Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Ahmed X, demeurant chez ..., par Me Djohor ; M. X demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0704470 du 16 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2007 par lequel le préfet du Nord a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ;
2°) d'annuler ledit arrêté du 11 juin 2007 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son avocat une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait pas mention des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- que l'arrêté du 11 juin 2007 par lequel le préfet du Nord a prononcé à son encontre une mesure d'obligation de quitter le territoire français est dépourvu de base légale ; que cette mesure a été prononcée alors qu'aucune décision de refus de séjour n'a été prise ; que le préfet du Nord était tenu de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour avant de l'obliger à quitter le territoire français ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la décision du 19 novembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;
Vu l'ordonnance du 10 janvier 2008 fixant la clôture de l'instruction au 10 mars 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2008, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient :
- que la mesure d'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale ; que M. X a fait l'objet d'un refus de séjour, assorti d'une invitation à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, par arrêté du 23 février 2006, et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de ce délai ; qu'il n'était pas tenu, à la suite de l'interpellation de M. X, le 11 juin 2007, de prendre une nouvelle décision de refus de séjour concernant l'intéressé, sa situation n'ayant pas évolué depuis la première décision du 23 février 2006 ;
- que la décision d'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ; qu'elle vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ;
- qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé ; que M. X est célibataire et n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident ses parents et ses quatre frères et soeurs ; que la promesse d'embauche dont M. X fait état ne saurait s'analyser en contrat de travail dûment établi ; que sa décision ne méconnaît, également, pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ensemble les avenants qui l'ont modifié et complété ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret
n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration ;
Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2008 à laquelle siégeaient
M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder,
président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de M. X est dirigée contre un jugement du 16 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2007 par lequel le préfet du Nord a prononcé à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ;
Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration, dispose que : « I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) » ; que les dispositions précitées de la loi du 24 juillet 2006 permettent à l'administration, à titre transitoire et dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder un an à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, de réexaminer une demande de titre de séjour à laquelle un refus aurait été opposé au titre des anciennes dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'opposer un refus de séjour explicite assorti, le cas échéant, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Considérant, en l'espèce, que, par un arrêté du 23 février 2006, le préfet du Nord a refusé à M. X la délivrance d'un certificat de résidence d'un an, en qualité de travailleur salarié, et l'a invité à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que l'intéressé, qui n'a pas déféré à cette invitation, a fait l'objet, suite à son interpellation, le 11 juin 2007, d'un arrêté prononçant une mesure d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination ; que si le préfet s'est référé, dans son arrêté du 11 juin 2007 en litige, au précédent refus de séjour qu'il avait opposé à M. X, par arrêté du 23 février 2006, confirmé après rejet du recours gracieux le 29 mars 2006, il ne pouvait prononcer une mesure d'obligation de quitter le territoire français qu'après avoir réexaminé la demande de titre à laquelle le refus avait été opposé et pris, à nouveau et de manière explicite, un refus en réponse à cette demande ; que, dans ces conditions, en n'opposant pas de manière explicite un nouveau refus de séjour à l'intéressé avant de prononcer la mesure d'éloignement contestée, le préfet du Nord a commis une erreur de droit ; que le requérant est ainsi, fondé à soutenir que l'arrêté du 11 juin 2007 est entaché d'illégalité ; qu'il y a lieu d'annuler, par voie de conséquence, la décision fixant le pays dont M. X a la nationalité comme pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2007 du préfet du Nord ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;
Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté prononçant l'obligation de quitter le territoire français faite au requérant, n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de M. X aux fins d'injonction assorties d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, dès lors que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de la somme de 1 250 euros que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0704470 du 16 octobre 2007 du Tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 11 juin 2007 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Me Djohor, avocat de M. X, une somme de 1 250 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, sous réserve que Me Djohor renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Me Djohor.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
2
N°07DA01966