Vu le recours, enregistré le 28 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700550 du 20 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lille qui a prononcé la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ont été assujettis M. et Mme Arnaud - au titre de l'année 2003 et condamné l'Etat à leur verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme Arnaud - les impositions en litige ;
Il soutient que le tribunal a retenu à tort que la clause d'interdiction d'aliéner les titres ayant fait l'objet de la donation était justifiée par l'intérêt sérieux et légitime qui s'attache à la volonté de conserver les biens dans la famille jusqu'au décès du dernier donateur ; qu'au cas d'espèce, dès lors que les bénéficiaires sont liés au-delà de la mort de leurs auteurs, les effets sont suspendus pour une durée anormale ; que la donation n'est alors qu'imparfaite, les donataires, lesquels selon l'acte, se verraient donner la pleine propriété des titres, n'en ont ni l'usus, conditionné au bon vouloir des donateurs, ni le fructus jusqu'à leur 25 ans, ni même l'abusus, du fait de l'interdiction d'aliéner ; que c'est l'ensemble des conditions énumérées par l'acte du 29 avril 2003 qui, déniant toute réelle appropriation des titres par les bénéficiaires ne s'avère qu'être le moyen pour les époux - d'éluder la plus-value ; que les modalités de transmission des titres ne représentent qu'une partie de l'opération litigieuse ; que contrairement aux énonciations du jugement, ces clauses ne sont pas motivées par la volonté de préserver l'unité familiale dans la détention des titres de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys ; qu'il ne faut pas oublier que la destination des actions de la SA Label est une société contrôlée par Mme , la société civile Java ; que les différentes clauses de la donation-partage du 29 avril 2003 révèlent que M. et Mme ont en réalité conservé la totale maîtrise des biens donnés et du produit de leur cession et n'ont donc pas été animés par une intention libérale ; que cette analyse est encore renforcée par le fait que la société civile Java est gérée et détenue à plus de 99 % par Mme ; que les actions de la société Label n'ont donc en définitive jamais quitté, de manière directe ou indirecte, le patrimoine de l'intéressée ; que l'ensemble de l'opération réalisée, donation-partage des actions de la société Label suivie de leur cession à la société Java, a donc eu exclusivement pour but, d'une part, de purger la plus-value qui était en report d'imposition depuis 1997 et, d'autre part, d'éluder la taxation de la plus-value résultant de la cession des 110 actions de la société Label à la société Java ; que, dès lors c'est à juste titre que les rappels en litige ont été mis à la charge de M. et Mme - dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit ; que si l'abus de droit était écarté par la Cour, l'administration entend justifier le bien-fondé de l'imposition en requalifiant les faits ; que les époux - n'ont été privés d'aucune des garanties prévues par la procédure contradictoire ; qu'il n'y aucun obstacle à ce que, le cas échéant, les rehaussements soient confirmés dans le cadre d'une requalification du contrat de donation du 29 avril 2003 ; que force est de constater que la donation n'a nullement porté sur des actions de la société Label ; qu'en effet, cette donation de titres n'est qu'artificielle puisque compte tenu des clauses figurant au contrat de donation-partage et des cessions à la société Java des titres donnés, intervenues cinq semaines après la donation, Mme a gardé le contrôle des titres, malgré la donation, et en a récupéré immédiatement la pleine possession eu égard aux droits et pouvoirs dont elle dispose sur la société Java ; que la pseudo-donation d'actions Label a donc, en réalité porté sur des liquidités ; que, dès lors les cessions de titres Label par les donataires à la société Java doivent être réputées avoir été consenties par Mme , ce qui justifie le bien-fondé des droits supplémentaires mis à la charge de Mme ; qu'au cas d'espèce, les époux - ont fait établir un acte de donation portant sur des actions dont ils n'avaient pas l'intention de se départir et qu'ils ont d'ailleurs conservées ; que ce procédé qui avait pour but et leur a permis d'éluder l'imposition de plus-values, justifie l'application de pénalités pour mauvaise foi et pour le moins une majoration de 40 % ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2008, présenté pour M. et Mme Arnaud -, demeurant ..., par le Cabinet Wemaëre et associés qui concluent à la confirmation du jugement de première instance et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutiennent que l'acte de donation a pleinement produit ses effets et ne saurait être artificiel car le produit de la vente des titres préalablement donnés à chacun des enfants a bien été déposé sur un compte personnel de chacun d'eux ; que si la donation n'était pas réelle, les enfants ne seraient pas propriétaires d'aucun compte bancaire sur lequel est déposé le produit de la vente des actions Label, voire même les fonds auraient été repris directement par les parents, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce ; que la faculté de stipuler une interdiction d'aliéner pendant la vie des donateurs est reconnue comme un élément ne remettant pas en cause l'intention libérale ; que les enfants ont par ailleurs toujours la liberté de céder leurs titres dès leur décès ; que la volonté de préserver le patrimoine familial tout en préparant leur succession a été maintes fois démontrée par les requérants tout au long de la procédure ; que l'âge de 25 ans au-delà duquel les enfants sont autorisés à gérer leur compte et les revenus y afférents correspond rationnellement à un âge de raison patrimonial à partir duquel les enfants ont normalement acquis une certaine maturité ; que l'aîné des enfants a utilisé les fonds issus de la vente des titres Label pour créer sa propre entreprise démontre bien que la donation est réelle contrairement aux allégations de l'administration ; que l'intention libérale est intacte puisque les enfants sont propriétaires des sommes issues de la vente des actions Label ; qu'enfin la substitution de base légale demandée par l'administration conduit à opérer un changement de motif et semble faire précéder la cession à la donation alors qu'il n'y a pas eu de vente avant la donation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 juin 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Mendras, président-rapporteur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que le 23 juin 1997, Mme épouse de M. a apporté 161 actions de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys à la société Label créée à cette même date en vue de regrouper au sein d'une même entité les participations détenues dans cette entreprise par les divers membres de sa famille ; qu'elle a reçu en échange 161 actions qui lui ont été attribuées pour le prix unitaire de 2 591,63 euros ; que la plus-value résultant de cet échange de titres a été placée en report d'imposition en application des articles 92 B-II et 130 ter du code général des impôts ; que par acte du 29 avril 2003, enregistré le 27 mai 2003 à la recette des impôts de Roubaix, M. et Mme - ont fait donation de la pleine propriété de 110 de ces actions de la société Label à leurs cinq enfants, dont deux étaient mineurs et les trois autres rattachés à leur foyer fiscal, lesquels les ont revendues le 5 juin 2003 à la société civile Java, qui avait été créée en 1996 entre Mme - et son père, en vue d'assurer la gestion de leur participation dans la société Cartonnerie de la Lys Ondulys, pour le prix unitaire de 5 640 euros correspondant à celui retenu par l'acte de donation ; que Mme a également vendu pour ce même prix de 5 640 euros à la société Java les 50 titres de la société Label qu'elle avait conservés en propre ; que par proposition de rectification en date du 10 mars 2005, adressée à M. et Mme -, l'administration a relevé que l'acte de donation avait permis au foyer fiscal de réaliser une économie d'impôt résultant d'une part, de ce que la plus-value réalisée lors de l'échange de titres en 1997, en report d'imposition, n'avait été taxée qu'à hauteur des 50 actions de la société Label qu'avait conservées Mme pour les céder à la société Java, d'autre part que la plus-value résultant du transfert des actions de la société Label à la société Java avait été minorée compte tenu de ce que celles de ces actions ayant fait l'objet de cette donation avaient été revendues par les donataires au prix unitaire de 5 640 euros auquel ils les avaient reçues, alors qu'elles avaient été acquises en 1997 par Mme - au prix unitaire de 2 591,63 euros ; qu'en s'appuyant tant sur les clauses de l'acte de donation restreignant les droits des donataires que sur la proximité chronologique entre la donation et la revente des actions à la société civile Java, dont Mme - était la gérante et détenait la quasi-intégralité des parts, l'administration a considéré que l'acte de donation revêtait un but exclusivement fiscal et mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que le Tribunal administratif de Lille a accordé à M. et Mme - la décharge de la totalité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2003 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE fait régulièrement appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b. (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité (...) Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;
Considérant que si l'acte de donation prévoit qu'à compter de sa signature, chacun des donataires sera propriétaire des biens et en aura la jouissance immédiate, les donataires se voient toutefois interdire de céder, nantir ou disposer d'une façon quelconque des actions pendant la vie des donateurs ou du survivant d'eux, à peine de nullité de l'acte de disposition à titre gratuit, seule la mutation à titre gratuit par les donataires à leurs descendants en ligne directe étant autorisée ; qu'en outre, les donataires se voient également imposer à la première demande des donateurs d'apporter les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, dont ils ne peuvent demander la dissolution qu'un an après le décès des donateurs ; qu'enfin, l'acte de donation prévoit qu'en cas de vente des titres autorisée par les donateurs, le produit de la vente sera laissé en dépôt dans une banque ou tout établissement financier choisis par les donateurs jusqu'à ce que les donataires aient atteint l'âge de 25 ans, étant entendu qu'aucun retrait en capital ne pourra être effectué sans l'accord des donateurs jusqu'au décès de ces derniers, les donataires pouvant seulement disposer librement des revenus, coupons ou intérêts à compter de leurs 25 ans ; que si M. et Mme - soutiennent que ces clauses étaient justifiées par le souci qui était le leur, dans le cadre de la préparation de leur succession, de transmettre à leurs enfants, dont certains étaient encore mineurs, les actions qu'ils détenaient directement au sein de la société Label, tout en évitant leur dispersion et en préservant l'unité et la pérennité du patrimoine familial, ils ne démontrent pas que le contrôle des titres par l'intermédiaire de la société civile Java, à laquelle ils ont été en définitive cédés, nécessitait que ces titres fassent préalablement l'objet, au demeurant pour une partie seulement d'entre eux, d'une donation à leurs enfants, dans des conditions qui privaient ces derniers de toute possibilité d'en disposer, ni même d'en percevoir les dividendes ; qu'ils n'apportent, par ailleurs, aucun élément d'explication quant à la rapidité avec laquelle est intervenue la revente des actions par leurs enfants dès le 5 juin 2003, cinq semaines après la signature de l'acte de donation et dix jours après son enregistrement à la recette des impôts le 27 mai 2003, à la société Java dont Mme - était la gérante et détenait l'intégralité du capital ; que la circonstance que les sommes issues de la vente des actions aient été versées sur le compte bancaire de leurs enfants ne suffit pas à établir que les époux - se sont effectivement dessaisis des titres ayant fait l'objet de la donation, ni par suite de l'intention libérale qui serait celle de l'acte, compte tenu de ce que les donataires n'en ont pas eu la libre disposition, en vertu de la clause susmentionnée, interdisant le retrait de ces sommes jusqu'au décès du survivant des deux donateurs ; que les requérants ne contestent par ailleurs pas le principe ni le montant de l'économie que leur a procurée la donation faite à leurs enfants par rapport à l'imposition qui serait résultée de la cession directe des actions visées par cette donation à la société Java ; que la circonstance que cette société et la société Label aient été créées bien avant l'acte de donation afin de regrouper la participation des membres de la famille dans le capital de la société Cartonnerie de la Lys Ondulys et d'éviter que celle-ci ne tombe sous le contrôle de l'autre actionnaire principal, n'est pas davantage de nature à démontrer que l'acte n'aurait pas été inspiré par le seul motif d'atténuer les charges fiscales de M. et Mme - ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que la donation-partage suivie de la cession de titres par les enfants reposait sur une construction visant exclusivement à atténuer la charge fiscale qu'ils auraient normalement supportée, eu égard à leur situation et à leurs activités réelles, s'ils n'avaient pas passé ces actes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme Arnaud - ont été assujettis au titre de l'année 2003 et condamné l'Etat à leur verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Sur les conclusions de M. et Mme - tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme - la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700550 du 20 décembre 2007 du Tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ont été assujettis M. et Mme Arnaud - au titre de l'année 2003 sont intégralement remises à leur charge.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme - tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. et Mme Arnaud -.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
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N°08DA00548