Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 mai 2008 et régularisée par la production de l'original le 9 mai 2008, au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Yvan-Marie A, demeurant ..., par Me Wacquet du cabinet Wacquet et associés ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 0602687 du 18 mars 2008 du Tribunal administratif d'Amiens rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 juillet 2006 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a annulé l'arrêté du 17 janvier 2006 du préfet de la Somme refusant d'autoriser Mme Annick B à exploiter une superficie de 40 hectares 45 ares de terres sur le territoire de la commune de Roiglise ;
2°) d'annuler ladite décision ministérielle du 3 juillet 2006 ;
3°) de condamner Mme B et l'Etat à lui verser chacun une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que le ministre de l'agriculture et de la pêche a visé et annulé une décision préfectorale datée du 27 février 2006 qui n'existe pas ; que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le mémoire présenté et enregistré le 16 août 2007 ne permet pas de confirmer que l'acte qui a fait l'objet de l'annulation était l'arrêté du 17 janvier 2006 ;
- que c'est à tort que le ministre de l'agriculture et de la pêche a estimé qu'eu égard aux nouvelles dispositions adoptées par la loi n°2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, Mme B remplissait les conditions prévues par l'article L. 331-2 II du code rural, lui permettant de bénéficier du régime de déclaration préalable ; que le ministre s'est seulement borné à relever que l'intéressée remplissait les conditions de capacité et d'expérience professionnelle requises ; qu'il ne s'est pas assuré que les biens, objets de la reprise, avaient fait l'objet d'une donation ou d'une succession des parents de Mme B ; que Mme B, qui a cinq frères et soeurs, n'est nue-propriétaire que pour 1/6ème des terres concernées, le partage des biens indivis n'étant pas intervenu ; que si le père de Mme B possédait lesdites terres depuis plus de neuf ans, elle n'est pas assurée d'obtenir celles-ci dans le cadre du partage de la succession ; que le ministre a ainsi commis une erreur d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article L. 331-2 du code rural ; que s'il y a manoeuvre dilatoire, celle-ci est orchestrée par Mme B elle-même ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu l'ordonnance du 22 mai 2008 fixant la clôture de l'instruction au 25 août 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2008, présenté pour Mme Annick B, demeurant ..., par la SCP Croissant, De Limerville, Orts ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir :
- que le ministre de l'agriculture et de la pêche a, dans sa décision du 3 juillet 2006 en litige, fait référence au recours hiérarchique dont il a été saisi qui était daté du 27 février 2006 et qui visait l'arrêté préfectoral du 17 janvier 2006 ; qu'il n'y a donc aucune ambiguïté sur la décision qui a été annulée ;
- qu'elle remplit les trois conditions fixées par l'article L. 331-2 II du code rural ; qu'elle justifie tant de sa capacité que de son expérience professionnelle ; que les terres en litige ont appartenu à son père pendant plus de neuf ans, celui-ci les ayant reçues aux termes d'une donation partage en 1939 et 1971 ; qu'elle est héritière de son père et est propriétaire indivis desdites terres ; que celles-ci ont été reçues par succession ; que l'article L. 331-2 du code rural n'exige nullement qu'elle soit propriétaire pleine et entière ; que les biens concernés doivent être considérés comme libres puisqu'un congé a été délivré ;
- que si elle a présenté une demande d'autorisation d'exploiter les terres en litige, cette demande a été faite avant la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 ; que ce n'est qu'après l'entrée en vigueur de cette loi que le préfet de la Somme a ignorée, qu'elle a présenté un recours hiérarchique à l'encontre de l'arrêté préfectoral qui avait à tort considéré que l'opération envisagée relevait du régime de l'autorisation préalable ; qu'il ne saurait lui être reproché d'être procédurière ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 18 août 2008 et régularisé par la production de l'original le 20 août 2008, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il fait valoir :
- que si sa décision en litige fait à tort mention d'un arrêté préfectoral du 27 février 2006 au lieu du 17 janvier 2006, il ne s'agit que d'une simple erreur de plume ; que la date du 27 février 2006 correspond à la date du recours hiérarchique présenté par Mme B ; que sa décision porte sans ambiguïté sur l'arrêté du préfet de la Somme du 17 janvier 2006 ;
- qu'après vérification des éléments du dossier, il a constaté que Mme B remplissait les conditions fixées au 1° et au 3° de l'article L. 331-2 du code rural ; que celle-ci satisfaisait aux conditions de capacité et d'expérience professionnelle en ce qu'elle est titulaire d'un BEP agricole depuis le 19 novembre 2001 et est inscrite à la caisse de la mutualité agricole de la Somme depuis le 1er octobre 1982 en qualité de conjointe participant aux travaux de l'exploitation ; que la condition de la détention des biens depuis au moins neuf ans était satisfaite eu égard au fait que ceux-ci ont été donnés à bail aux époux A par les père et mère de Mme B, par acte du 8 avril 1988 ; qu'il a toutefois invité l'intéressée à déposer sa déclaration dans le mois suivant le départ effectif de l'ancien exploitant pour satisfaire à la condition posée par le 2° dudit article relative au caractère libre des biens ;
- que Mme B a hérité d'1/6ème de la succession de son père et est nue-propriétaire indivis ainsi que cela résulte de l'attestation notariée enregistrée le 2 juin 2003 ; qu'en cas de location du bien dont la propriété est démembrée, tels ceux faisant l'objet de la reprise, l'usufruitier prend seul la qualité de bailleur ; que si celui-ci se heurte au refus des nus-propriétaires, il a toujours la possibilité d'être autorisé en justice pour consentir seul le bail ; qu'en vertu du principe d'indépendance des législations, la situation locative d'un exploitant est indifférente pour apprécier sa situation au regard de la réglementation des structures agricoles ; que contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, la loi ne restreint pas l'application du régime de la déclaration à l'hypothèse dans laquelle le bénéficiaire a reçu en propriété le bien qu'il entend exploiter ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les biens litigieux auraient pu être reçus par la voie de la location ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 20 août 2008 et régularisé par la production de l'original le 22 août 2008, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance du 26 août 2008 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Audin, avocat, pour M. Yvan-Marie A ;
Considérant que, par un arrêté du 17 janvier 2006, le préfet de la Somme a refusé d'autoriser Mme Annick B à exploiter une superficie de 40 hectares 45 ares de terres sur le territoire de la commune de Roiglise ; que le ministre de l'agriculture et de la pêche, saisi par la voie du recours hiérarchique a, par une décision du 3 juillet 2006, annulé ledit arrêté au motif que Mme B pouvait bénéficier des nouvelles dispositions introduites par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 relatives au régime de la déclaration préalable ; que M. Yvan-Marie A relève appel du jugement du 18 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle du 3 juillet 2006 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que le ministre de l'agriculture et de la pêche a visé et annulé une décision préfectorale datée du 27 février 2006 qui n'existe pas, il ressort toutefois des pièces du dossier que le ministre s'est référé, dans sa décision du 3 juillet 2006, au recours hiérarchique formé par Mme B le 27 février 2006 à l'encontre de l'arrêté du 17 janvier 2006 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui accorder l'autorisation d'exploiter les terres demandées ; que la circonstance que le ministre de l'agriculture et de la pêche ait indiqué que cet arrêté était daté du 27 février 2006 au lieu du 17 janvier 2006 constitue une simple erreur de plume ; que par suite, le moyen de M. A doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 : I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Ce seuil est compris entre une et deux fois l'unité de référence (...). II. - Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins. / Pour l'application des présentes dispositions, sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille. (...) ;
Considérant que Mme B a demandé le 9 septembre 2005 l'autorisation d'exploiter une superficie de 40 hectares 45 ares de terres, qui avaient appartenu à son père décédé et dont sa mère est usufruitière, que M. A mettait jusqu'à présent en valeur ; qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'attestation notariée enregistrée le 2 juin 2003 à la conservation des hypothèques, et sans que cela soit d'ailleurs contesté, que Mme B a hérité d'1/6ème de la succession de son père et est nue-propriétaire indivis desdits biens ; que si M. A soutient que Mme B ne peut bénéficier du régime de la déclaration préalable en sa qualité de simple nue-propriétaire et en l'absence de partage de ces biens, il ne ressort toutefois pas des dispositions de l'article L. 331-2 du code rural précitées que la mise en valeur des terres soit soumise à une condition de propriété pleine et entière pour des biens en indivision qui n'ont pas fait l'objet d'un partage successoral ; que dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que Mme B ne pouvait, en sa qualité de nue-propriétaire des terres, objets de la reprise, bénéficier du régime de la déclaration préalable prévue à l'article L. 331-2 du code rural précité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir, par les moyens qu'il invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 juillet 2006 du ministre de l'agriculture et de la pêche ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme B et l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à verser à M. A une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner M. A, partie perdante, à verser à Mme B une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à Mme B une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yvan-Marie A, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et à Mme Annick B.
Copie sera transmise au préfet de la Somme.
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N°08DA00765 5