Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2007 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 23 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE, dont le siège est Hôtel de Ville, place Auguste Génie à Montataire (60160), par la SCP Teissonnière et associés ; l'association demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502628 en date du 23 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ayant refusé d'inscrire l'usine Sollac de Montataire sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et à ce qu'il soit enjoint au ministre d'inscrire cet établissement sur la liste de ceux ouvrant droit à la cessation anticipée d'activité ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale d'inscrire l'établissement de Montataire de la société Arcelor Atlantique et Lorraine sur la liste des établissements de flocage et de calorifugeage susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le Tribunal a fait une interprétation erronée des dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 ; qu'il ressort de la jurisprudence des tribunaux administratifs que l'inscription n'est pas fonction du type d'activité industrielle mais du caractère significatif des activités exposant les salariés aux risques liés à l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'un nombre relativement faible de salariés pour lesquels une maladie professionnelle est liée à l'amiante suffit à démontrer ce risque ; qu'il convient de se référer à quatre décisions de tribunal administratif ; que le site de Montataire remplit les conditions justifiant son inscription sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée des travailleurs à l'amiante ; que le site produit, à partir de métal coulé en continu puis laminé à chaud, des tôles minces laminées à froid, nues, galvanisées, prélaquées, profilées ; que le site était jusqu'en 1996 un grand consommateur d'amiante ; que l'amiante était utilisée comme matériau d'isolation et de protection de tous les moyens de production de l'usine ; qu'aucune mesure de protection n'a été mise en oeuvre par la direction de la société exposant ainsi tous les ouvriers à l'inhalation de poussières d'amiante ; que le nombre de maladies professionnelles déclarées entre 2000 et 2005 confirme l'ampleur de la catastrophe sanitaire et établit que les salariés de l'usine de Montataire ont été massivement exposés à l'amiante ; que la décision du ministre chargé de l'emploi viole le principe de l'égalité dès lors que de très nombreux établissements exerçant une activité de fonderie et d'aciérie ont déjà été inscrits sur la liste annexée à l'arrêté du 7 juillet 2000 ; qu'il convient d'enjoindre au ministre d'inscrire l'établissement de Montataire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 5 avril 2007 et régularisé par la production de l'original le 6 avril 2007, présenté par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, c'est le caractère significatif des activités exposant des salariés au risque lié à l'inhalation des poussières d'amiante qui est pris en compte par la jurisprudence citée dans la requête d'appel ; que l'association semble vouloir substituer au critère légal fondé sur l'activité de l'établissement un autre critère résultant d'une simple exposition au risque ; que le législateur n'a pourtant pas voulu généraliser en ce sens le dispositif en cause ; qu'aux termes de l'article 41 de la loi du
23 décembre 1998, pour pouvoir être inscrit sur la liste, les activités réalisées par l'établissement doivent figurer parmi celles énumérées par la loi ; que si certaines activités accessoires ont été retenues par le Conseil d'Etat pour justifier l'inscription d'un établissement sur la liste, ces activités doivent répondre à plusieurs conditions : elles doivent correspondre aux activités légalement définies par le dispositif concerné et doivent présenter un caractère significatif en termes d'activités au sein de l'établissement et en termes d'exposition à l'amiante ; qu'en l'espèce, l'activité principale d'aciérie et de sidérurgie n'entre pas dans le champ d'application du dispositif de la liste concernée ; que les travaux de découpe de plaques d'amiante ou des travaux d'entretien sur les freins de ponts roulants dont les garnitures sont amiantées ne peuvent être assimilés à la « fabrication de matériaux contenant de l'amiante » ou à des activités de calorifugeage à l'amiante ; que si, lors des travaux de réfection des fours, des opérations de décalorifugeage et de calorifugeage à l'aide de plaques d'amiante s'effectuaient, cette activité accessoire n'a pas été jugée significative ni en termes d'exposition à l'amiante, ni en termes de volume d'activité ; que cette activité n'a touché qu'un nombre restreint de salariés ; que, contrairement à ce que soutient l'association, il n'est pas possible de se fonder sur le seul nombre de déclarations de maladies professionnelles dues à l'amiante pour en déduire l'importance de l'exposition à l'amiante des salariés de l'établissement ; que le moyen tiré de la rupture d'égalité est inopérant dès lors que chaque cas d'établissement est spécifique ;
Vu le mémoire en intervention, enregistré le 12 avril 2007, présenté pour la société Arcelor Atlantique et Lorraine, dont le siège social est 1 à 5 rue Luigi Cherubini à Saint-Denis (93200), par la SCP Celice, Blancpain, Soltner, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que l'association appelante n'hésite pas à soumettre à la juridiction des données gravement inexactes ; que le site de Montataire n'exerce en réalité qu'une activité de sidérurgie et non d'aciérie comportant des températures et donc des besoins en isolation moindres ; que les données concernant l'intervention sur les fours à recuits, sur l'effectif de salariés affectés à l'entretien des fours et l'emploi de plaques d'amiante, présentées par l'association sont fausses ; que l'usage de l'amiante n'a concerné que trois secteurs : les fours de recuits, les fours de galvanisation et les caves et un nombre limité de personnels ; que l'inventaire dont fait état l'association ne constitue qu'une mesure de prévention pour l'avenir et ne peut donc être utilement invoqué pour l'application de l'article 41 de la loi du
23 décembre 1998 ; que les maladies professionnelles déclarées n'ont concerné qu'un faible nombre de salariés de l'usine de Montataire ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2007, présenté pour la société Arcelor Atlantique et Lorraine, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi modifiée n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale pour 1999, et notamment son article 41 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2008, à laquelle siégeaient M. Marc Estève, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et Mme Agnès Eliot, premier conseiller :
- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller ;
- les observations de Me Plichon pour la société Arcelor Atlantique et Lorraine et de
Me Topaloff pour l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE ;
- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE demande l'annulation de la décision en date du
23 août 2004, par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a refusé d'inscrire l'usine Sollac de Montataire sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans sa rédaction issue de l'article 36 de la loi du 29 décembre 1999 : « Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : /1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'inscription d'un établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dépend uniquement de la nature de l'activité exercée par ledit établissement ;
Considérant, en premier lieu, que l'utilisation et la manipulation par les salariés de l'usine Sollac d'équipements et de matériaux pouvant comporter de l'amiante ne sauraient à elles seules faire regarder ladite entreprise sidérurgique comme un établissement exerçant une des activités mentionnées à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée précitée ;
Considérant, en second lieu, que si des salariés de l'usine Sollac, à l'occasion de travaux d'entretien des fours servant à l'activité sidérurgique de l'usine ont dû procéder à des réparations nécessitant le décalorifugeage et le calorifugeage de ces équipements pour les remettre en état, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces opérations, qui, en tout état de cause, ne concernaient qu'un nombre restreint de salariés de l'entreprise, aient représenté une part significative de l'activité de l'usine en cause ; que, dès lors, les auteurs de l'arrêté attaqué, qui ont procédé à l'examen de la situation particulière de la société requérante, n'ont pas fait une inexacte application des dispositions législatives susmentionnées en écartant l'établissement de Montataire de la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; que ni la circonstance selon laquelle un certain nombre de maladies professionnelles auraient été déclarées entre 2000 et 2005 au sein de l'entreprise, ni celle selon laquelle d'autres établissements qui exerceraient des activités comparables à celles de la société Sollac, auraient été inscrits sur la liste en cause ne sont, en l'espèce, de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; que le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fins d'injonction formées par l'association appelante doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE LA SIDERURGIE-USINE DE MONTATAIRE, au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité et à la société Arcelor Atlantique et Lorraine.
Copie sera transmise au préfet de l'Oise.
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N°07DA00087