Vu la requête, enregistrée par télécopie le 22 décembre 2005, régularisée par la production de l'original le 23 décembre 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, représenté par le président du conseil général, par la SCP de Bezenac, Lamy, Mahiu, Alexandre ; le département demande à la Cour :
11) de réformer le jugement n° 0301857 en date du 14 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation, soit in solidum, soit les uns à défaut des autres, du cabinet Artefact, du groupement solidaire Artefact X, de la société Quillery Bâtiment, de la société Afitest et de la société AINF à lui verser une somme de
1 080 513 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des désordres apparus sur les bâtiments A2 et A Nord du collège Fontenelle après la tempête du
26 décembre 1999 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance en précisant que la société Norisko Construction vient aux droits de la société Afitest et la société Socotec Industries vient aux droits de la société AINF ;
3°) d'augmenter l'indemnité demandée des intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts avec revalorisation à l'indice BT 01 ;
4°) de condamner soit in solidum, soit les uns à défaut des autres, le cabinet Artefact, le groupement solidaire Artefact X, la société Quillery Bâtiment, la société Norisko Construction et la société Socotec Industries aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de l'expert judiciaire ;
5°) de condamner soit in solidum, soit les uns à défaut des autres, les mêmes défendeurs, à verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'il ressort de l'expertise judiciaire que le sinistre important constaté sur les bâtiments A2 et A Nord du collège est survenu pendant la phase 2 de la rénovation ; que l'expert a relevé que les intervenants à l'acte de construire avaient « déshabillé » les bâtiments sans prendre aucune mesure conservatoire ; que le rapport d'expertise relève la responsabilité de l'entreprise Quillery, qui n'a pas pensé à mettre en place un dispositif de contreventement, de la maîtrise d'oeuvre pour les mêmes raisons et qui aurait dû faire effectuer une étude particulière sur la stabilité de la charpente, et du contrôleur technique qui n'a pas signalé la difficulté ; que les constructeurs avaient pourtant conscience de la nécessité de renforcer la stabilité des bâtiments ; que l'expert judiciaire précise que si le facteur déclenchant avait été la tempête de décembre 1999, le sinistre est néanmoins la conséquence de la défaillance des intervenants à l'acte de construire qui n'ont pris aucune mesure pour conforter la charpente après la démolition des éléments de stabilité des bâtiments endommagés que c'est donc à tort que le tribunal administratif a considéré que l'instruction du dossier n'établissait pas que le manque de contreventement ait participé directement à la survenance du dommage ; que la violence du vent dans la nuit du 25 au 26 décembre 1999 ne pouvait être assimilée à un cas de force majeure dès lors que la violence n'était ni exceptionnelle ni imprévisible ; que le tribunal administratif s'est contenté de statuer par affirmations péremptoires sans s'attacher aux conclusions techniques de l'expert et aux développements du commissaire du gouvernement ; qu'en tout état de cause, la société Quillery avait la garde de l'ouvrage et était responsable de celui-ci, le sinistre étant intervenu avant la réception de l'ouvrage ; que s'agissant du montant du préjudice subi, c'est à tort que l'expert a estimé que les travaux de reconstruction des travaux aurait pu démarrer 10 mois plus tôt que la date effective de reprise des travaux ; que les travaux de reconstruction s'élèvent donc bien à la somme de 567 957,96 euros hors taxes et le coût total de la reconstruction à 1 080 513 euros toutes taxes comprises ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 6 mars 2006, régularisé par la production de l'original le 10 mars 2006, présenté pour la société Norisko Construction, nouvelle dénomination de la société Afitest, dont le siège social est 34/36 rue Alphonse Pluchet à Bagneux (92225), par la société d'avocats Le Noble-Loctin-Loudet qui conclut, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre soit limitée à la somme de 2 856,89 euros hors taxes, à titre encore plus subsidiaire, à ce que le montant du préjudice subi par le département soit limité à 317 357,44 euros hors taxes s'agissant du coût de la reconstruction et à 20 326,52 euros hors taxes s'agissant de la location des classes, par la voie de l'appel provoqué à la condamnation de la société Quillery Bâtiment, du cabinet Artefact, du groupement solidaire Artefact-X et de la société AINF à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et enfin à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME et de tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'expert judiciaire a opéré une distinction entre le bâtiment A2 et le bâtiment A Nord ; que s'agissant du bâtiment A2, la cause principale du sinistre est l'ouragan Lothard ; que s'agissant du bâtiment A Nord, nonobstant les mentions portées par le tribunal administratif et le commissaire du gouvernement, il a été retenu par la juridiction que le sinistre était dû à un cas de force majeure ; que compte tenu des caractéristiques de l'ouragan Lothard, celui-ci constitue un cas de force majeure ; qu'à titre subsidiaire et en tout état de cause, aucun lien de causalité adéquat n'est établi entre une éventuelle faute alléguée par le maître d'ouvrage et l'effondrement de la charpente ; que l'absence de contreventement provisoire n'a été révélée que par l'ouragan et n'est pas la cause principale des dégradations ; qu'en tout état de cause, le département n'établit pas que la société Norisko aurait commis une faute à l'origine de la survenance du sinistre ; que contrairement aux affirmations du département, sa responsabilité ne peut être engagée dans le cadre de sa mission relative à la sécurité ; que dans le cadre de la mission E relatif à l'examen de la compatibilité du programme des travaux envisagés avec l'état des existants, contrairement aux affirmations de l'expert, la société exposante a émis plusieurs avis sur le contreventement qu'il était nécessaire de mettre en place ; qu'elle n'avait pas à donner des avis sur les mesures provisoires à prendre au fur et à mesure du déroulement du chantier ; qu'il ne peut être reproché au contrôleur technique l'absence d'exécution par les constructeurs de renforts dont il avait demandé, par principe et à plusieurs reprises, la mise en place ; qu'il est stipulé dans le cahier des clauses techniques particulières que « (...) le contrôleur technique ne prend pas en compte dans l'accomplissement des missions les phénomènes assimilables à des catastrophes naturelles (...) » ; qu'une éventuelle condamnation, conformément à l'article 20 de ce même cahier, ne pourrait excéder deux fois le montant des honoraires reçus par la société Afitest et ne pourrait ainsi excéder
2 856,89 euros hors taxes ; que le montant de l'indemnité réclamé par le département au titre du coût des travaux de réfection est surévalué, ainsi que l'a noté l'expert judiciaire ; que seule l'indemnisation relative au bâtiment A Nord pourrait éventuellement être envisagée et qu'à défaut de ventilation entre les deux bâtiments, la demande d'indemnité du département ne pourra être que rejetée ; que la société est fondée à appliquer le pourcentage de répartition, retenu par la société Quillery, pour limiter le montant éventuel de la réparation du préjudice subi par le département à
3 170 357,44 euros hors taxes ; qu'il convient de rejeter la demande du département au titre des honoraires du mandataire SCIC développement ; que s'agissant de l'indemnité réclamée au titre de la location des classes supplémentaires pendant un an, il conviendrait, en tout état de cause, de limiter ce chef de préjudice à la somme de 20 326,52 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2006, présenté pour la société générale des entreprises Quillery Bâtiment « SGEQ Batiment », dont le siège social est 6 rue Jean Rostand au Petit Quevilly (76142), par la SELARL Saigne et associés, qui conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à lui verser la somme de 1 740 620,28 euros, outre les intérêts moratoires depuis le 30 avril 2004 et à titre infiniment subsidiaire la réalisation d'un partage des responsabilités entre les différents intervenants à l'acte de construire ; elle soutient que s'agissant du bâtiment A2, l'expert relève qu'aucune faute ne peut être retenue à la charge des constructeurs ; qu'en ce qui concerne le bâtiment A Nord, la société ne peut admettre les griefs de l'expert à son égard repris par le DEPARTEMENT DE LA
SEINE-MARITIME ; que la société n'avait pas à étayer les éléments de structures des zones sur lesquelles elle n'avait pas à intervenir ; qu'elle n'avait pas à intervenir sur le lot charpente concernant le bâtiment A Nord ; qu'en tout état de cause, il est démontré que le soi-disant « affaiblissement de la charpente » et la soi-disant « faute de la société » n'ont pas eu de rôle causal dans le déversement de la charpente du Bâtiment A Nord ; que la seule cause des désordres est due à l'ouragan ; qu'il s'agit d'un phénomène imprévisible, exceptionnel et d'une force irrésistible ; que l'article 1788 du code civil n'est pas applicable dès lors que la charpente et la toiture des bâtiments A2 et A Nord qui ont été endommagées n'entraient pas dans les prestations du marché ; que l'article 1789 du code civil n'est pas applicable ; qu'il appartient dès lors au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME de démontrer à la fois une faute de nature causale dans la survenance du désordre et de démontrer que l'ouragan n'est pas une cause exonératoire de la responsabilité de la société ; qu'en vertu des clauses contractuelles du marché, l'entrepreneur a droit à être indemnisé lorsque les ouvrages sont détruits par la force majeure ; que dès lors, l'ouvrage sur lequel l'entrepreneur n'est pas intervenu mais qui a été détruit par un phénomène de force majeure ne peut être, quant à sa reconstruction, mis à la charge de l'entrepreneur ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ses demandes reconventionnelles sont recevables ; que du fait de la tempête, le délai d'exécution de son marché s'est prolongé de douze mois par rapport aux prévisions contractuelles ; que la société a dû faire face à des dépenses supplémentaires dues au coût des immobilisations de chantier ;
Vu les mémoires, enregistrés les 26 mai et 9 juin 2006, présentés pour la société Socotec Industries, venant aux droits de la société AINF, dont le siège social est rue Marcel Dassault à Seclin (59113), par Me Royet, qui conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Quillery Bâtiment, du cabinet Artefact, du groupement solidaire Artefact-X, et de la société Norisko Construction à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'exceptionnelle tempête du 26 décembre 1999 constitue une cause étrangère, exonératoire de responsabilité ; que l'expert judiciaire confond les rôles respectifs d'Afitest et d'AINF ; que la société AINF n'avait pas à donner d'avis en matière d'étaiement et pouvait légitimement considérer que cette mission dévolue à la société Afitest avait été remplie ;
Vu l'ordonnance en date du 18 octobre 2006 portant clôture de l'instruction au
15 décembre 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2006, présenté pour la société ICADE, venant aux droits de la société SCIC développement, dont le siège social est 6 place Abel Gance à Boulogne Billancourt (92652), par la SCP Comolet-Mandin et associés, qui conclut à l'irrecevabilité des conclusions qui pourraient être présentées à son encontre pour la première fois en appel, et à leur rejet et à la condamnation de tout concluant à son encontre à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la circonstance selon laquelle le département n'a pas souscrit de garantie « tous risques chantier » est sans incidence sur la solution du litige que les dommages constatés procèdent de deux causes conjuguées : le vent et les travaux ;
Vu l'ordonnance en date du 6 décembre 2006 reportant la clôture de l'instruction au
31 janvier 2007 à 16 h 30 ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 13 décembre 2006, régularisé par la production de l'original le 14 décembre 2006, présenté pour la société Artefact, dont le siège social est 67 avenue Gustave Flaubert à Rouen (76000) et pour M. X, dont le siège social est ..., par Me Delaporte, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à leur verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par la voie de l'appel incident, à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à leur verser la somme de 54 299,14 euros au titre des honoraires restant dus au titre de l'allongement du chantier, et à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Quillery Bâtiment, de la société Norisko Construction, de la société Socotec Industries et de la société ICADE à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; ils soutiennent que les désordres invoqués par le département sont la conséquence directe et exclusive de la tempête du 26 décembre 1999 qui a abouti à un classement de catastrophe naturelle en Seine-Maritime ; que la société Artefact et M. X n'ont commis aucune faute ; que la société Artefact et M. X ont subi des préjudices liés à l'obligation de travailler un an de plus sur le même projet ; que le département a conclu au fond sur leur demande indemnitaire et a donc lié le contentieux ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 25 janvier 2007, régularisé par la production de l'original le 29 janvier 2007, présenté pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, qui conclut à ce que le montant de l'indemnité qu'elle réclame soit porté à 1 540 577,55 euros toutes taxes comprises, au rejet des conclusions présentées à son encontre par la société générale des entreprises Quillery Bâtiment et par la société Artefact et M. X, et à titre subsidiaire à la condamnation de la société Artefact, de M. X, de la société Socotec Industries et de la société Norisko Construction à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; il soutient, en outre, que la société Quillery se devait de vérifier la charpente ; que le défaut d'assurances dommage-ouvrage est indifférent à la solution du litige ; qu'il peut désormais actualiser le montant du préjudice subi ; que les appels incidents, présentés à son encontre, après un délai supérieur à deux mois à compter de la notification du jugement, sont irrecevables ; qu'en tout état de cause, les demandes indemnitaires ne sont ni fondées, ni justifiées ;
Vu l'ordonnance en date du 31 janvier 2007 portant réouverture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2007, présenté pour la société Norisko Construction, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens et au rejet de l'appel incident présenté par la société générale des entreprises Quillery Bâtiment ; elle soutient, en outre, que les demandes d'actualisation au titre du préjudice allégué par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, présentées par celui-ci, ne sont pas justifiées ; que l'indemnité, réclamée au titre des pénalités de retard pour la première fois en appel, est irrecevable et discutable sur son bien-fondé ; que l'indemnité réclamée au titre de la location de classes supplémentaires n'apparaît plus dans le tableau d'actualisation ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2007, présenté pour la société Eiffage Construction Haute Normandie, anciennement dénommée société générale des entreprises Quillery Bâtiment « SGEQ Bâtiment », qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la correspondance en date du 9 novembre 2007 par laquelle les parties ont été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu, enregistrées par télécopie le 19 novembre 2007, régularisées par la production de l'original le 21 novembre 2007, les observations présentées pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME en réponse au moyen susceptible d'être soulevé d'office par la Cour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2007 à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et
Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- les observations de Me Alexandre, pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, de Me Loctin, pour la société Norisko Construction, de Me Del Rio, pour la Socotec et de
Me Mandin, pour la société Icade ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant que, par un acte d'engagement en date du 15 octobre 1996, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME a confié au cabinet Artefact et au groupement solidaire Artefact X la maîtrise d'oeuvre de l'opération de restructuration du collège Fontenelle à Rouen ; que la mission de contrôle technique de cette même opération a été confiée à la société Afitest, aux droits de laquelle vient la société Norisko Construction, tandis que la société AINF, aux droits de laquelle vient la société Socotec Industries, s'est vu attribuer, le 14 octobre 1996, les opérations de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé ; que les travaux de restructuration pour tous les corps d'état ont, quant à eux, été confiés à l'entreprise Quillery Bâtiment, dénommée aujourd'hui la société Eiffage Construction Haute Normandie, par un marché en date du 23 février 1998 ; qu'à la suite de la tempête du 26 décembre 1999 et alors que les travaux de réhabilitation étaient en cours de réalisation, la toiture du Bâtiment A Nord s'est déformée sous les effets du vent et celle du bâtiment A2 s'est déversée sur place et dans la cour adjacente ; que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, en première instance, a demandé, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la condamnation des différents intervenants à l'opération de réhabilitation à l'indemniser des préjudices qu'il a subis ; qu'il fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vitesse maximale des vents intervenus au cours de la nuit du 26 au 27 décembre 1999, s'est élevée à 140 km/heure et que cette intensité s'est combinée avec un phénomène de dépression et de tourbillons ; que l'orientation de ces vents
Nord-Nord Ouest a été particulièrement défavorable aux bâtiments du collège ; que ces caractéristiques, qui n'avaient pas été constatées depuis 50 ans, même à l'occasion des tempêtes, jusqu'alors les plus fortes, survenues en 1984 et 1990, ont conféré à celle de 1999 un caractère exceptionnel et imprévisible de nature à la faire regarder comme un événement de force majeure qui a été à l'origine des dommages sus-décrits ; que si l'expert a relevé que les constructeurs avaient omis de mettre en place un dispositif de contreventement provisoire pour renforcer la charpente affaiblie par les travaux de démolition préalables à la réhabilitation du bâtiment, il n'est pas établi que ces défaillances aient aggravé les conséquences dommageables de la tempête, l'expert relevant d'ailleurs dans son rapport que « le phénomène de déversement n'est pas plus prononcé au droit de ces points faibles (de la charpente) » ; que s'agissant du bâtiment A2, il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'une autre cause aurait pu être à l'origine du déversement de la toiture ; que dans ces conditions le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé dans ses prétentions à la condamnation solidaire de l'entrepreneur, des architectes et des différents contrôleurs techniques ; que le département n'est pas davantage fondé à réclamer à ceux-ci une indemnité en réparation du dommage afférent au retard de la mise à disposition de l'ouvrage achevé, non plus que le remboursement des frais d'expertise ;
Considérant toutefois que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME soutient, pour la première fois en appel, que la responsabilité de la société Eiffage Construction Haute Normandie doit être recherchée en sa qualité de gardien de l'ouvrage ; que la perte résultant de ce que l'ouvrage vient à être détruit ou endommagé par suite d'un cas de force majeure ou d'un cas fortuit est à la charge de l'entrepreneur si la destruction ou les dommages se produisent avant la réception dudit ouvrage ; que contrairement à ce que soutient la société Eiffage Construction Haute Normandie, cette dernière avait l'entière disposition du collège Fontenelle pour procéder à la réhabilitation du bâtiment, conformément au marché signé avec le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME ; que la société ne saurait pas davantage, pour s'exonérer de sa responsabilité, se prévaloir des dispositions de l'article 18-3 du cahier des clauses administratives générales applicable à son marché selon lesquelles : « en cas de pertes, avaries ou dommages provoqués sur ses chantiers par un phénomène naturel qui n'était pas normalement prévisible, ou en cas de force majeure, l'entrepreneur peut être indemnisé pour le préjudice subi, sous réserve qu'il ait pris, en cas de phénomène naturel, toutes les dispositions découlant du 2 du présent article (...) », dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, que la société a méconnu les règles de l'art en omettant de procéder ou de faire procéder au contreventement provisoire de la charpente et n'a ainsi pas pris, contrairement aux prescriptions du paragraphe 2 de l'article 18 du même cahier, toutes les dispositions nécessaires pour que « (...) les ouvrages en construction ne puissent être enlevés ou endommagés par les tempêtes (...) qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent les travaux. » ; que par suite, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est fondé à rechercher la responsabilité exclusive de la société Eiffage Construction Haute Normandie en sa qualité de gardien de l'ouvrage, lequel fondement relève de la même cause juridique que celle invoquée en première instance par le département ;
En ce qui concerne la réparation :
Considérant que la responsabilité de l'entrepreneur, en sa qualité de gardien de l'ouvrage, impose à ce dernier de prendre en charge les frais de reconstruction de l'ouvrage qui a été endommagé, avant la réception des travaux, par suite d'un cas de force majeure ou d'un cas fortuit ; que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME a ainsi droit au versement des indemnités nécessaires à la remise en état de la charpente des bâtiments A2 et A Nord du collège Fontenelle ; que dans le dernier état de ses conclusions, le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME réclame la somme de 1 540 577,55 euros en réparation des dommages ainsi subis ; que toutefois la somme demandée de 266 785,78 euros, au titre des pénalités de retard, lesquelles ne peuvent être incluses dans le préjudice subi du fait de la perte de l'ouvrage, doit être, en tout état de cause, écartée ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, que le montant des honoraires de la maîtrise d'oeuvre doit être fixé à la somme de 58 728,18 euros et non à celle fixée par le maître de l'ouvrage, à la suite d'une erreur matérielle, à 385 231,60 euros ; qu'enfin, compte tenu des différentes pièces justificatives produites par le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, il sera fait une juste appréciation du montant de la reconstruction des bâtiments endommagés en fixant l'indemnité qui sera mise à la charge de la société Eiffage Construction Haute Normandie à 947 290 euros ;
En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME a droit aux intérêts sur la somme de 947 290 euros à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, soit le 24 septembre 2003 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts ayant été demandée le 24 septembre 2003, les intérêts seront capitalisés à la date du 25 septembre 2004, dès lors qu'à cette date était due au moins une année d'intérêts, et à chaque échéance annuelle, pour porter eux-mêmes intérêts ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à prendre en charge les frais d'expertise liquidés et taxés aux sommes de 14 867,22 euros et
1 093,97 euros par son article 2 ainsi que la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par ses articles 3, 4, 5 et 6 ;
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Eiffage Construction Haute Normandie les frais d'expertise, liquidés et taxés aux sommes susmentionnées ;
Sur les appels incidents présentés par la société Eiffage Construction Haute Normandie et par la société Artefact et M. X :
Considérant, d'une part, que la société Eiffage Construction Haute Normandie demande la condamnation du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME à lui verser une indemnité au titre du remboursement des dépenses supplémentaires qu'elle a dû engager à la suite du sinistre du
26 décembre 1999, d'autre part, que la société Artefact et M. X demandent la condamnation du même département à leur verser une indemnité correspondant aux honoraires restant dus au titre de l'allongement du chantier ; que, toutefois, l'appel principal du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME tend uniquement à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation des constructeurs à réparer le préjudice subi du fait des dommages causés à certains bâtiments du collège Fontenelle ; qu'ainsi, les conclusions d'appel incident susmentionnées soulèvent un litige distinct de l'appel principal et sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au cabinet Artefact, au groupement solidaire Artefact X, à la société Norisko Construction et à la société Socotec Industries, la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu de condamner les mêmes constructeurs, qui ne sont pas parties perdantes vis-à-vis du DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, à verser à celui-ci la somme réclamée au titre des mêmes dispositions ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Eiffage Construction Haute Normandie à verser au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME la
somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0301857 en date du 14 octobre 2005 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La société Eiffage Construction Haute Normandie versera au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME la somme de 947 290 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2003. Les intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du
25 septembre 2004 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 15 961,19 euros sont mis à la charge de la société Eiffage Construction Haute Normandie.
Article 4 : La société Eiffage Construction Haute Normandie versera au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DE LA
SEINE-MARITIME et les appels incidents présentés par la société Eiffage Construction Haute Normandie et par la société Artefact et M. X sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions du cabinet Artefact, du groupement solidaire Artefact X, de la société Norisko Construction et de la société Socotec Industries présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE LA SEINE-MARITIME, à la société Artefact et à M. Antoine X, à la société ICADE, venant aux droits de la société SCIC développement, à la société Socotec Industries, venant aux droits de la société AINF, à la société Norisko Construction, devenue la société Afitest, à la société Eiffage Construction Haute Normandie venant aux droits de la société générale des entreprises Quillery Bâtiment « SGEQ Batiment » et à la Mutuelle des architectes français.
Copie sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
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N°05DA01537