Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 28 juillet 2010 et le 9 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentés pour Mme Zohra B veuve A, demeurant ..., par Me Khelfat, avocat ; Mme B demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1002486 du 9 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2010 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Maryse Pestka, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Khelfat, avocat, pour Mme B ;
Considérant que Mme B, de nationalité algérienne, fait appel du jugement du 9 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2010 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; qu'elle doit être regardée comme demandant non seulement l'annulation dudit jugement mais également l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord, en date du 6 avril 2010 ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que Mme B n'a contesté en première instance que la légalité interne de l'arrêté attaqué ; qu'à supposer qu'elle ait entendu soulever le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cet arrêté, ce moyen, relatif à sa légalité externe, a le caractère d'une demande nouvelle en appel et est, par suite, irrecevable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : (...) l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente (...) ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait délivré une autorisation de regroupement familial au profit de Mme B ; que, si l'intéressée soutient que son conjoint, qui était titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans, et qui est décédé le 13 novembre 2009, avait, de son vivant, formulé à son profit une demande d'admission au titre du regroupement familial, elle ne produit, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir la réalité de cette demande ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir des stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conjoint de Mme B, qui était titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans, est décédé le 13 novembre 2009 ; que l'intéressée, entrée en France le 15 mars 2006 accompagnée de ses six enfants mineurs, n'est pas dépourvue de toutes attaches familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans et où résident ses parents et ses frères et soeurs ; que, dans ces conditions, et alors même qu'à la date de la décision attaquée, la mesure confiant ses six enfants à l'aide sociale à l'enfance avait été renouvelée jusqu'au 30 avril 2010, la décision du 6 avril 2010 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut, par suite, et en tout état de cause, qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la mesure confiant les six enfants mineurs de Mme B à l'aide sociale à l'enfance avait été renouvelée jusqu'au 30 avril 2010 par un jugement du juge des enfants du Tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe, en date du 15 octobre 2009 ; qu'ainsi, Mme B n'était pas libre d'emmener ses enfants avec elle lors de son renvoi dans son pays d'origine, la mesure de placement ne pouvant être levée que par une décision du juge compétent ; que, dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant que le présent arrêt, qui annule l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de Mme B, n'implique pas qu'un titre de séjour lui soit nécessairement délivré ; qu'en revanche, il résulte des dispositions précitées qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Nord de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1002486 du 9 juillet 2010 du Tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a rejeté la demande de Mme B tendant à l'annulation de la décision du préfet du Nord, en date du 6 avril 2010, l'obligeant à quitter le territoire, ainsi que ladite décision du 6 avril 2010 portant obligation de quitter le territoire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme B et de statuer à nouveau sur son cas dans un délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Zohra B veuve A, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°10DA00932 2