Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, parvenu au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 12 juin 2007 et régularisé par la production de l'original le 18 juin 2007; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504333 du 8 février 2007 du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a prononcé la décharge de l'amende appliquée à la société à responsabilité limitée Divan Production sur le fondement de l'article 1768 du code général des impôts au titre des années 2000 et 2001 ;
2°) de remettre à la charge de la SARL Divan Production l'amende en litige ;
Il soutient que l'amende prévue par les dispositions alors applicables de l'article 1768 du code général des impôts présentait le caractère d'une sanction plus douce que le nouveau dispositif qui s'y est substitué depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 décembre 2005 dans la mesure où le cumul des sanctions dorénavant applicable conduit à rappeler une somme toujours supérieure à celle qui pouvait être réclamée au titre de l'amende fiscale pour défaut de retenue à la source, cette amende ne pouvant jamais excéder le montant de ladite retenue omise ; que, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il s'en remet aux écritures de première instance qui permettent de conclure au caractère justifié de cette amende ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2007, présenté pour la société Divan Production, par Me Thory ; elle conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'article 1768 du code général des impôts a été purement et simplement abrogé par l'ordonnance du 7 décembre 2005 ; que l'amende n'a pas été remplacée par un régime de sanction équivalent ou plus sévère dès lors que les seules sanctions prévues désormais sont des majorations de montants variables venant s'ajouter à des droits et intérêts de retard ; qu'à titre subsidiaire, elle s'en remet à sa demande pour contester le bien-fondé de l'amende en litige ;
Vu les mémoires, enregistrés les 3 septembre et 19 novembre 2007, présentés par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; il conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 octobre 2007, présenté pour la SARL Divan Production ; elle conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la constitution du 4 octobre 1958 et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2008 à laquelle siégeaient, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, M. Christian Bauzerand et M. Patrick Minne, premiers conseillers :
- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1768 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 17 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités : « Toute personne physique ou morale, toute association ou tout organisme qui s'est abstenu d'opérer les retenues de l'impôt sur le revenu prévues à l'article 1671 A ou qui, sciemment, n'a opéré que des retenues insuffisantes, est passible d'une amende égale au montant des retenues non effectuées. » ; qu'aux termes de l'article 1728 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 13 de l'ordonnance susmentionnée du 7 décembre 2005 : « 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a) 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; b) 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; c) 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) » qu'aux termes, enfin, de l'article 1729 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a) 40 % en cas de manquement délibéré ; b) 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) » ;
Considérant que l'amende instituée par l'article 1768 du code général des impôts précité infligée aux personnes ayant versé des sommes à des tiers n'ayant pas d'installation en France avait pour objet de sanctionner les manquements desdites personnes à leur obligation légale de collecter, pour le compte du Trésor, l'impôt sur les revenus correspondant aux sommes ainsi payées ; que cette amende, dont le champ d'application était limité aux abstentions ou aux insuffisances volontaires de retenue et n'incluait pas le défaut de reversement d'une retenue opérée, avait pour finalité de réprimer un agissement spécifique et non seulement, contrairement à ce que soutient l'administration, d'organiser les modalités de rappel de droits omis ; qu'au demeurant, l'assiette de l'amende en litige comprenait, non seulement les sommes effectivement payées au bénéficiaire n'ayant pas d'installation professionnelle permanente en France mais également l'avantage résultant, pour ce dernier, de ce que la somme reçue n'avait pas supporté la retenue ; qu'eu égard à l'objet répressif poursuivi par l'article 1768 du code général des impôts, la circonstance que l'application de l'amende était exclusive de tout rappel de droits en principal et d'intérêts de retard ne lui retirait pas sa nature de sanction fiscale ;
Considérant que, pour l'application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, il y a lieu de comparer, non pas le montant total des sommes mises à la charge de l'intéressé, mais uniquement celui des majorations présentant un caractère de sanction à l'exclusion des sommes dues en principal et des intérêts de retard ; que l'amende pour défaut de retenue à la source prévue par l'article 1768 du code général des impôts n'a pas été remplacée par une sanction de nature équivalente, l'administration ne pouvant désormais appliquer que les majorations prévues par les dispositions précitées des articles 1728 et 1729 du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que l'amende appliquée à la société Divan Production sur le fondement des dispositions précitées alors applicables de l'article 1768 du code général des impôts à raison des retenues à la source qu'elle a omis d'opérer sur des rémunérations versées à divers artistes domiciliés à l'étranger excéderait, après défalcation des intérêts de retard, les majorations de 10 %, 40 % ou 80 % prévues par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts en cas de défaut de déclaration ou les majorations de 40 % ou 80 % prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du même code en cas de mauvaise foi ou de manoeuvres frauduleuses ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de l'amende appliquée à la société Divan Production sur le fondement de l'article 1768 du code général des impôts au titre des années 2000 et 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Divan Production et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société à responsabilité limitée Divan Production une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Divan Production et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N°07DA00877