Vu la requête, enregistrée le 10 août 2010 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée le 12 août 2010 par la production de l'original, présentée pour Mlle Viviane A, demeurant ..., par Me Cardon ; Mlle A demande au président de la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003071 du 19 mai 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2010 du préfet du Nord décidant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir, de même que la décision, du même jour, la plaçant en rétention administrative ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre une somme de 1 794 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bernard Foucher, président de la Cour, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Cardon, pour Mlle A ;
Considérant que, par un arrêté en date du 15 mai 2010, le préfet du Nord a décidé de reconduire à la frontière Mlle A, ressortissante camerounaise, née le 3 février 1970, en se fondant sur le 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision distincte du même jour, le préfet du Nord a désigné le Cameroun comme pays de destination de cette mesure ; que Mlle A forme appel du jugement, en date du 19 mai 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté et cette décision ; qu'elle demande, en outre, en appel, l'annulation de la décision, prise le même jour, par le préfet du Nord la plaçant en rétention administrative ;
Sur les conclusions dirigées contre le placement de l'intéressée en rétention administrative :
Considérant que lesdites conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision distincte désignant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) II. - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ; que s'il est constant que Mlle A est entrée en France le 11 décembre 2002 dans des conditions régulières, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'intéressée s'est maintenue au-delà de la durée de validité de son visa et qu'elle ne peut se prévaloir de la délivrance d'aucun titre de séjour ; qu'elle était, ainsi, dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettait au préfet du Nord de décider qu'elle serait reconduite à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté attaqué, que
ceux-ci mentionnent que Mlle A est célibataire, mère d'une enfant mineur d'âge qui ne réside pas sur le territoire français, et qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside cette enfant et sa propre mère ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier et, notamment, des procès-verbaux retraçant les déclarations de Mlle A au cours des auditions qui ont suivi son interpellation, que celle-ci avait clairement indiqué avoir contracté un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français avec lequel elle a précisé vivre maritalement depuis 2006 ; que, pour justifier de la réalité de cette situation, qui n'est pas contestée, Mlle A verse au dossier un certificat de concubinage qui lui a été délivré le 16 octobre 2006 par la mairie de Paris et un récépissé d'enregistrement de déclaration conjointe de pacte civil de solidarité qui lui a été remis par le greffe du Tribunal de grande instance de Paris 9ème le 8 décembre 2008 ; qu'il ressort de ces mêmes procès-verbaux, que l'enquêteur des services de police a pris connaissance de la déclaration conjointe de pacte civil de solidarité, intitulée convention de PACS , qui figurait, de même que son passeport, parmi les pièces que Mlle A portait dans ses effets personnels lors de son interpellation ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mlle A soutient à bon droit que la motivation susénoncée, retenue par le préfet pour justifier la mesure de reconduite à la frontière prise à son égard, révèle que sa situation particulière n'a pas fait l'objet d'un examen suffisamment attentif et que ce vice entache la légalité de l'arrêté attaqué, qui doit être annulé ; que, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour désignant le pays de destination de cette mesure doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord, en date du 15 mai 2010, prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et de la décision distincte, du même jour, désignant le pays de destination de cette mesure ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;
Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Nord à l'égard de Mlle A, n'implique pas, par elle-même, qu'une carte de séjour temporaire soit délivrée à celle-ci ; que cette décision implique, en revanche, en application des dispositions précitées, et dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire au réexamen de sa situation soit délivrée par le préfet du Nord à Mlle A dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision et qu'il soit procédé à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de cette date ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte la mesure d'injonction ainsi définie ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1003071 du 19 mai 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille, l'arrêté du préfet du Nord en date du 15 mai 2010 décidant de reconduire Mlle A à la frontière et la décision distincte du même jour désignant le pays de destination de cette mesure sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet du Nord de délivrer à Mlle A, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour couvrant le délai nécessaire au réexamen de la situation de l'intéressée et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de cette date, à ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Viviane A, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°10DA01008 2