l'intervention ;
- dire si la technique opératoire utilisée a été conforme aux règles de l'art ;
- dire si les choix et interventions pratiqués par les différents praticiens lors de son hospitalisation ont été conformes aux données acquises de la science médicale ;
- plus généralement, donner un avis motivé sur l'existence d'une erreur, d'une insuffisance ou d'une négligence de nature médicale, pendant toute l'hospitalisation de
Mme Béatrice ;
- décrire les lésions et séquelles dont Mme Béatrice demeure atteinte ;
- évaluer la date de consolidation des blessures, le taux de l'incapacité permanente, les souffrances physiques, les préjudices esthétique et d'agrément subis par la requérante en tant qu'ils présentent un lien direct avec les soins et traitements administrés par le groupe hospitalier du Havre, l'éventuelle nécessité de l'assistance d'une tierce personne, de l'aménagement du logement et du véhicule.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Béatrice épouse HOMONT, à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen, au Régime social des indépendants, au centre hospitalier général du Havre et à Imadiès.
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N°06DA00718