Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2008 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la réception de l'original le 10 novembre 2008, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703046 du 2 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 15 octobre 2007 décidant l'expulsion de M. Habib X et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;
Il soutient qu'il est constant que M. X est séparé de sa concubine et se déclare célibataire ; qu'il ne peut établir sa résidence habituelle en France de 1991 à 1997, puisqu'il serait parti vivre à l'étranger durant cette période ; que rien ne fait obstacle à ce que son enfant vienne lui rendre visite régulièrement dans son pays d'origine ; que si le tribunal indique que M. X a des liens stables en France, il est pourtant séparé de sa compagne et cette stabilité doit être fortement atténuée par le fait qu'il ne réside pas habituellement avec sa famille ; qu'il ne peut y avoir d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale compte tenu de la menace grave à l'ordre public ; qu'il est notable que le parcours de M. X était déjà semé de multiples faits délictueux qui n'ont fait que s'aggraver, passant de la qualification contraventionnelle à la qualification délictueuse puis criminelle ; qu'il a été condamné pas moins de dix-sept fois et qu'il a déjà utilisé arme et violence ; qu'en l'espèce, les juges ont méconnu le principe de la possible ingérence de l'autorité publique ; que, s'agissant des moyens d'annulation de première instance, l'avis de la commission d'expulsion est correctement motivé ; que le dossier de M. X a été transmis dans les temps à son conseil ; que M. X ayant été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans, il pouvait faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ; que l'intéressé n'a apporté aucune preuve de sa présence en France de 1991 à 1997 ; qu'il est constant que, durant cette période, il a quitté le territoire français ; que ce n'est pas une attestation de la mère de son enfant, rédigée en termes très convenus, ni quelques mandats émis à des dates très récentes et venant donc très opportunément et de façon maladroite tenter de prouver qu'il contribue à son entretien qui peuvent venir justifier d'une atteinte à sa vie privée et familiale ; que si l'intéressé évoque ses déboires judiciaires, ces termes très réducteurs semblent nier les actes particulièrement graves pour lesquels il a été condamné à dix-huit années d'emprisonnement cumulées ; que l'ancienneté des condamnations soulevée n'a pas de sens, les dernières condamnations datent de 2006 dont une à quatre ans d'emprisonnement assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans ; que le projet de M. X de régulariser sa situation administrative n'est pas crédible en l'absence d'un début de projet professionnel lui permettant de s'intégrer et de ne pas récidiver ; que les éléments concernant l'état de santé de M. X signalent seulement un risque en cas de transport ; qu'aucune pathologie grave, ni aucun suivi médical ne sont allégués ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2009, présenté pour M. Habib X, élisant domicile chez son avocat, Me Cukier, 27 rue de l'Université à Paris (75007), par Me Cukier ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'avis de la commission d'expulsion n'est motivée ni en droit, ni en fait ; que son dossier administratif a été communiqué de manière incomplète et très tardivement ; qu'il est demandé à la Cour de constater la violation de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, ainsi que du principe du contradictoire ; que le préfet s'est focalisé sur une conception minimaliste du principe de la communication ; que la décision d'expulsion est également contraire aux dispositions des articles L. 521-2-1° et L. 521-3-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant ; que l'exposant, né en Tunisie, n'a jamais vécu en Algérie et ses parents eux-mêmes étaient déjà en rupture avec ce pays ; que cette absence de lien avec l'Algérie dès l'origine rend son expulsion à destination de ce pays semblable à un traitement inhumain ou dégradant ; que malgré la rupture de son concubinage avec une ressortissante française, il a gardé des liens constants avec sa fille française, à l'entretien financier de laquelle il pourvoit, dans la mesure de ses moyens, depuis sa naissance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, signée par la France le même jour, ensemble le premier protocole additionnel signé le 20 mars 1952, ratifiée par la France en application de la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973, et publiée au Journal officiel par décret n° 74-360 du 3 mai 1974 ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée à New-York par la France le 26 janvier 1990, ensemble le protocole facultatif signé le 25 mai 2000, ratifiée par la France en application de la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 et publiée au Journal officiel par décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre les administrations et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;
Considérant que M. X, ressortissant algérien, né en 1960 à Tunis, est arrivé en France en 1961 avec sa famille ; qu'il a commis sur le territoire entre 1978 et 2006 une série d'infractions qui lui ont valu d'être condamné à plusieurs reprises à des peines atteignant un quantum total de dix-sept années d'emprisonnement ; que le PREFET DE L'EURE a pris à son encontre le 15 octobre 2007 un arrêté d'expulsion au motif que la présence en France de M. X constituait une menace grave pour l'ordre public ; que, par jugement en date du 2 octobre 2008, le Tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision au motif qu'elle avait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que le PREFET DE L'EURE relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ; qu'aux termes de l'article R. 522-2 de ce code : L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'intérieur ;
Considérant que le PREFET DE L'EURE soutient que M. X ne justifie pas résider habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de treize ans et, en particulier, qu'il ne peut établir avoir résider sur le territoire national de 1991 à 1997 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de l'attestation en date du 1er juin 1999 émanant de la Maison de l'Immigration sise à Paris que M. X est intervenu comme bénévole en charge des personnes en difficulté de 1992 à 1995, puis a été chargé des liens avec les associations de quartiers de Sartrouville, d'Argenteuil et de Nanterre de 1995 à 1998 ; qu'il ressort, par ailleurs, d'une seconde attestation en date du 2 juin 1999 émanant de l'Association des Jeunes de Sartrouville que M. X a été employé par cette association à partir de 1993 comme bénévole en charge de la lutte contre l'exclusion sociale et professionnelle dans les quartiers populaires de cette commune ; que ces attestations avaient été adressées au ministère de l'intérieur par lettre du 7 juin 1999 dans le cadre d'une procédure de relèvement d'interdiction du territoire ; que, dès lors, la présence en France de M. X pendant la période contestée doit être considérée comme établie et M. X était ainsi dans le cas prévu par les dispositions du 1° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'étranger qui justifie résider en France depuis au moins l'âge de treize ans ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, prononcée exclusivement par le ministre, qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités terroristes, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ; que le PREFET DE L'EURE ne pouvait donc se fonder sur les dispositions de l'article L. 521-1 du même code pour prononcer l'expulsion de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par ledit jugement du 2 octobre 2008, le Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du 15 octobre 2007 prononçant l'expulsion de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à M. Habib X.
Copie sera adressée au PREFET DE L'EURE.
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N°08DA01826 2